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À La Une - Interview

Michel Aoun : Tant que les régimes arabes ne sont pas démocratiques, les chrétiens restent menacés

Le président du CPL répond aux questions de L'Orient-Le Jour.

Michel Aoun.

Le général Aoun surprend toujours ses interlocuteurs. Il peut parfois réagir au quart de tour à une question anodine et être d’un calme olympien face à toutes les provocations. Avec « L’Orient-Le Jour », il a choisi d’être serein, attentif aux réactions des lecteurs.



Comment faut-il interpréter la visite d’une délégation des Kataëb à Rabieh aujourd’hui (hier) ?
Elle est destinée à me remettre une invitation pour l’anniversaire du parti. Nous avons évoqué rapidement les sujets de l’heure. Mais il ne faut pas aller plus loin dans l’interprétation.

Et votre réunion demain (aujourd’hui) avec le courant du Futur ?
Nous avons décidé d’établir un dialogue avec toutes les parties pour tenter de trouver une issue à la paralysie actuelle des institutions, surtout au niveau du législatif. Les dossiers politiques peuvent donc rester en suspens, mais cela ne devrait pas nous empêcher de légiférer sur des questions non conflictuelles. Nous avons entamé notre série de rencontres avec le président de la Chambre et nous voulons continuer avec toutes les autres parties. D’abord pour tenter de faciliter la formation du gouvernement, et ensuite pour légiférer. Notre objectif premier est de sortir de la paralysie institutionnelle. Nous pensons aussi que le dialogue peut briser le mur de l’hostilité et aboutir à l’équation suivante : avoir des divergences ne signifie pas être ennemis. Nous commençons donc avec de bonnes intentions. Nous espérons aboutir à des résultats concrets car ce serait dans l’intérêt du Liban.

Certains estiment que vous avez l’art de tendre la main au mauvais moment. Vous avez ainsi conclu un accord avec le Hezbollah quand ce dernier s’est engagé dans un processus régional et ne peut plus vous aider sur le plan interne. Vous avez établi un dialogue avec le régime syrien à la veille de son déclin et, enfin, vous avez entrepris une ouverture en direction de l’Arabie au moment où elle est opposée à presque tout le monde et avec les parties internes quand tout est bloqué... Commençons par le Hezbollah.

Notre relation avec la résistance a véritablement commencé en 2006 et s’est consolidée pendant la guerre de juillet contre Israël. À ce moment-là, tout le monde croyait que la résistance serait écrasée, mais j’avais dit le contraire. Les déclarations de sayyed Nasrallah par la suite ont montré la valeur qu’il attache à cette position et les chiites en général nous prouvent chaque jour l’importance de notre relation avec le Hezbollah.

Mais vous, quel bénéfice avez-vous tiré de cette entente, surtout maintenant ?
Je ne cherche pas les bénéfices pour moi, mais pour la patrie. Je pense que la stabilité actuelle dans le Mont-Liban, au Sud et dans la Békaa est en grande partie due à cette entente et bénéficie à tous les Libanais, qu’ils nous appuient ou non.

Mais êtes-vous pour ou contre la participation du Hezbollah aux combats en Syrie ?
Ce n’est pas là la question. Le Hezbollah a été obligé de se rendre en Syrie parce que les combats commençaient à s’étendre au Liban, à Ersal et à Laboué. Il se devait donc de les repousser au-delà de la frontière libanaise. Il a utilisé pour cela une stratégie préventive et il a maintenu ainsi la guerre sur le territoire syrien. L’issue finale de la bataille dira s’il a eu raison ou non.

Sayyed Nasrallah et les cadres du Hezbollah se posent aujourd’hui en vainqueurs. Pensez-vous qu’ils ont raison ou bien qu’ils font ces déclarations pour leur opinion publique ?
La participation du Hezbollah à la guerre en Syrie fait de lui une partie intégrante de la solution à venir. Mais cela ne signifie pas qu’il se retournera contre ses partenaires au Liban. Je crois au contraire que la solution à venir sera dans l’intérêt de l’entité libanaise.

Si vous pensez que la solution sera dans l’intérêt du Liban, pourquoi dans ce cas mettez-vous en avant les dangers qui pèsent sur la présence chrétienne dans la région ?
Nous traversons une période particulière, au cours de laquelle l’histoire peut avoir des ratés. Depuis des décennies, nous lisons des livres sur les chrétiens d’Orient. La question se pose et je suis convaincu que si les pays arabes ne deviennent pas des démocraties respectueuses des droits de l’homme, le danger continuera à peser sur les chrétiens d’Orient. En parlant du rôle des chrétiens dans le monde arabe, j’ai voulu servir les intérêts des musulmans et des chrétiens. Pour résumer, je dirais que les extrémistes musulmans élimineront rapidement les chrétiens alors que les dictatures le feront plus lentement.

