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À La Une - Liban

Le « non » de Sleiman à l’alliance des minorités

Les Exhortations apostoliques, feuille de route de Baabda.

Le président Sleiman et le patriarche Raï sont-ils vraiment sur la même longueur d’onde ?  Photo Dalati et Nohra

À l’heure où les développements de la crise syrienne semblent donner raison aux défenseurs du régime baassiste, le chef de l’État, le président Michel Sleiman, a mis en garde hier les chrétiens du Liban, et par extension tous les chrétiens d’Orient, contre la théorie de « l’alliance des minorités » qui les placerait, avec d’autres minorités religieuses ou ethniques, face à l’immense majorité sunnite.

 

S’adressant directement, et pour la première fois de son mandat, aux Libanais de religion chrétienne inquiets pour leur avenir – et vulnérables à la manipulation de leur inquiétude par les idéologues et politologues de l’asservissement –, le président Sleiman leur a demandé de ne pas chercher d’autres « feuilles de route » pour perpétuer leur présence dans leur patrie que celle que les deux Exhortations apostoliques de Jean-Paul II (1997) et de Benoît XVI (2013) leur propose, savoir leur intégration dans leur milieu arabe, la lutte pour les valeurs démocratiques et humaines qui sont les leurs : l’ouverture aux autres, le dialogue, les élections, l’alternance au pouvoir, etc. 

 

(Pour mémoire: Pour le congrès des chrétiens d’Orient, un même danger, les takfiristes !)


Le président a pris la parole au cours d’une cérémonie organisée à Bkerké à l’occasion de la publication, par le Centre catholique d’information, d’un livre-somme abondamment illustré des textes intégraux des discours prononcés par Benoît XVI lors de sa visite historique au Liban (13-15 septembre 2012) ainsi que les discours prononcés par le chef de l’État en sa présence.
La cérémonie a donné l’occasion au patriarche Raï, au nonce apostolique Gabriele Caccia, à l’archevêque maronite de Beyrouth, Boulos Matar, président de la Commission épiscopale des communications sociales responsable du CCI, et finalement au président de la République de prendre la parole.

Jean-Paul II et Benoît XVI
Se référant autant, sinon plus, à Jean-Paul II qu’à Benoît XVI, le président Sleiman a invité les Libanais à embrasser la vision que le grand pape leur a proposée de leur nation et à dire « non » à « l’alliance des minorités ».
« Comme chrétiens, nous avons à appliquer l’Exhortation apostolique et à ne pas chercher d’autres voies, d’autres mécanismes ou d’autres projets », a-t-il dit.
Pour le président, cela signifie d’abord « l’enracinement » des Libanais dans le monde arabe où ils se trouvent.
Évoquant la rencontre de Jean-Paul II avec les jeunes du Liban, à Harissa (1997), le chef de l’État a affirmé : « Pensons aux jeunes qui l’acclamaient en anglais sur les marches de la basilique de Harissa et auxquels il a dit : “Parlez-moi dans votre langue”, savoir l’arabe. Il y avait là une leçon à tirer. Nous devons embrasser l’Exhortation apostolique pour éviter le danger et les menaces qui pèsent sur la présence chrétienne. »

Le « oui » et les « non »
Le chef de l’État a ensuite énuméré le « oui » et les quatre « non » qui devraient servir de « feuille de route » aux chrétiens qui souhaitent rester en Orient :
– Oui au dialogue, à la liberté, à l’ouverture, aux droits de l’homme, aux valeurs démocratiques, à l’humanisme, à la lutte contre le fanatisme et le terrorisme.
– Non au repli sur soi, au renfermement, à l’isolationnisme qui ne sont pas des valeurs chrétiennes.
– Non à l’assimilation qui contredit la richesse particulière des chrétiens.
– Non au recours à la protection étrangère illusoire et aux régimes autocratiques.
– Non à l’idée de l’alliance des minorités.
À cette charte, le patriarche orthodoxe Youhanna X Yazigi souscrirait volontiers, estime-t-on, à entendre les propos qu’il a tenus hier à son départ pour l’Europe.
Le président s’est félicité d’avoir eu « la chance » d’accueillir au Liban Benoît XVI ainsi que de la prochaine canonisation de Jean-Paul II (27    avril 2014). Il fait bon que des saints foulent la terre libanaise, s’est-il exclamé.

La « distanciation »
Prononcées d’une voix forte et sûre, les paroles du chef de l’État faisaient écho à des propos que le Premier ministre démissionnaire, Nagib Mikati, tenait d’une voix également sûre, devant un forum de responsables économiques, dans lesquels il a défendu publiquement, une fois de plus, l’idée d’une « distanciation » du Liban à l’égard de tous les axes politiques régionaux, en particulier de la crise syrienne.
Le « non » à l’alliance des minorités est également un « non » à une interminable « guerre de religions » dans laquelle cette théorie pourrait précipiter la région, et un « oui » au maintien des rivalités régionales sur le plan strictement politique de la lutte pour l’émancipation démocratique des peuples.

 

(Pour mémoire:"Le Liban n'existe pas sans les chrétiens...")


Le chef de l’État l’a d’ailleurs dit explicitement dans son discours, s’adressant à ces entités présentes ou futures : « Les régimes émergents ou qui cherchent à émerger dans cet Orient doivent savoir faire participer toutes les composantes de leurs sociétés respectives et en gérer leurs affaires sans tenir compte de leur nombre, mais en songeant à la civilisation dont elles sont porteuses. »
Le président Sleiman a référé ses auditeurs à un précédent discours qu’il avait prononcé à Raboué, au cours d’un colloque sur la présence chrétienne en Orient auquel participait le vicaire patriarcal maronite Samir Mazloum.


Il y a lieu de noter que l’intermède si bien mis à profit par le président Sleiman hier est intervenu au terme de la 47e session annuelle de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques d’Orient (APECL), dont les résolutions et recommandations seront rendues publiques dans un communiqué ce matin. À la cérémonie de présentation du livre, tous les patriarches et évêques présents ont participé, ainsi qu’un grand nombre de personnalités politiques, économiques et religieuses.

 

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