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À La Une - Interview

« Le cancer, l’amour et la politique de l’espoir »

Un nouvel ouvrage vient de paraître ; il est consacré à l’éminent cancérologue, le Dr Philip A. Salem, qui affirme que le Liban « vit » en lui.

Le Dr Philip Salem.

Homme d’une grande vision intellectuelle, médecin, chercheur, éducateur, fin analyste et politicien, le célèbre cancérologue Dr Philip Salem fait l’objet d’un nouvel ouvrage qui vient de paraître aux éditions Quartet, intitulé Cancer, Love and the Politics of Hope : The Life and Vision of Philip A. Salem, MD. Il a été écrit par deux éminents journalistes, Frances Mourani de Nouvelle-Zélande, mariée à Walid Mourani, et Boutros Andari, libanais du Koura, ayant vécu en Australie; ce livre de 313 pages, « qui comprend plusieurs parties », donne un aperçu de la vie, de l’œuvre, et de la vision de ce cancérologue humaniste de renommée internationale qui est aussi professeur de cancer et chercheur au Centre Salem Oncology et à St Luke’s Episcopal Hospital, à Houston.


Ayant émigré aux États Unis en 1986, Dr Philip Salem reste profondément attaché à ses racines libanaises. « Je n’ai jamais vraiment quitté le Liban, j’ai émigré dans une zone géographique mais pas dans la réalité », confie-t-il à L’Orient-Le Jour, lors d’un entretien accordé à New York. L’ouvrage livre pour la première fois une sélection de douze éditoriaux et commentaires que le cancérologue a publiés en arabe dans le journal an-Nahar, de 1992 à 2007, et aussi une sélection de ses discours, interviews et articles sur sa vie, ses réalisations et sa vision sur la politique et le cancer.
Bardé de médailles et de distinctions honorifiques, Philip Salem est membre actif de trois principales organisations pour le cancer dans le monde, notamment l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), l’American Association for Cancer Research (AACR) et la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO). Considéré comme un des top médecins de l’Amérique par Castle Connolly, il siège aux comités de rédaction de plusieurs revues prestigieuses de recherche sur le cancer. Il prend part en 1990 au comité consultatif de la santé à la Maison-Blanche et reçoit en 1994 la prestigieuse médaille d’Honneur d’Ellis Island pour « ses efforts humanitaires et ses contributions exceptionnelles à la science américaine ». En 2006, il reçoit à Rome une distinction honorifique du « Scientifique de l’année » par la Fondation nationale italienne pour la promotion de la science et de la culture. Un bien impressionnant parcours.



Amour et espoir
 « Ce livre est écrit par Frances Mourani et Boutros Andari. C’est une célébration du concept du pouvoir de l’amour, de l’espoir, et la conquête humaine de la souffrance et la maladie, » raconte-t-il. L’ouvrage fait avant tout « référence » à son enfance, sa vie et son parcours médical. « Je viens d’un petit village Bterram, (Liban-Nord). J’ai fait mes études à Bterram, à Bechmezzine, à Tripoli et à l’IC à Beyrouth, puis à l’AUB. Avant de faire médecine, j’ai excellé en philosophie et voulais poursuivre dans cette voie », confie-t-il. « Mais, enfant, j’avais promis à ma mère, que j’adorais, de m’orienter vers la médecine pour prendre soin d’elle lorsqu’elle sera à un âge avancé. J’ai donc tenu promesse ! »


En pratiquant la médecine pendant 49 ans, il constate que cette « expérience médicale est en fait la plus grande étude de philosophie. » Diplômé de médecine en 1968, sa véritable expérience du cancer commence la même année à New York, au Memorial Sloan-Kettering, suivie deux ans plus tard par MD Anderson Cancer Center, à Houston. « Deux prestigieuses institutions ! » Depuis lors, il « traite chaque jour des cancéreux. Ce qui est à la fois une formidable expérience et un grand privilège de servir les malades, » note-t-il avec émotion.


Philip Salem retourne au Liban de 1971 à 1985 à l’AUB pour établir le premier centre de recherche et de traitement du monde arabe pour le cancer. Il « forme en quatorze ans vingt-trois médecins qui le suivent aux États Unis, à MD Anderson Cancer Center, dont cinq sont maintenant à la tête des plus importantes institutions du monde. C’est une de mes plus belles réalisations ! » estime-t-il. Il émigre aux États Unis en 1986 et travaille de 1987 à 1991 à Houston au MD Anderson Cancer Center. En 1991, il fonde son propre centre, le Salem Oncology Center, et occupe la chaire Salem Cancer Research, à St Luke’s Hospital où il travaille.



