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À La Une - Disparition

May Arslane Joumblatt est partie, « tout en restant... »

L’épouse de Kamal Joumblatt et la mère de son fils unique, Walid, sera inhumée aujourd’hui à Moukhtara

Une photo récente de May Arslan Joumblatt: une femme qui a payé cher le prix de son indépendance.

Décédée dans la nuit de lundi à mardi à l’Hôpital américain à l’âge de 85 ans, entourée de l’affection des siens, en particulier de celle de son fils unique, Walid, qui l’a toujours accompagnée de près, surtout durant sa dernière maladie, May Arslane Joumblatt sera inhumée aujourd’hui à Moukhtara, dans le caveau familial, auprès de son époux, Kamal Joumblatt.
« Telle qu’en elle-même, enfin ? » Pas vraiment, c’est voilée que la dépouille mortelle de May Joumblatt est apparue hier dans sa bière, elle qui dans les années 40 avait enlevé le voile que revêtent les femmes druzes une fois pour toutes.
Mais de son aveu même, « les liens de sang sont d’une ténacité effrayante ». Tenaces comme les chaînes qu’elle avait passé toute sa vie à briser. Finalement, il aura fallu rien moins que les chaînes de la mort pour que le visage du grand âge, marqué par les souffrances, soit caché aux yeux.
La dépouille mortelle reposera donc près de celle de son époux, un jeune homme à la stature de chef qui rêvait de socialisme, et dont l’écrivain Amine Nakhlé lui avait fait faire la connaissance. Elle l’avait épousé à Genève, en 1948, au terme d’une passion amoureuse de trois ans, couronnée par une union civile, au prix de déchirements familiaux indicibles.

Drames sans nom
« J’ai fait un mariage dont ma famille ne voulait pas (...). Je voulais épouser l’ennemi traditionnel de ma famille. Il y a eu des drames sans nom (...). J’ai quitté ma famille comme quelqu’un de maudit », a-t-elle raconté dans un entretien accordé en 1988 à Françoise Collin.
« Il faut qu’une femme essaie d’être libre. Jusqu’où peut-on aller ? Peu importe. Ce n’est pas toujours la mort, mais ça peut être un prix très élevé dont il y a mille variantes », a-t-elle encore confié.
En épousant un Joumblatt, en effet, elle, la fille de Chakib Arslane, un héros de la lutte anti-impérialiste au Liban, avait transgressé une loi tribale quasi intangible à l’époque. Mais elle devait finir par s’éloigner d’un homme dont le milieu féodal et les tardives affinités mystiques furent ressentis par elle comme des condamnations à la réclusion. Elle regagna alors l’Europe de son éducation laïque et de sa chère liberté, avide de se réaliser dans divers champs professionnels et artistiques, mais incapable de vraiment passer à l’acte et sans autre consolation que celle de « rester fidèle à elle-même ».

Le prix de la liberté
« J’ai payé un grand prix pour ma liberté », confiait-elle en 1988, dans l’entretien cité. On ne la contredira pas là-dessus. May Joumblatt fut, à n’en pas douter, une femme qui souffrit énormément ; d’une souffrance à la mesure de sa fulgurante intelligence, de sa culture phénoménale et surtout de sa lucidité, qui ne lui permettait pas de tricher. « C’était une conteuse née, une femme qu’on ne se lassait pas d’écouter », confient ses amis.
Après l’assassinat le 16 mars 1977 de Kamal Joumblatt, May Joumblatt se rapprocha du Liban – qu’elle n’avait jamais réellement quitté – , de corps et d’esprit, pour traverser la guerre aux côtés de son fils, dont elle devint la confidente et la conseillère. Elle s’y installa aussi pour chérir de près ses trois petits-enfants, Taymour, Aslan et Dalia, qu’elle ne manqua pas de promener aussi avec elle en Europe. « Finalement, je suis sortie tout en restant, a-t-elle confié, c’est pourquoi ça a été plus douloureux encore. »

Dérive « obscurantiste »
Politiquement, parallèlement à la désintégration du Liban, elle avait détecté très tôt la dérive « obscurantiste » de toute une région régressant vers ce qu’elle considérait comme « un nouveau Moyen-Âge ». Dans les vagues intégristes, elle voyait l’échec d’une politique étrangère suivie par l’Occident et « une revanche des masses qui ont été méprisées ». Elle avait dénoncé aussi « ces guerres de religion qui sont des guerres politiques qui utilisent la religion ».
Parallèlement, elle avait constaté la régression d’une condition féminine et le retour massif du voile. En revanche, elle tenait le tchador en admiration, y voyant l’affirmation d’un autre genre de liberté et la présence d’un activisme rayonnant.
C’était aussi une femme d’un profond pessimisme sur le Liban, son identité et son avenir. « Je ne vois pas les grandes puissances renoncer à sacrifier le Liban », prédisait-elle, dans les années 90. Elle estimait aussi « difficile » que le Liban se reconstitue dans son identité, « qu’il redevienne la tête de pont entre le monde arabe et le monde occidental » et tenait le conflit du Liban pour « un conflit mondial sournois ». En sommes-nous vraiment sortis ?

Condoléances
D’abord à son domicile beyrouthin, ensuite à Moukhtara, Walid Joumblatt a reçu hier les condoléances du Tout-Beyrouth politique, notamment celle des présidents de la République, de la Chambre et du Conseil des ministres, ainsi que des messages de condoléances, du monarque wahhabite, du président palestinien et de l’ancien président turc Sleiman Demirel. Comme il se doit, Talal Arslane s’est tenu aux côtés de lui, pour recevoir les condoléances. Amine Gemayel a été l’un des premiers à se rendre à Moukhtara. Les condoléances continueront d’être reçues à Moukhtara jusqu’à vendredi, après quoi elles seront reçues en fin de semaine à Beyrouth.
Décédée dans la nuit de lundi à mardi à l’Hôpital américain à l’âge de 85 ans, entourée de l’affection des siens, en particulier de celle de son fils unique, Walid, qui l’a toujours accompagnée de près, surtout durant sa dernière maladie, May Arslane Joumblatt sera inhumée aujourd’hui à Moukhtara, dans le caveau familial, auprès de son époux, Kamal Joumblatt. « Telle...
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