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À La Une - Reportage

Incroyable ! Le couvre-feu réduit Le Caire au silence

Des véhicules blindés quadrillaient hier la place Tahrir, au Caire. Khaled Desouki/AFP

Les habitués du Caire, fourmilière de 20 millions d’habitants où les klaxons le disputent sans cesse à la musique crachée par les haut-parleurs et aux hurlements des vendeurs aux chalands, n’en croient pas leurs oreilles : le couvre-feu plonge chaque soir la capitale dans le silence. Les quelques rares personnes autorisées à circuler ou bien les téméraires sont arrêtés à chaque coin de rue. Au mieux par les chars et les blindés des militaires qui scrutent les cartes d’identité et fouillent les coffres, au pire par les « comités populaires », véritables milices de quartiers composées de jeunes excités, armés et avides de chasser le « barbu », symbole pour eux des Frères musulmans.


L’Égypte des pharaons et des danseuses du ventre, désertée depuis plusieurs mois par les touristes, vit depuis cinq jours sous le régime de l’état d’urgence et du couvre-feu imposé par le pouvoir mis en place par l’armée. La peur a rapidement vidé les innombrables cafés hurlant des musiques populaires et les ruelles remplies de jeunes et vieux jouant au backgammon. Policiers et militaires ont reçu l’autorisation d’ouvrir le feu sur tout « manifestant » hostile.

Sur certaines places baignant dans la lumière blanchâtre des lampadaires, d’ordinaire si animées et bruyantes la nuit, les chats règnent en maîtres au milieu des ordures.


Les Cairotes, qui adorent faire leur shopping le soir et s’attarder dans les restaurants et cafés illuminés, ont changé leurs habitudes : on fait ses courses la journée et les « soirées dansantes » si prisées dans les hôtels ou sur de petits bateaux bardés de néons fluorescents voguant sur le Nil se tiennent désormais en plein jour.

 

À l’heure du déjeuner, deux jeunes femmes vêtues de chatoyantes robes de soirée entrent dans un grand hôtel du centre. Elles viennent pour un mariage. « On a l’air ridicule ! » s’exclame l’une d’elles, perchée sur d’extravagants talons hauts. « Qui ose porter une robe comme ça en pleine journée ? » « Les fêtes de mariage commencent d’ordinaire à 20h et s’achèvent vers minuit ou plus », commente Mohammad Nasr, le directeur de l’hôtel Safir, où deux couples célèbrent leur union en plein après-midi.


Loin de s’amuser de la situation, les taxis et les commerçants s’inquiètent pour leurs affaires déjà déclinantes. La pharmacie d’Ahmad Salama, d’ordinaire ouverte 24 heures sur 24 en plein centre-ville, ferme désormais ses portes le soir. « J’habite loin d’ici, il faut que je ferme bien avant le couvre-feu (à 19h) pour avoir le temps de rentrer chez moi », dit-il.

Un groupe de chauffeurs de taxi attendent les clients durant les quelques heures où la circulation est libre. « Après le couvre-feu, on ne peut faire que de courtes distances », au sein d’un même quartier, explique Amr, 43 ans. « Mais ça ne suffit pas pour payer l’essence ni même le pain quotidien. »


Certains choisissent de braver les ordres. À Maadi, chic quartier résidentiel, le Café Mizan ne veut pas fermer le soir. « On a nos clients et la situation à Maadi est calme, les gens s’ennuient et on veut rester ouvert pour nos habitués », explique la propriétaire Amira Salah-Ahmad. Mais une partie importante de la population, sinon la majorité, dénonce à l’envi les « terroristes » Frères musulmans, à l’unisson avec le gouvernement et les médias publics comme privés.


Salama le pharmacien assure : « Même si c’est dur pour moi, j’approuve totalement le couvre-feu. On en a besoin pour la sécurité du pays et pour calmer les tensions. »

 

 

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