Bramer comme un cerf, le comble pour un chasseur

Un chasseur sachant bramer est un bon chasseur ! Partant de ce principe, quelques passionnés ont participé dimanche au premier championnat de France d’imitation de brame du cerf, dans le parc animalier de Sainte-Croix à Rhodes.
Appeau classique vendu dans le commerce, mais aussi corne de zébu, tuyau en plastique, cylindre cartonné de rouleau essuie-tout : à chacun sa méthode pour imiter le cri du grand mammifère, rugueux et subtil à la fois, qui résonne dans les forêts à la saison des amours, de mi-septembre à début octobre.
Les cinq participants à ce concours, trois chasseurs venus de Lorraine et deux de Franche-Comté, pouvaient compter sur les conseils avisés de trois spécialistes allemands de la discipline, invités pour l’occasion, qui ont aussi fait des démonstrations publiques de leur savoir-faire. Car en Allemagne comme en Europe de l’Est, les compétitions d’imitation de brame existent déjà depuis des années. On dénombre aujourd’hui sur le continent onze championnats nationaux et même un championnat d’Europe annuel.
« On savait que ce genre de compétitions existait à l’étranger, mais on n’imaginait pas que c’était aussi structuré », explique Pierre Singer, le directeur du parc animalier de Sainte-Croix et organisateur du concours. « Ce n’était pas facile de convaincre des chasseurs de participer, il a fallu beaucoup les rassurer, leur dire qu’il s’agissait d’un concours sérieux, pas d’un cirque », ajoute M. Singer.
D’autant plus que « le brame, c’est un truc de solitaire », selon Michel Thonnelier, chasseur à l’arc dans les Vosges, qui déclare être venu pour se perfectionner dans l’art du brame avec son petit tuyau en plastique, afin « d’approcher les cerfs à 15 mètres ».
« Le brame est un langage », explique Wolfgang Rieck, un chasseur mosellan. Maîtriser ses nuances permet non seulement aux chasseurs d’attirer les cerfs, mais aussi d’évaluer leur âge et leur santé, un élément essentiel dans le prélèvement sélectif des bêtes, souligne-t-il.

 « Se sentir comme un cerf »
Notés par trois jurés – un retraité de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, un garde forestier et un éleveur de cerfs –, les candidats se sont départagés dans trois épreuves d’imitation bien distinctes.
D’abord le « brame de présence » – court, bref et rauque–, puis « le brame de poursuite suivi de victoire » – râle saccadé suivi d’un cri puissant–, et enfin le « brame de langueur », long et mélancolique, celui du cerf épuisé à la fin du rut et du combat entre mâles.
Pour devenir un as du brame, « d’abord il faut que le son soit profond, qu’il vienne du ventre, comme une éructation », explique doctement Immo Ortlepp, double champion d’Allemagne. « Ensuite il faut s’exercer tous les jours, jusqu’à ce que la voix s’habitue et que la toux d’irritation disparaisse. Et surtout, il faut écouter attentivement le cerf, se sentir comme un cerf », affirme cet imposant guide de chasse professionnel venu de la région de Hanovre. Sur ce plan-là, il a trouvé les novices français « un peu timides ». « Le cerf est le roi de la forêt. Il faut avoir plus de confiance en soi ! » s’exclame-t-il.
Les trois premiers du concours formeront l’équipe de France qui participera au championnat d’Europe 2014 d’imitation de brame. M. Ortlepp s’est déjà porté volontaire pour les entraîner et initier d’autres chasseurs français lors d’un atelier au parc de Sainte-Croix l’an prochain, « où, pendant deux jours, on bramera non-stop », promet-il.
Quant à Pierre Singer, il a bien l’intention d’organiser dans son parc animalier un deuxième championnat de France l’an prochain. Et pourquoi pas, d’ici à quelques années, accueillir un championnat d’Europe.

(Source : AFP)