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Le monde en 2013 - Rétro 2013

L’année des laissés-pour-compte

Alfred Jarry le faisait – et  plus souvent qu'à son tour. Alors, pourquoi pas lui, Barack Obama ? Comptez le nombre de pays priés, ces années passées, d'attendre leur tour. Il serait plus aisé  de citer ceux qui ont  échappé (pour combien de temps encore ?) à la trappe du nouveau Père Ubu,  américano-européen celui-là. On vous dira que cela s'appelle la haute politique, relève des nécessités du moment, de l'ordre des priorités. Faudra veiller à l'expliquer aux peuples abandonnés à eux-mêmes, ceux à qui nul n'a songé à expliquer les raisons de ce soudain désintérêt alors que, longtemps, les sauveteurs n'avaient cessé de brandir l'étendard du « devoir d'ingérence ».

Il y a cinquante ans, le monde avait frôlé le grand cataclysme pour quelques fusées installées par la défunte Union soviétique sur une île alors famélique, coupable de se trouver trop proche de la Floride. Les États-Unis et avec eux le monde dit libre se posaient alors en défenseurs de la liberté et de la démocratie. Le même Kennedy s'en allait haranguer les foules berlinoises et leur dire qu'il était des leurs. À l'aube du XXIe siècle, les nouveaux « damnés de la terre », n'ayant plus personne vers qui se tourner, tentent avec leurs pauvres moyens de garder la tête hors de l'eau. En vain.

Irak, Libye, Yémen, Syrie, Liban – la liste ne prétend pas être exhaustive – paient le prix d'un désengagement  brutal et inattendu, inexpliqué mais non point inexplicable, la chape de silence étant à mettre au compte de la honte, on voudrait tant le croire, que leur inspirait leur lâchage.

Résumons l'argument des nostalgiques de l'ère Monroe : hégémonie US sur l'ensemble du continent, mais non-intervention dans les affaires européennes, une thèse défendue en 1823 par ce président républicain. Ce qui n'empêchera pas l'entrée en guerre, le 2 avril 1917, et le célébrissime « Lafayette, we are here », de « Black Jack » Pershing.

Un moment, le monde a cru au retour de l'idéalisme wilsonien, avec la « croisade » de George W. Bush en Irak, le soutien apporté aux adversaires de Mouammar Kadhafi. D'autant qu'il y eut auparavant l'engagement en Afghanistan puis, des années plus tard, le soutien apporté aux rebelles de l'Armée syrienne libre, l'entrée en lice des drones au Yémen, l'inquiétant double jeu en Égypte, la réserve observée face aux soubresauts qui agitent le continent africain. C'est le discours sur l'état de l'Union, en janvier 2010, qui achèvera de lever toute équivoque quant aux intentions du premier président noir américain : une intervention d'une heure devant les deux Chambres réunies dans laquelle la politique étrangère n'a eu droit qu'à neuf petites minutes, faisant dire aux journalistes que les USA étaient entrés dans une période d'isolationnisme qui ne présage rien de bon. Explication sous forme de syllogisme : l'argent étant le nerf de la guerre et manquant dans les caisses de l'État, il ne peut y avoir d'opérations militaires, seules susceptibles de mettre au pas el-Qaëda, les apprentis sorciers et les adeptes du parti unique.

On ajoutera à ce qui précède la multiplicité des problèmes intérieurs et le peu d'intérêt de l'Américain lambda pour tout ce qui ne touche pas à son job, son assurance-santé et l'éducation de sa progéniture. Chez lui, il ne craint plus un nouveau « Nine Eleven », encore moins la concurrence économique de l'Europe, ce vieux continent dont Donald Rumsfeld  ne manquait jamais de  rappeler l'âge vénérable. Le danger, c'est  de Chine qu'il viendrait plutôt, un pays quatre fois plus peuplé, presque aussi grand que l'Europe et dont l'économie accomplit depuis des années des prodiges en matière de croissance. En décidant de ramener à la maison les « boys » de moins en moins engagés en Afghanistan ainsi que sur les rives de l'Euphrate, en refusant d'aménager dans le ciel syrien une zone d'exclusion, en applaudissant aux initiatives africaines de la France mais sans aller plus loin, Barack Obama ne se cache plus pour signifier à ceux qui le relancent que, pour lui, les véritables priorités se trouvent à domicile.

En 1918, le président démocrate Thomas W. Wilson présente au Congrès ses « quatorze points », un ambitieux projet de défense de l'ordre mondial qui lui vaudra l'année suivante le Nobel de la paix. Nous en voudra-t-on de regretter que son lointain successeur ait préféré, à l'altruisme, le douillet cocon américain ?

Alfred Jarry le faisait – et  plus souvent qu'à son tour. Alors, pourquoi pas lui, Barack Obama ? Comptez le nombre de pays priés, ces années passées, d'attendre leur tour. Il serait plus aisé  de citer ceux qui ont  échappé (pour combien de temps encore ?) à la trappe du nouveau Père Ubu,  américano-européen celui-là. On vous dira que cela s'appelle la haute politique,...

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