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À La Une - Portrait

Sergueï Lavrov, la voix de la Russie de Poutine face à l'Occident

Un pur produit de la diplomatie, formé à l'école soviétique.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. YURI KADOBNOV/AFP

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dont l'initiative sur la Syrie a provoqué un coup de théâtre diplomatique, incarne sous le régime de Vladimir Poutine une Russie désireuse d'affirmer son rôle de grande puissance face aux pays occidentaux.

 

Ce diplomate chevronné, formé à l'école soviétique, a pris la balle au bond et proposé un plan pour une sortie honorable, aussi bien pour les Russes que les Américains, lorsque le secrétaire d'Etat John Kerry a déclaré que le régime syrien éviterait des frappes s'il transmettait à la communauté internationale son arsenal chimique.

 

"Lavrov a tiré d'affaire Obama", saluait ainsi dans son blog Gueorgui Mirski, chercheur à l'Institut russe d'économie mondiale et de relations internationales, estimant que son initiative était "la seule décision véritablement intelligente et utile de la diplomatie russe depuis le début de la révolte syrienne il y a deux ans et demi". Car jusqu'à présent, Moscou, notamment par la voix de son ministre, se montrait intraitable dans le dossier.

Sergueï Lavrov, un homme à l'allure élancée à la tête du Ministère des Affaires étrangères depuis 2004, a d'ailleurs été qualifié par certains, depuis la crise en Syrie, de nouveau "Monsieur niet", surnom d'Andreï Gromyko, fameux chef de la diplomatie soviétique réputé pour son intransigeance pendant la Guerre froide.

 

Il connaît bien l'Occident, auquel la Russie se mesure à nouveau, et notamment les Etats-Unis : il a vécu plus de 15 ans à New York, représentant son pays aux Nations Unies, et sa fille Ekaterina a étudié à l'université Columbia.

 

Derrière sa connaissance parfaite des codes et usages diplomatiques, sa constance, son opiniâtreté et la dureté de ses propos ont parfois le don d'agacer certaines chancelleries mais cela lui vaut d'être estimé, aussi bien chez lui qu'à l'étranger.

 

"C'est une brute très professionnelle. Il est redoutable", a confié à l'AFP une source diplomatique occidentale. "C'est un des meilleurs pros que la diplomatie russe ait produit. Il connaît toutes les machineries, les procédures, les rouages, et il en joue", a ajouté ce diplomate.

 

 

Un pur produit de la diplomatie

Né le 21 mars 1950 à Moscou, M. Lavrov est un pur produit de la diplomatie, formé à l'école soviétique. Diplômé du prestigieux Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO), parlant l'anglais, le français et le cingalais, il débute sa carrière à l'ambassade soviétique au Sri Lanka.

 

Après un passage au département des Organisations internationales du ministère des Affaires étrangères, il est nommé en 1981 premier secrétaire à la représentation de l'URSS aux Nations Unies, à New York.

 

Quand l'URSS disparaît à la fin 1991, il dirige déjà un département du ministère russe des Affaires étrangères, sous la houlette du ministre réformateur Andreï Kozyrev. L'orientation est alors pro-occidentale, mais le poids de la Russie sur la scène internationale n'a plus rien à voir avec celui de l'Union soviétique.

 

En 1992, il est promu au poste de vice-ministre. Il repart en 1994 à New York en tant que représentant permanent de la Russie auprès de l'ONU.

En mars 2004, Vladimir Poutine le nomme ministre des Affaires étrangères à la place d'Igor Ivanov, qui avait été nommé par Boris Eltsine. Depuis, Sergueï Lavrov a largement contribué à faire entendre avec une force nouvelle la voix de la Russie sur la scène internationale. De la guerre-éclair avec la Géorgie au conflit syrien, en passant par le casse-tête du nucléaire iranien ou l'affaire Magnitski, il est en première ligne.

 

Comme tout diplomate, Sergueï Lavrov "suit scrupuleusement les instructions de la direction", observe Gueorgui Kounadze, un ancien haut responsable du ministère.

C'est vrai a fortiori depuis que Vladimir Poutine, revenu au Kremlin en 2012 après un intermède de quatre ans comme Premier ministre pour des raisons constitutionnelles, a durci le pouvoir sur la scène intérieure mais aussi les positions russes sur la scène internationale.

 

Pourtant, même si "c'est un exécutant de la volonté du président, ce dernier l'écoute aussi, il a une marge de manoeuvre", tempère M. Karaganov.

Fin 2012, M. Lavrov s'est prononcé contre un projet de loi visant à interdire l'adoption des orphelins russes par des Américains - une mesure de rétorsion à la liste Magnistki adoptée par le Sénat américain. Mais dès que Vladimir Poutine a soutenu le texte, il est rentré dans le rang.

 

L'image d'un négociateur intraitable au visage sévère est par ailleurs incomplète.

Fumeur invétéré, et selon la presse russe amateur de whisky, M. Lavrov s'était ainsi rebellé contre l'interdiction de la cigarette dans l'enceinte de l'ONU.

C'est aussi un amateur de sports extrêmes, adepte du rafting - il est président d'honneur de la fédération russe - et d'expéditions dans la taïga sibérienne.

 

 

Pour mémoire

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