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À La Une - Liban

Tripoli : adieu charivari, bonjour à la Little Free Library

Retour au calme, les Tripolitains préfèrent se livrer aux livres qu’aux affrontements. La capitale du Liban-Nord voit officiellement s’ouvrir la première Little Free Library (petite bibliothèque gratuite) du monde arabe. Onze autres devraient apparaître au Liban. Attention zone livre.

La petite bibliothèque aux allures de mangeoire pour dévoreurs de bouquins.

Quelle drôle de maisonnette en bois est apparue devant le restaurant La Plaka à Tripoli ! Remplie de livres, elle ressemble pourtant à une mangeoire. Comme un nichoir fait pour des volatiles particuliers : les bibliovores. L’espèce est menacée, mais la petite bibliothèque les fait survivre en rassemblant tous ses spécimens : les « liseurs du soir » picoreurs de pages, les « bouquineurs » tournoyant autour des belles reliures et « bibliophiles » dévoreurs de pavés. Sur son toit, un écriteau : « Prenez un livre. Rapportez un livre. » L’idée est incroyablement simple, gentillette presque. Au vu de la faiblesse du lectorat libanais, elle répond pourtant à une urgence.


Le concept est né en 2009 aux États-Unis. Son père, Todd Bol, est un habitant du Wisconsin de 85 ans qui a décidé un jour de monter une cabane à livres. Depuis, l’idée des Little Free Library a prise au-delà de toute espérance. Le mouvement est devenu une association à but non lucratif. L’inscription officielle coûte 25 $ et permet à ces bibliothécaires autoproclamés de recevoir une plaque officielle et un code de suivi sur le site Web. L’engouement est tel que plus de 2 500 petites bibliothèques ont vu le jour ces quatre dernières années. Aux États-Unis, bien sûr, mais aussi en Lituanie, au Ghana ou en Inde... Les contraintes géographiques s’évanouissent d’elles-mêmes : l’une d’entre elles a été accrochée à un pare-chocs de roulotte et une autre installée au milieu du fleuve Saint-Laurent. Et pourtant, avant cette année, pas une seule de ces bibliothèques n’existait au Moyen-Orient. Peut-être plus qu’une mauvaise coïncidence malheureusement.


Pour Patricia Nabti, présidente de l’association Learning to Care, à l’initiative de l’implantation du projet au Liban, il ne s’agit pas seulement d’échanger des bouquins, mais également de promouvoir le geste civique dans le monde arabe. « Croire les gens capables d’actes désintéressés est un premier pas essentiel pour changer les attitudes. Ici, comme ailleurs, le civisme est possible », plaide-t-elle fermement. Elle abhorre les pessimistes et leurs « prophéties autoréalisatrices ». « Les gens voleront tous les livres », lui a-t-on souvent prédit au début. « Mais comment voulez-vous voler ce qui est gratuit ? » répondait-elle inlassablement. Bibliophiles chapardeurs, même pas peur !


Défi relevé à Tripoli. Depuis le 20 juin dernier, la première de ces Little Free Library du monde arabe est officiellement enregistrée sur le site. Dans le cadre des Global Youth Service Day (Journées mondiales du bénévolat des jeunes), une trentaine d’étudiants tripolitains ont mené le projet à bien. « Nous voulions que chacun puisse découvrir l’amour de la littérature », explique Ahmad, lycéen et « gardien » de la microbibliothèque. Plus qu’une jolie ambition, une véritable nécessité au vu du manque d’engouement pour la littérature au Liban. Une étude statistique du Consultation Research Center révélait en 2009 que seuls 17 % des Libanais interrogés se disaient être des lecteurs réguliers. Les Little Free Library pourraient alors redonner le goût du livre parce qu’elles permettent d’échanger des bouquins, certes, mais aussi beaucoup de palabres. Aux quatre coins de la planète, nombreux sont les idylliques récits de collectivités qui se sont retrouvées autour de ces petites bibliothèques. « Elles deviennent un lieu de rencontre essentiel dans les villages, favorisant en même temps la pratique de la lecture et le lien social », fait valoir Patricia Nabti, aussi convaincue qu’enthousiaste.


Difficile pour l’instant d’évaluer la réussite du projet de Tripoli, mais Ahmad a déjà remarqué que certains livres apportés au début manquent à l’appel tandis que de nouveaux sont apparus. Un bon départ, alors que parier sur le civisme en cette période troublée relevait d’une véritable gageure. « Nous avons dû arranger les choses différemment, choisir un quartier très sûr par exemple », explique ainsi Noha Samad, professeur d’anglais et marraine du projet. Placée à l’entrée du très fréquenté restaurant La Plaka, la microbibliotèque est à la fois facile d’accès et protégée grâce à la surveillance des employés de l’endroit, eux-mêmes visiblement charmés par le projet. « Je trouve cette initiative très pertinente, particulièrement à Tripoli où l’habitude de lire est moins répandue qu’à Beyrouth par exemple », explique ainsi Hani el-Mir, serveur du restaurant.

 


Microbibliothèque et macroéchanges
Douze de ces microbibliothèques devraient apparaître au Liban le mois de novembre prochain. Des ateliers de construction sont organisés régulièrement dans les locaux de Lamba Labs, rue Mar Mikhael, pour construire ces maisonnées aux livres qui seront ensuite placées dans des localités intéressées par l’idée. Si le mot circule, ces dernières devraient être nombreuses. Non seulement les petites bibliothèques favorisent les relations de proximité, mais elles ouvrent également l’horizon. « Dans certaines petites localités, avoir une Little Free Library c’est aussi se voir inscrit sur une carte mondiale pour la première fois », souligne Patricia Nabti. De fait, les étudiants de Tripoli ont dénommé leur bibliothèque « Une fenêtre sur le monde ». Une belle fenêtre à double sens en effet. D’un côté, les livres parlent à leurs lecteurs de contrées méconnues, de l’autre, le monde entier peut voir l’emplacement de la Little Free Library grâce à une carte présente sur le site Web. Nos oiseaux bibliovores se font alors migrateurs.

 

 

 

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