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À La Une - Le point

Rialpolitik

- « Have a nice day », dit Hassan Rohani. - « Khodahafez » (Que Dieu soit avec vous), répondit en farsi Barack Obama. Puis les deux hommes raccrochèrent. L’histoire retiendra que, commencée à 14h30 heure de Washington, la conversation téléphonique s’est terminée quinze minutes plus tard, premier contact à un tel niveau entre responsables américain et iranien depuis 1979 et la prise d’otages à l’ambassade US. Un petit quart d’heure, en ce vendredi 27 septembre, que le monde entier n’en finit pas de commenter jusqu’au moindre détail tant il est appelé à modifier, en profondeur et pour longtemps, la conjoncture régionale.


Dans l’ouverture de la République islamique sur l’Occident, l’incrédulité a fait croire à certains, dans un premier temps, qu’il s’agissait d’un leurre ou encore d’un feu de paille destiné à gagner du temps en attendant la phase finale de mise au point par le régime iranien de l’arme suprême. Ces jours-ci, il n’y a plus que Benjamin Netanyahu pour s’accrocher à ce brin de paille. À l’ONU, le Premier ministre israélien a parlé de « loup déguisé en agneau » et décrété que s’il n’en reste qu’un, ce sera lui qui montera au front contre cette maudite Perse d’où vient tout le mal. C’est que, en panne d’arguments face à l’écheveau iranien, « Bibi » veut manger les raisins et tuer le garde-champêtre, comme le dit fort joliment l’expression libanaise.


N’en déplaise à « Bibi », les signes se multiplient depuis quelque temps d’une volonté réelle, de part et d’autre, de tourner le dos à un passé qui n’a que trop duré, avec son cortège d’incompréhensions, de petites guerres et de désastres maintes fois annoncés. À ceux qui arguaient du précédent Khatami pour expliquer l’inattendue victoire de Rohani au scrutin de la mi-juin et prédire sa chute prochaine, on fera valoir que le Majlis dans sa majorité (230 des 290 députés) vient d’exprimer un très large soutien aux dernières initiatives du chef de l’État. Le chef du Parlement a été jusqu’à le féliciter pour son discours à la tribune de l’Assemblée générale. Unique bémol : Mohammad Ali Jafari, le chef des gardiens de la révolution, a jugé « prématurée » la fameuse conversation téléphonique « tant que l’administration US n’aura pas donné de gages de sa sincérité » – cette même exigence étant curieusement formulée par des congressmen soucieux, eux aussi, de ralentir une réconciliation menée à grande vitesse.


Il ne fait aucun doute que les interventions en pointillé des pasdaran, corps d’élite du régime, servent à la fois de garde-fou au guide suprême dans son virage à angle droit et d’argument au successeur d’Ahmadinejad dans son invite à l’aile pure et dure du pays à ne pas se mêler de politique.


Autre signe qui ne trompe pas : à Téhéran, personne n’a plus peur du grand méchant Facebook, qui a perdu son étiquette d’ « instrument sioniste », en particulier depuis que le chef de la diplomatie Mohammad Javad Zarif et plusieurs dignitaires du régime y ont chacun un compte. Le chef de la police, Esmaïl Ahmadi Moghadam, a lui aussi donné sa bénédiction au site de rencontres, pourvu que l’on en use « avec modération » et « à bon escient ».
Des preuves encore ? Le 30 septembre, le journal réformiste Shargh publiait le texte, accompagné d’une photographie de l’intéressé, d’une interview d’Alan Eyre, l’un des porte-parole du département d’État, faisant état de l’opportunité d’une amélioration des relations entre les deux pays, mais, dans le même temps, établissant une distinction entre les paroles et les actes. Certes, on dira que l’agence Fars avait fait paraître en juillet dernier un entretien avec ce fin connaisseur de l’Iran et de sa langue, mais elle l’avait inexplicablement supprimé de ses bulletins quelques heures plus tard.


Face au mécanisme enclenché depuis moins d’une semaine, la Maison-Blanche fait preuve d’une exemplaire sagesse. Ainsi, les critiques de M. Zarif à l’adresse d’un Obama jugé comme dinamitero de la confiance qui commence à s’instaurer entre les deux parties ont-elles été accueillies plutôt calmement par un haut responsable américain qui y a vu une ligne de conduite dictée par des considérations purement internes.


C’est dans un net souci de se « hâter lentement » qu’Américains et Iraniens ont entrepris leur longue marche vers une normalisation qui n’a que trop attendu. De la patience? Il leur en faudra. Beaucoup d’ingéniosité aussi. Le Sénat US, apprenait-on hier, serait décidé à ne pas valider un nouveau train de sanctions en attendant la réunion de Genève à la mi-octobre. Tant de virages feraient craindre une sortie de route si la sagesse ne prévalait. Car, dit le proverbe iranien, « le patient arrivera un jour à son souhait ».

- « Have a nice day », dit Hassan Rohani. - « Khodahafez » (Que Dieu soit avec vous), répondit en farsi Barack Obama. Puis les deux hommes raccrochèrent. L’histoire retiendra que, commencée à 14h30 heure de Washington, la conversation téléphonique s’est terminée quinze minutes plus tard, premier contact à un tel niveau entre responsables américain et iranien depuis...
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