Liban modèle distinct du monde arabe
Le cancérologue ne cache pas sa passion pour le pays du Cèdre. Il décrit dans ce livre sa vision pour un Liban meilleur. Il se souvient avoir « vécu la guerre du Liban à Ras Beyrouth dans l’abri ». C’est dans l’abri que j’ai écrit mes plus beaux articles, raconte-t-il. L’expérience de l’abri a généré en moi ce grand amour pour le Liban. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à écrire sur la crise libanaise et la guerre du Liban en 1975 », note-t-il au passage.


Prônant l’arabité, Dr Salem qui se dit « un arabisant », a toujours combattu pour « un Liban indépendant et souverai». À ses yeux, « deux problèmes majeurs ont mené le Liban dans l’abîme : l’inhabilité des Libanais à produire un leadership politique pour mener le Liban vers l‘avenir et cristalliser une vision cohérente du pays ; et le manque de loyauté à l’égard du pays ». « Le problème n’est pas tant l’intolérance religieuse que le manque de leadership politique. J’ai appelé à la séparation de la religion et de l’État parce que le Liban devrait être un modèle pour tous les pays du Moyen-Orient », ajoute-t-il.


« Bien que je sois un arabisant, je ne crois pas en un arabisme qui soit associé à la religion. Je crois en un arabisme où la religion est séparée de l’État. Le Liban devrait rester un modèle distinct du monde arabe tout en restant indépendant. Il ne devrait jamais perdre cette distinction », affirme-t-il. Tel est aussi le message de Gebran Khalil Gebran pour un Liban où « les religions s’embrassent ». Pour le cancérologue, « le Liban n’est pas seulement un État, c’est un modèle culturel avec dix-huit communautés qui vivent ensemble en paix ». « Nous voudrions que le Liban demeure un modèle pour la tolérance religieuse, pour la liberté et pour l’innovation, martèle-t-il. Le pape Jean-Paul II a raison de soutenir que le Liban est plus qu’un pays, il est un message. »



 « Le Liban vit en moi »
La passion que porte Dr Salem pour son pays est sans limite. « Beyrouth est le microcosme du monde et devrait être le futur des hommes, souligne-t-il. Pourquoi suis-je ici (aux États Unis) ? s’interroge-t-il. J’ai pensé que je ne quitterai jamais mon pays. Mais je n’avais pas d’autre option pendant la guerre. Mon frère Élias était ministre des Affaires étrangères, j’étais une cible avec le risque d’être kidnappé. Lorsque j’ai déménagé à Halate où j’avais un chalet, les milices chrétiennes ont découvert que je traitais un joueur-clé au Moyen-Orient. Ma vie était en danger. Mes trois enfants étaient en bas âge, 1, 2, et 3 ans, je suis parti. J’ai beaucoup écrit sur ce sujet. J’ai quitté le Liban mais le Liban vit en moi. Je porte toujours le Liban dans mon cœur », dit-il avec émotion. Le cancérologue qui se rend au Liban trois fois par an a transmis ce même amour du pays à ses enfants qui « se sentent avant tout libanais » et parlent l’arabe. « Je les ai cloués sur la croix du Liban ! » dit-il.


Le troisième message du livre est le résultat de l’expérience du médecin avec les patients et la mort. « J’ai réalisé la signification du courage, de la persévérance, de l’amour et de l’espoir. Sans espoir, sans le désir d’aller de l’avant et la persévérance, on ne peut aller nulle part. C’est aussi ce que je dis à propos de l’échec. On échoue plusieurs fois avant de guérir. Telle est ma philosophie. Mais en tant que malade du cancer et pour avoir le courage et la persévérance, il est nécessaire d’avoir un médecin qui aide au quotidien avec amour et espoir. Lorsque je parle de la politique de l’espoir, cela signifie que je crois en un espoir qui propulse le patient. Il en va de même en politique au Liban et au Moyen-Orient, car il y a toujours de l’espoir pour sortir de la crise », conclut-il avec optimisme.

 

 

Pour mémoire

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