Lors de la cérémonie d’ouverture dans une salle majestueuse du palais royal, sous le haut patronage du maire de Varsovie et du sous-secrétaire du ministère des Affaires étrangères polonais, le comité d’organisation de WawMUN 2013 a souhaité la bienvenue aux étudiants polonais et internationaux.
« L’homme, blanc en Europe, noir en Afrique, jaune en Asie et rouge en Amérique, n’est que le même homme teint de la couleur du climat. » – Georges Louis Leclerc de Buffon
Dans les prochaines années, le monde va devoir faire face à des défis sans précédent, que ce soit la disparition des ressources naturelles due à la surexploitation exercée par l’homme, à l’insécurité alimentaire, au changement climatique, à l’instabilité financière qui mine continent après continent, ou encore l’extrémisme propre à un XXIe siècle qui s’annonce particulièrement violent. La planète vieillit et semble se traîner, le dos courbé, vers un futur incertain. À l’exception peut-être de l’Asie. Ce continent en plein développement pourrait-il jouer un rôle essentiel dans la résolution de ces défis mondiaux ? L’Asie serait-elle le futur du monde ?
C’est justement pour répondre à ces questions ainsi que pour discuter des défis que représente en lui-même ce vaste continent que s’est tenue au cœur de la Pologne une simulation des Nations unies. Étalée sur trois jours, Warsaw Model United Nations (WawMUN) appelait des étudiants internationaux à débattre des thèmes controversés de l’Asie, dans une simulation des différentes commissions des Nations unies.
C’est dans une salle majestueuse du palais royal de la vieille ville de Varsovie que Jan Bednarz, le secrétaire général de cette nouvelle édition de Modèle des Nations unies, a souhaité la bienvenue aux étudiants venant des quatre coins du pays mais aussi aux délégations étrangères venant de France, de Norvège ou encore d’Afghanistan. Ce jeune Varsovien charismatique a appelé les « futurs leaders » à garder en tête le but de cette réunion : une ouverture d’esprit pour élargir leurs horizons, un dialogue avec autant d’avis divergents, une réceptivité à de nouvelles idées et le respect des positions d’autrui. Parce que, en fin de compte, « nous sommes réunis pour trouver dans le dialogue et le débat des solutions qui arrangent tous les partis, et ce pour parvenir à une éventuelle paix ».
Intimidés par la beauté des lieux, les délégués, âgés de 17 à 20 ans, avaient l’avant-midi pour se préparer à endosser la lourde tâche d’ambassadeur. Représenter un pays sans forcément être d’accord avec sa politique, un rôle des plus ardus pour ces jeunes, pour la plupart inexpérimentés.
Lors de la cérémonie d’ouverture, sous le haut patronage du maire de Varsovie ainsi que du sous-secrétaire du ministère des Affaires étrangères polonais, Jan Bednarz a soulevé la question qu’il était légitime de se poser : pourquoi avoir choisi l’Asie pour cette nouvelle édition ?
Le plus grand et le plus peuplé
Avec ses 43 810 582 km2 de terres et ses 4,2 milliards d’habitants, l’Asie est le plus grand et le plus peuplé des continents. Regroupant environ 60 % de la population mondiale, elle est un pôle de concentration de l’activité humaine ainsi qu’un pôle de croissance économique face à un monde en crise. L’Asie abrite en effet de grandes puissances économiques mondiales, dont le Japon, la Corée du Sud, Singapour ou encore Taïwan. Elle connaît aussi une croissance rapide avec ses économies émergentes que sont l’Inde et la Chine. Et si ce développement a propulsé, entre autres, les deux géants asiatiques au centre de la spirale économique mondiale, cela ne va pas, cependant, sans conséquences. En effet, l’impact environnemental du développement de cette région frôle la catastrophe. En s’imposant au rang de la deuxième puissance économique mondiale, talonnant ainsi les Nord-Américains et tournant le dos au Japon, la Chine a réclamé le droit de polluer, le temps de se développer la stratégie du colosse consistant jusqu’ici à faire assumer la responsabilité aux pays industrialisés. Elle a ainsi atteint le plus haut taux d’émission de carbone, dépassant en 2009 celui des États-Unis, et pèse aujourd’hui le poids du plus gros pollueur du monde. Rien d’étonnant à cela, car si elle est restée indifférente à la révolution industrielle inaugurée au Royaume-Uni, elle s’est bien rattrapée, depuis, rendant le monde accro au Made in China, ces produits qui ont envahi les marchés internationaux au grand dam d’une Europe vieillissante et d’un continent américain trop occupé à faire la guerre.