Au cours du congrès des chrétiens d’Orient, il a été question de l’élection d’un président fort. C’est comme si vous disiez que tout ce problème sera résolu si vous êtes élu à la présidence de la République ?
Chacun des pays participant à ce congrès a ses problèmes spécifiques et les différentes délégations les ont exposés. Au Liban, l’élection présidentielle pose un problème. En fait, le problème est dans la construction d’un État fort. À mon avis, un président fort peut contribuer à l’édification d’un État fort. De plus, la force libère le président qui pourra parler en position de force et rallier tout le monde autour de lui. S’il est faible, les autres partenaires seront plus forts que lui. La faiblesse mène à la soumission, et la force mène à la liberté.

L’ouverture sur le président syrien a-t-elle été faite au mauvais moment, lorsqu’il ne pouvait plus rien vous donner en échange ?
Je me suis rendu en Syrie en 2008. Entre 2008 et 2011, il y a eu une détente entre les deux pays et les maronites ont pu retrouver leurs racines. Les relations entre les deux peuples se sont approfondies. Il y a eu une véritable normalisation des relations entre les deux peuples, même si les problèmes politiques n’étaient pas réglés. Des négociations avaient d’ailleurs été entamées par le Premier ministre Saad Hariri pour les régler. Ensuite, il y a eu la guerre, mais elle n’est pas la responsabilité du régime. Elle a été lancée dans l’intérêt d’Israël par des pays soit alliés à Israël, soit alliés aux États-Unis qui, eux, ont deux soucis dans la région, Israël et le pétrole.


Que restera-t-il de cette relation si le président Assad tombe ?
Depuis le début, j’ai dit que le président Bachar ne partira pas et la solution de la crise est dans le dialogue. Nous y arrivons et mon conseil aux Syriens est de venir au dialogue le plus vite possible.

Quid de votre ouverture sur l’Arabie saoudite ?
Tous les ambassadeurs accrédités au Liban viennent me voir. Les divergences politiques n’excluent pas la courtoisie diplomatique. Si nous voulons la stabilité et si l’Arabie veut contribuer à cette stabilité, c’est une valeur ajoutée à nos relations.

Comptez-vous retirer vos ministres du gouvernement chargé des affaires courantes s’il ne tient pas une réunion pour le dossier du pétrole ?
Le gouvernement est comme un poulet désossé. On ne peut plus lui retirer les os. Nous ne pouvons pas ajouter un vide à un autre. Le ministre chargé des affaires courantes peut régler quelques dossiers. C’est toujours mieux que rien.

Si nous arrivons à l’échéance présidentielle sans pouvoir élire un président, serez-vous contre la prorogation du mandat de l’actuel président ?
Je suis contre la prorogation dans l’absolu. Nous avons commencé avec le général Rifi. Mais nous n’avons pas réussi avec les autres échéances. Nous restons sur nos positions.

Ne pensez-vous pas que la prorogation serait préférable au vide ?
Le fait de ne pas pouvoir élire un président, c’est déjà le vide. En d’autres termes, la prorogation est une autre forme de vide. C’est comme si on gardait le plat chaud pour le consommer le moment venu.

Vous qui êtes le chef du bloc du Changement et de la Réforme, comment n’avez-vous pas encore réussi à transformer le CPL en institution ?
Si, c’est fait. Vous serez surprise par la rapidité avec laquelle les structures du parti prennent forme. Nous sommes certes un parti naissant, avec les maladies propres à l’enfance. Mais notre croissance est rapide et nous faisons au fur et à mesure les rectifications nécessaires.

Vous avez réglé votre problème d’héritage politique ?
Je n’ai pas d’héritier politique.

Mais les personnalités les plus en vue du CPL sont soit vos gendres, soit votre neveu...
Y a-t-il parmi eux un médiocre ou un incompétent ? Ce sont tous des militants du Tayyar, qui ont une grande légitimité, un passé de lutte, et même ils ont fait de la prison. Vous parlez de mes gendres : Gebran Bassil a prouvé ses compétences, ainsi que Roy Hachem. Alors que le général Chamel Roukoz a un passé glorieux dans l’armée. Quant à mon neveu Alain Aoun, tous les sondages ont montré qu’il était le plus populaire dans la région de Baabda. Le fait d’être mes proches ne doit pas non plus être un handicap. Ils ont tous fait leurs preuves...

 

 

Pour mémoire

Pour le congrès des chrétiens d’Orient, un même danger, les takfiristes !

 

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