À tous ceux-là, le septième président de la République islamique avait répondu dès 2006, dans un article publié par l’hebdomadaire américain Time sous un titre combien éloquent : « Iran’s nuclear program, the way out. » Extraits : « Un Iran doté de l’arme nucléaire aurait pour effet d’accélérer la course à l’armement, de déstabiliser la région et d’en dilapider les rares ressources. » L’auteur va plus loin encore lorsqu’il affirme qu’« étant donné l’arsenal des États-Unis et leur politique consistant à préserver l’avance stratégique d’Israël, une bombe iranienne ne nous assurerait pas de dividendes sécuritaires ». Pourquoi dès lors, s’interroge-t-il, cette hâte à envenimer la situation et à susciter une atmosphère de crise, s’il ne s’agissait de la volonté de certains extrémistes de servir leur propre cause, quelque éphémère, interne et de courte vue qu’elle soit ? À l’époque, il est important de le rappeler, le signataire de ces lignes occupait les fonctions de représentant du Guide, l’ayatollah Ali Khamenei, au sein du Conseil national suprême de sécurité, après avoir représenté son pays aux négociations sur le dossier nucléaire.
Dimanche, dans une courte déclaration après son intronisation, Rohani s’est montré soucieux d’éviter ce qu’il a appelé « l’abysse de l’extrémisme », tenant dans le même temps à préciser sa vision de la véritable modération, « qui n’est ni renonciation aux principes ni conservatisme face aux changements ». Le message à la communauté internationale est clair : nous ne voulons pas de confrontation mais nous exigeons d’être traités avec respect. La réponse, indirecte, est venue de Washington sous la forme de félicitations adressées au peuple iranien une heure – le fait est assez inhabituel pour être relevé – après la prestation de serment.
Malgré son urgence, ce n’est pas le dossier du nucléaire qui a la priorité mais bien la conjoncture économique. Ces derniers temps, l’inflation s’est accélérée pour atteindre 35 pour cent, avec son inévitable corollaire, la dépréciation de la monnaie. Les ventes d’or noir sur le marché mondial ont chuté de 50 pour cent alors que l’Iran, qui occupait le deuxième rang dans le classement de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), vient de tomber à la sixième place. Quant au chômage des jeunes, il se situe aujourd’hui à 45 pour cent.
Pour Hassan Rohani, le problème est double : l’Occident attend de lui non pas des réalisations sociales et économiques mais un assouplissement des positions de son pays sur le dossier nucléaire, dont dépend la levée des sanctions et donc un déblocage sur le plan interne. Sur ce dernier point, la manœuvre est habile qui aura consisté, dans la formation de son équipe de travail, à s’adjoindre des collaborateurs venus de bords différents. Il y a ainsi des conservateurs (trois), notamment au ministère-clé de l’Intérieur et aux Renseignements mais aussi des réformateurs (onze) et des modérés, dont l’ancien ambassadeur à Washington Mohammad Javad Zarif, Bijan Namdar Zanganeh au Pétrole, Ali Tayyeb Nia à l’Économie.
À vouloir ainsi contenter tout le monde et son père (spirituel), le risque pour le président est grand de se mettre tout le monde à dos. À quoi l’on pourrait rétorquer que, dans un pays aussi fragilisé, plutôt qu’au bistouri, mieux vaut recourir au trébuchet. Ce n’est pas à un Iranien qu’on l’apprendra.