Les dégâts environnementaux dus à cette propulsion industrielle ne se limitent malheureusement pas aux frontières chinoises, mais touchent l’Asie en entier. C’est ainsi que le Cambodge et la Thaïlande, à titre d’exemple, connaissent une déforestation galopante pour répondre à leurs besoins domestiques. La Birmanie, elle, connaît plutôt une déforestation imposée par des entreprises d’exploitation forestières étrangères. Dans le reste de l’Asie, la situation est liée à de grands programmes de colonisation, à une récolte intensive de bois d´œuvre, à l´expansion de l´agriculture commerciale et à l´empiétement continu de terres boisées par l’agriculture itinérante. Et c’est justement pour discuter de ce premier défi que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) s’est concentrée sur l’exploitation illégale des parcs nationaux en Asie. Rappelant que cette exploitation « représenterait entre 70 et 90 % de la production de bois et de produits dérivés en Indonésie », le délégué indonésien a mis l’accent sur la principale menace : l’extension des plantations d’huile de palme, très commercialisée sur les marchés mondiaux comme huile alimentaire, base de cosmétique ou encore biocarburant.
Le jeune délégué propose alors de diminuer le nombre d’entreprises de transformation du bois et d’accorder des droits fonciers aux populations locales et aux peuples autochtones qui dépendent de la forêt.
Le représentant chinois a pour sa part incité les ambassadeurs réunis à protéger les derniers lambeaux de forêts naturelles et d’initier un vaste projet de reboisement. Pour tout écho à ces propos, le délégué chinois a eu plutôt droit à un rappel de ses propres actions néfastes : la plupart des meubles ou des produits en bois Made in China sont fabriqués à partir de bois issus de la destruction des forêts d’Asie du Sud-Est.
Un continent plein de contrastes
Sous ses apparences d’uniformité, l’Asie demeure un continent plein de contrastes, car s’il connaît un taux de croissance des plus hauts, il regroupe néanmoins certains pays des plus pauvres comme l’Afghanistan ou le Pakistan qui voient leur sort s’aggraver par une situation politique instable. C’est dans le cadre d’une résolution, simulée, de ces conflits qui ont gangrené l’Asie que le Conseil économique et social pour l’Asie et le Pacifique (Escap) discutait de « l’Afghanistan après 2014 », date à laquelle les troupes de l’OTAN doivent céder la place aux autorités afghanes, préparées à assurer efficacement la sécurité dans tout le pays. Le délégué de l’Afghanistan représentait dignement les positions de son pays, appelant tout au long du débat les États-Unis, qui ont « appauvri le pays au lieu de lui rendre toute sa gloire », à laisser les autorités afghanes s’autosuffire pour assurer leur propre sécurité et se développer économiquement, « car elles en sont capables ».
Pour ce qui est de la reconstruction du pays et d’un éventuel « dialogue national » entre les différents partis en conflit, le délégué de l’Inde a martelé ne pas vouloir entendre parler d’un dialogue avec les talibans. Et comme s’ils prévoyaient le maintien de cette situation tragique dans le pays, certains
Occidentaux, comme la Belgique, ont proposé d’ouvrir les portes de leurs écoles et universités aux jeunes Afghans, mettant ainsi à l’abri du conflit des générations entières, celles-là même « qui viendraient reconstruire un Afghanistan stable et prospère quand le temps viendra ». Car c’est finalement « par l’éducation que la paix aura une chance de naître ».
