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Liban - Portrait

Oula Haïdar, une Syrienne à Beyrouth par amour et pour fuir la guerre

« Dix ans ne suffiront pas à reconstruire le pays. Je ne sais pas si le peuple pourra oublier toute cette violence et vivre en paix. »

Oula, réfugiée syrienne à Beyrouth. Photo Anne Ilcinkas

Si Oula Haïdar, jeune femme frêle aux grands yeux noirs, a quitté Damas pour Beyrouth, c’est par amour. « Mon compagnon est britannique. On devait se rejoindre à Damas pour vivre ensemble. L’année dernière, il a fait une demande de visa à l’ambassade syrienne. Refusée. On a donc décidé de se retrouver à Beyrouth. »


Par amour donc, mais aussi à cause de la guerre en Syrie. Diplômée des beaux-arts de l’Université de Damas, la jeune femme travaillait comme graphic designer jusqu’à la fermeture de la société qui l’employait.
« Avec la guerre, les gens se concentrent sur l’essentiel, ils n’ont que faire de la publicité. Pas de pub, c’est pas de travail, et donc pas d’argent pour la compagnie qui a mis la clé sous la porte. Moi je ne pouvais vivre à Damas sans revenus, d’autant que le coût de la vie a beaucoup augmenté. »


Avant son départ, la vie dans la capitale syrienne était encore à peu près normale, se souvient Oula, 31 ans, seules l’inflation et la multiplication des barrages de l’armée témoignaient de la guerre civile. « J’habitais dans la banlieue de Damas. En temps normal, je mettais une demi-heure pour me rendre au travail, explique-t-elle de sa voix douce. À la fin, le trajet durait deux heures, à cause des checkpoints de l’armée ou des routes coupées. »


Oula a donc franchi la frontière syro-libanaise seule, à Masnaa, il y a huit mois. Avant de quitter Damas, elle avait trouvé un emploi à Beyrouth, via Internet. Mais quand elle arrive au Liban, la proposition s’évapore. Changement de plan et, coup de chance, la jeune femme décroche un poste, une semaine seulement après son arrivée, comme responsable média au sein de Najda Now International, une ONG qui dispense des cours d’anglais, d’arabe et de mathématiques aux enfants palestiniens, syriens et libanais dans le camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth. « Je me sens très utile en travaillant pour les réfugiés syriens », dit-elle.


Même si elle trouve que la vie est chère à Beyrouth, ses revenus lui permettent de vivre, de louer une chambre en colocation avec des Libanais. C’est la raison pour laquelle elle ne s’est pas enregistrée en tant que réfugiée auprès du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). « Je ne sais pas si je dois le faire, dit-elle. Je n’ai pas besoin d’assistance financière en tout cas. » Pour autant, Beyrouth n’est pas une ville facile à vivre, estime-t-elle. « La circulation, les embouteillages, l’état des services, comme l’électricité ou l’eau... Toutes ces choses fonctionnent mieux en Syrie, encore aujourd’hui. » Sa famille, ses amis, les rues qu’elle arpentait... Sa vie à Damas lui manque.


Oula n’est retournée en Syrie qu’une fois depuis son départ. En août, elle a rendu visite à ses proches à Masyas, dans la région de Hama, la ville d’où sa famille est originaire. « Je ne le ferai plus, c’est trop difficile, explique-t-elle. Les Syriens ont de plus en plus de mal à franchir la frontière pour revenir au Liban, car ils sont de plus en plus nombreux. Je préfère ne pas prendre le risque et rester ici pour l’instant. »


Pas question pour autant de rompre la communication avec sa famille. La jeune femme appelle ses parents une fois par semaine et parle avec sa sœur tous les jours via Facebook ou WhatsApp. Mère couturière à domicile, père fonctionnaire à la retraite, sa famille parvient encore à joindre les deux bouts, malgré la hausse des prix. « Mes parents ne veulent pas quitter leur ville, leur maison. La situation est calme à Masyas. »


Oula est contente que l’intervention militaire contre la Syrie n’ait pas eu lieu. « Une intervention militaire ne va rien changer sur le terrain, juste tuer un peu plus de Syriens. La population va en souffrir, pas le gouvernement. Pendant plus de deux ans, personne n’a réagi. Pourquoi réagir aujourd’hui? Pour une raison politique. Ils suivent leurs propres intérêts et ne se soucient pas de ce dont le peuple a besoin. »


Aujourd’hui, la jeune femme rêve de s’installer au Royaume-Uni ou en Turquie avec son compagnon. De retour en Syrie, il n’est pour le moment pas question. « La situation est très mauvaise. Dix ans ne suffiront pas à reconstruire le pays. Je ne sais pas si le peuple pourra oublier toute cette violence et vivre en paix. Beaucoup d’armes sont aujourd’hui en circulation en Syrie », regrette-t-elle, plus attristée qu’en colère. « Nous projetons de rester encore un an au Liban, poursuit-elle, le temps de trouver un moyen pour obtenir un visa. »

 

 

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Par amour donc, mais aussi à cause de la guerre en Syrie....

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