Des portraits du président syrien Bachar el-Assad et de son allié, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d'une manifestation contre une intervention militaire en Syrie, vendredi à Sanaa. REUTERS/Khaled Abdullah
Le président Barack Obama a affirmé vendredi qu'il n'avait pas encore pris de "décision finale" dans le dossier syrien, mais a évoqué une action "limitée" des Etats-Unis pour punir le régime de Bachar el-Assad d'avoir utilisé des armes chimiques.
Le recours à de telles armes représente "un défi au monde entier. Nous ne pouvons pas accepter un monde dans lequel des femmes, des enfants et des civils innocents sont gazés", a assuré le dirigeant américain.
"Cette attaque menace nos intérêts de sécurité nationale", a encore dit M. Obama, en mentionnant aussi le danger que les armes chimiques représentent selon lui "pour nos alliés dans la région, comme Israël, la Turquie et la Jordanie".
Estimant que le monde doit faire respecter les règles interdisant le recours à des armes chimiques, M. Obama a aussi expliqué qu'il n'avait pas "pris de décision finale sur les actions qui pourraient être entreprises dans ce but", même si "l'armée et mon équipe examinent un ensemble de possibilités".
"Quoi qu'il arrive, nous n'envisageons pas une action militaire comprenant des soldats au sol et une longue campagne. (...) Nous examinons la possibilité d'une action limitée, étroite", a-t-il promis.
Un message au Hezbollah et à l'Iran
Alors qu'un sondage publié par NBC vendredi matin montrait que 50% des Américains étaient opposés à une action militaire contre le régime syrien, M. Obama a reconnu que "ici aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et dans de nombreux endroits du monde, il existe une certaine lassitude" vis-à-vis des opérations armées. "Je comprends très bien cela", a-t-il dit après avoir mentionné nommément l'Afghanistan et l'Irak.
"Le monde en général en a assez de la guerre, les Etats-Unis viennent de traverser une décennie de guerre. Je peux vous assurer que personne n'est plus las de la guerre que moi", a affirmé le président.
Mais "il est important pour nous de reconnaître que lorsque plus d'un millier de personnes sont tuées, dont des centaines d'enfants innocents, au moyen d'armes dont 98 ou 99% de l'humanité pense qu'elles ne devraient pas être utilisées, même dans une guerre, et que nous n'agissons pas, alors nous faisons passer le message que les règles internationales ne veulent pas dire grand chose", a-t-il assuré.
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Aupravant, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a évoqué une action ciblée contre la Syrie, sans troupes au sol. Lors d'une déclaration solennelle à la presse, il a parlé d'une réponse militaire "ajustée" et qui ne serait pas "infinie" dans le temps. Pour cette possible opération militaire, le chef de la diplomatie américaine a cité des alliés possibles comme la France, la Ligue arabe et l'Australie. Il a également estimé que cette opération serait un message envoyé à l'Iran et au Hezbollah, soutiens militaires de Damas.
Mais le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s'est déclaré insatisfait d'une possible action militaire limitée.
"Une intervention doit se faire comme ce qui s'est produit au Kosovo. Une intervention d'un jour ou deux ne suffira pas. L'objectif doit être de contraindre le régime à abandonner" le pouvoir, a-t-il estimé.
"Responsabilité indubitable du régime"
Parallèlement, la Maison Blanche a affirmé avoir la "forte certitude" que le régime syrien était responsable de l'attaque aux armes chimiques qui a fait, selon les Etats-Unis, 1.429 dont 426 enfants morts près de Damas le 21 août. Selon un rapport du renseignement américain, diffusé par la Maison Blanche et disant s'appuyer sur de "multiples" sources, le gouvernement de Bachar el-Assad a eu recours à des gaz neurotoxiques dans cette attaque, dont il est "hautement improbable" qu'elle ait été commise par les rebelles.
M. Obama s'est par ailleurs entretenu au téléphone avec le président français François Hollande. Les deux hommes "partagent la même certitude sur la nature chimique de l'attaque" et la "responsabilité indubitable du régime", selon l'entourage du chef de l'Etat français qui a fait état lors de cet entretien de "la grande détermination de la France à réagir et à ne pas laisser ces crimes impunis".
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A Paris, on estime que le refus de Londres d'intervenir en Syrie ne change pas la position de la France qui souhaite une action "proportionnée et ferme" contre le régime de Damas, selon François Hollande. Le président français n'a pas exclu des frappes aériennes avant mercredi, date de la session extraordinaire du Parlement français sur la Syrie.
Jeudi soir, le Parlement britannique a rejeté par 285 voix contre 272, une motion présentée par le Premier ministre David Cameron qui défendait le principe d'une intervention militaire en Syrie. M. Cameron a immédiatement indiqué qu'il tirerait les conséquences de ce vote.
