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Le monde en 2013 - vatican

Neuf mois de pontificat de François : une opération « perestroïka » ?

Le 13 mars, Jorge Mario Bergoglio, jésuite argentin, devient le premier pape latino-américain sous le nom de François. Son élection intervient après la démission surprise en février du pape Benoît XVI, une première dans l’histoire du catholicisme moderne. Dylan Martinez/Reuters

François, premier pape de l’hémisphère Sud qui vient de fêter ses 77 ans, a mis la spontanéité à l’honneur dans l’Église et entamé une populaire opération « perestroïka », qui risque toutefois de décevoir tant les attentes sont élevées.

Neuf mois après son élection le 13 mars, le pape jésuite jouit d’une audience inattendue dans les milieux non croyants. Pour le magazine Time, qui l’a élu « homme de l’année », « il a su se placer au centre des discussions essentielles de notre époque : richesse et pauvreté, équité et justice, transparence, rôle de la femme... ». Il est « suivi » par plus de dix millions de followers sur Twitter.

L’image de l’Église, très négative fin 2012 en raison des multiples scandales (pédophilie, corruption) exhumés du passé, a commencé à s’améliorer. Et le Vatican intéresse davantage.

Autant Benoît XVI était mal compris, réservé et semblait critiqué quoi qu’il dise, autant François fait consensus même s’il conserve les mêmes positions conservatrices sur de nombreuses questions et se réclame de ses prédécesseurs.

Le pape argentin aurait-il lancé une opération « perestroïka » (réforme) et « glasnost » (transparence) dans l’Église, à l’image de Gorbatchev en URSS ?

Il a entamé une réforme ambitieuse, mais lente, de la Curie en s’entourant d’un conseil consultatif de huit cardinaux. Il a nommé des commissions sur les finances, l’administration du Vatican, la lutte contre la pédophilie et souhaite plus de collégialité. Des premières réformes de la Curie et de la banque du pape, l’IOR, sont attendues l’an prochain.

François, bousculant le protocole, est aussi coutumier d’opérations coups de poing comme sa visite improvisée en juillet sur l’île italienne de Lampedusa en solidarité avec les réfugiés d’Afrique naufragés de la Méditerranée, ou sa journée de prière mondiale pour la paix en Syrie, contre une intervention militaire étrangère, en septembre.

Sa popularité a crû en raison de son refus du luxe, des honneurs et de la mondanité, de ses gestes de tendresse, repris par les photos du monde entier, de phrases fortes sur le pardon pour tous et l’accueil des personnes qui ne sont pas « en règle » comme les homosexuels ou divorcés.

Son message résolument social, qui insiste sur « la culture du déchet », la « mondialisation de l’indifférence », « l’impérialisme » de l’argent, a eu un grand impact. Au point que les milieux ultralibéraux américains l’ont taxé de « marxiste ». Une accusation qu’il a rejetée et qualifiée de « ridicule » par le vaticaniste Marco Politi.

La « révolution » de François n’est pas du goût de tous. Une parole jugée trop libre, trop abondante – discours, interviews, parfois improvisés –, un renoncement à des rites trop solennels, un refus de condamner nettement les évolutions sociétales que Jean-Paul II et Benoît XVI dénonçaient, tout cela lui est reproché dans les milieux catholiques conservateurs.

Le vaticaniste Sandro Magister critique les « oscillations » de sa communication. « Pilotage et navigation à vue, accélérateur et frein : la conduite du pape Bergoglio est ainsi faite », déplore-t-il.

Paradoxalement, selon le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, « l’extrême concentration de l’attention sur François pose des problèmes pour la communication » de l’Église.

Le magazine Vanity Fair, qui cite le porte-parole, observe que Benoît XVI a été paradoxalement un « communicateur » parce qu’il transmettait le message de l’Église, tandis qu’avec François le risque existe que tout se focalise sur sa personne, même s’il n’aime pas le culte de la personnalité.

Jorge Mario Bergoglio, tifoso du club de San Lorenzo de Buenos Aires, amateur de tango, est loin d’être l’homme bonasse et conciliant que certains médias décrivent. Il réserve sa chaleur, authentique, aux gens les plus modestes, aux malades, aux handicapés, aux enfants. Leur téléphone et leur écrit parfois. Mais il est jugé parfois autoritaire et brusque dans le petit monde feutré du Vatican.

Même s’il rencontre beaucoup de monde, il a un mode de vie austère. Gros travailleur, c’est un « général » jésuite qui consulte beaucoup et décide seul.

Les conservateurs craignent qu’il ne crée la paralysie et le désordre dans l’Église en poussant trop avant la collégialité, en « démocratisant » l’Église.

De leur côté, les progressistes catholiques attendent avec impatience des changements sur le mariage des prêtres, l’ordination des femmes, des assouplissements doctrinaux vis-à-vis de l’avortement, l’euthanasie ou le mariage gay. Ils risquent fort d’être rapidement déçus.

François, premier pape de l’hémisphère Sud qui vient de fêter ses 77 ans, a mis la spontanéité à l’honneur dans l’Église et entamé une populaire opération « perestroïka », qui risque toutefois de décevoir tant les attentes sont élevées.
Neuf mois après son élection le 13 mars, le pape jésuite jouit d’une audience inattendue dans les milieux non croyants. Pour le...

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