Ce vieux Japon
Moins politique mais tout aussi important, le Conseil économique et social pour la population et le développement (CPD) a soulevé pour sa part la question du vieillissement des populations en Asie en se concentrant notamment sur le cas du Japon. Le tableau idyllique de ce pays – troisième puissance économique, quatrième pays exportateur et sixième pays importateur, avec un niveau de vie très élevé et la plus longue espérance de vie au monde – ne doit pas masquer d’importants problèmes qui pèsent sur son avenir : le Japon souffre d’un des taux de natalité les plus bas au monde, très en dessous du seuil de renouvellement des générations, et il est actuellement en déclin démographique. Les statistiques mettent ainsi l’accent sur un continent à la population la plus vieille : en 2050, un quart des Asiatiques aura plus de soixante ans.
C’est ainsi que le représentant de la Pologne, un pays qui connaît une transformation totale des dynamiques familiales avec une nouvelle indépendance recherchée par ses « seniors », a proposé une plus grande intégration des personnes âgées dans la société. Le délégué a notamment proposé la restructuration des maisons de repos dans des normes plus humaines et plus vivables. Clin d’œil au pays du Cèdre, la Pologne est aussi très attachée à la famille et c’est dans ce cadre-là que le délégué polonais a appelé ses camarades à plus de compassion et d’entraide.
Une place parmi les grands
De plus, l’Asie dérange. Car aujourd’hui, ce continent est arrivé à s’imposer comme un nouvel acteur incontournable de la scène internationale. Même politiquement, l’Asie s’est fait une place parmi les grands. Infligeant leur veto et paralysant à maintes reprises de possibles résolutions du Conseil de sécurité, la Chine et la Russie sont arrivées à tenir tête à l’hégémonie occidentale, notamment sur l’actuel conflit syrien.
L’Asie effraie aussi par sa capacité à se doter du nucléaire, civil pour certains, à des fins plus agressives pour d’autres. Le Conseil de sécurité s’est ainsi attelé à débattre de la question controversée de la situation en Corée du Nord. Avec la belliqueuse course aux armements nucléaires de la région, ce problème ne pouvait qu’être soulevé et lourdement débattu. La virulente question du délégué nord-coréen à l’adresse de son adversaire américain : « Qui sont les États-Unis pour décider de qui peut ou ne peut pas avoir l’arme nucléaire ? » a enflammé le débat, le faisant glisser sur la pente d’une prééminence Nord-Sud, rouvrant les plaies de la colonisation, mélangeant alliés et ennemis, menaçant d’attaques et de sanctions... pour finalement ne pas aboutir à de réels résultats. Échec donc ? Pas vraiment, d’après le président du Conseil – « ça aura ouvert aux délégués les yeux sur la difficulté de régler des conflits si importants » – mais surtout « cela a été très représentatif de la complexité de notre monde ».
Trois jours de débats révélateurs de la volonté des jeunes à faire bouger les choses : c’était là tout le but de cette nouvelle édition de MUN. « Si l’Asie est le futur du monde, souvenez-vous bien que ce monde-là ne peut fonctionner sans vous. Vous êtes le futur de ce monde et j’espère que cette conférence vous a ouvert les yeux sur le poids de la responsabilité que vous portez sur vos épaules », a ainsi conclu Jan Bednarz, avant de déclarer la séance close sous une salve d’applaudissements.
Lire aussi
Malgré Fukushima, l'Asie reste la locomotive mondiale du nucléaireDans les prochaines années, le monde va devoir faire face à des défis sans précédent, que ce soit la disparition des ressources naturelles due à la surexploitation exercée par l’homme, à l’insécurité alimentaire, au changement climatique, à l’instabilité financière qui mine continent après continent, ou encore l’extrémisme propre à un XXIe siècle qui s’annonce particulièrement violent. La planète vieillit et semble se traîner, le dos courbé, vers un futur incertain. À l’exception peut-être de l’Asie. Ce continent en plein développement pourrait-il jouer un rôle essentiel dans la résolution de ces défis mondiaux ?...