Pas d'intervention de l'OTAN
Le Conseil de sécurité des Nations unies est également dans l'impasse. Une réunion d'à peine 45 minutes entre les cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France disposant tous d'un droit de veto) s'est achevée sans progrès apparents. Elle s'était tenue à la demande de la Russie, alliée indéfectible de Damas et donc farouchement opposée à toute action militaire.
Vendredi, Guennadi Gatilov, un vice-ministre russe des Affaires étrangères a déclaré que "la Russie est contre toute résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, prévoyant la possibilité d'user de la force".
Lors de son discours, M. Obama a condamné l'"impuissance" (dans le dossier syrien) du Conseil de sécurité. Il a appelé le monde à ne pas être "paralysé" face à la situation en Syrie.
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Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a de son côté exclu une participation allemande à une intervention militaire en Syrie, dans un entretien à la presse, dont des extraits ont été diffusés vendredi. Le gouvernement allemand avait cependant signifié dès lundi qu'il approuverait une réaction internationale à l'encontre du régime de Assad.
Une intervention directe de l'OTAN est également exclue, selon le secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, qui a néanmoins estimé que l'utilisation présumée d'armes chimiques par le régime syrien exige une réponse de la communauté internationale.
Les enquêteurs de l'ONU terminent leur travail
Du côté de l'ONU, les experts ont terminé leur travail en Syrie et vont désormais "rapidement" faire un rapport sur l'usage éventuel d'armes chimiques dans le conflit, a déclaré vendredi le porte-parole des Nations unies.
"L'équipe a terminé de récolter des échantillons et des indices", a déclaré Martin Nesirky à des journalistes. "Ses membres préparent maintenant leur départ et quitteront Damas, puis la Syrie demain" samedi, a-t-il ajouté.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, a-t-il ajouté, est disposé à rendre compte si besoin est de leur enquête au Conseil de sécurité dès ce week-end. Aucun pays membre n'a encore réclamé une telle réunion.
M. Ban a reçu vendredi pendant un peu plus d'une heure les ambassadeurs des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité pour évoquer le déroulement de l'enquête. A leur sortie, les ambassadeurs n'ont donné aucune précision sur la teneur de l'entretien.
La haute représentante de l'ONU pour le désarmement Angela Kane a quitté Damas vendredi et rendra compte à Ban Ki-moon de sa mission samedi à New York, a précisé M. Nesirky. Des interprètes et le personnel auxiliaire de l'équipe d'experts sont aussi partis vendredi.
Les 13 experts dirigés par le Dr Aake Sellström vont amener les échantillons, prélevés sur le site présumé d'un massacre à l'arme chimique près de Damas, à des laboratoires en Europe pour analyse. "L'équipe du Dr Sellström fait tout son possible pour mener rapidement le processus d'analyse", a indiqué M. Nesirky, tout en soulignant "la nécessité de faire attention" pour ne pas détériorer les éléments recueillis. Le rapport final qu'écriront les experts sera distribué à tous les Etats membres de l'ONU, a-t-il ajouté.
De son côté, le gouvernement syrien a dit "refuser tout rapport partiel".
Repositionnement
Face à cette poussée de fièvre et malgré le scepticisme qui s'est fait jour depuis mercredi sur l'opportunité d'une intervention, Bachar el-Assad s'est engagé à "défendre" son pays "contre toute agression" des Occidentaux.
Fort de l'appui de la Russie, M. Assad, qui avait déjà démenti les accusations "insensées" de recours aux armes chimiques, a martelé que la Syrie était "déterminée à éradiquer le terrorisme soutenu par Israël et les pays occidentaux", assimilant une nouvelle fois la rébellion à du "terrorisme".
A Damas, les forces armées syriennes ont été repositionnées hors de leurs postes de commandement, et les habitants se préparaient au pire, certains pliant bagages, d'autres subissant des contrôles renforcés à des barrages routiers.
S'exprimant depuis la Turquie, qui prône une opération musclée contre le voisin syrien, l'opposition syrienne a affirmé que les défections s'étaient multipliées dans l'armée syrienne ces derniers jours.
Le Pentagone a, de son côté, déployé un destroyer supplémentaire face aux côtes syriennes, portant temporairement à cinq le nombre de navires équipés de missiles de croisière en Méditerranée orientale. Le Royaume-Uni a déployé six avions de chasse Typhoon sur l'une de ses bases à Chypre, à une centaine de kilomètres seulement des côtes syriennes.
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Dans le camp des alliés de Damas, Moscou a annoncé l'envoi en Méditerranée d'un bateau de lutte anti-sous-marine et d'un navire lance-missiles. L'Iran, par la voix de son chef d'état-major Hassan Firouzabadi, a prévenu qu'une action militaire contre la Syrie aurait des conséquences sur toute la région et mènerait Israël "au bord des flammes". Celui-ci a rétorqué qu'il répliquerait "avec toute sa force" et fait état du déploiement de systèmes d'interception anti-missiles dans le nord mais aussi, selon la radio militaire, dans l'agglomération de Tel-Aviv.
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09 h 00, le 31 août 2013