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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

La démocratie du vide

Demain sera célébrée la fête de l’Armée : la dernière sans doute des institutions à continuer de bénéficier d’unanimes et bruyantes (mais pas toujours sincères) proclamations de soutien de la part des divers bords politiques libanais. Pour l’occasion, c’est un singulier cadeau d’anniversaire que se verra offrir, dès ce soir, le général Jean Kahwagi. Parvenu presque à l’âge de la retraite, le commandant de la troupe sera admis en effet à demeurer à son poste pour une période supplémentaire de deux ans. Ainsi se trouve conjuré le spectre du vide à la tête du principal organe sécuritaire du pays.

 

Pour cette raison, le principe même du cadeau avait obtenu un assez large consensus, auquel a refusé de se rallier le général Michel Aoun, qui exige en effet le strict respect d’une Constitution avec laquelle, pourtant, il lui est arrivé lui-même de prendre quelques libertés. L’emballage, par contre, n’avait cessé de poser problème. En effet, une prorogation en règle du mandat du commandant de l’armée était hors de question, à l’ombre d’un gouvernement démissionnaire. Aussi a-t-on passé des semaines à se creuser la cervelle au ministère de la Défense pour trouver enfin la formule magique qui permettrait le maintien à son commandement du général Kahwagi par simple mesure administrative, en l’occurrence un arrêté ministériel. On lira par ailleurs le détail de toutes les contorsions et finasseries juridiques qu’il a fallu déployer pour mener à bien l’entreprise.


Ce n’est certes pas la première fois que nécessité fait loi, et qu’on en est réduit à triturer et malmener les textes. Pour motivée qu’elle puisse être au plan de la sécurité nationale, cette dernière en date des exceptions faites à la règle vient cependant rappeler à quel point la règle est devenue l’exception, dans notre pays livré à toutes sortes de dérives antidémocratiques : lesquelles conduisent invariablement à des crises de légitimité en matière de continuité et de relève. Plus d’une fois ont été accordées ainsi, par des Parlements complaisants, des rallonges de mandats présidentiels, en dépit des dispositions pourtant très précises de la Constitution. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, c’est sa propre législature qu’a prorogée tout dernièrement l’actuelle Assemblée. Par calcul pour certains, par opportunisme, veulerie ou simple incompétence pour d’autres, on s’est employé, des années durant, à faire le vide pour s’effarer ensuite – ou feindre de s’effarer – du risque de vide.


On ne sait trop si à l’instar de deux de ses prédécesseurs directs à la tête de l’armée propulsés sans transition du QG de Yarzé au palais présidentiel de Baabda, le général Kahwagi se considère investi d’un destin national. Ce qui est certain, c’est qu’il pouvait rêver de plus valorisant cadeau qu’une rallonge de service obtenue au forceps et menacée, de surcroît, d’un recours en invalidation.

 

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Demain sera célébrée la fête de l’Armée : la dernière sans doute des institutions à continuer de bénéficier d’unanimes et bruyantes (mais pas toujours sincères) proclamations de soutien de la part des divers bords politiques libanais. Pour l’occasion, c’est un singulier cadeau d’anniversaire que se verra offrir, dès ce soir, le général Jean Kahwagi. Parvenu presque à...
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