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À La Une - Société

Les falafel Freiha : toute une histoire

Le Bourj, Mazraa et puis Achrafieh... Falafel Freiha est l’une des sandwicheries les plus connues de Beyrouth. Ses propriétaires, comme ses employés, passent le savoir-faire de père en fils.

Préparation des boulettes des falafels chez Freiha. Photo Michel Sayegh

Au cœur d’Achrafieh, à Furn el-Hayek, à quelques mètres de la place Sassine, Falafel Freiha fait partie du paysage... depuis 1979.
Cette échoppe de falafel est connue dans tout Beyrouth pour ses appétissantes petites boulettes de fèves frites et la panoplie de garnitures qui les accompagne. Parfois, surtout les vendredis de carême, il faut attendre une bonne dizaine de minutes pour avoir droit à un sandwich.


Élie Freiha, derrière la caisse, raconte l’histoire. « L’oncle de mon père, qui s’appelait Élia, a ouvert en 1945 son premier snack de falafel dans le secteur de la place des Martyrs, à Bourj, à côté du cinéma Empire », indique-t-il.
« Élia, c’est mon parrain, il est décédé en 1969, quelques mois après ma naissance. Mon fils, 17 ans, porte son prénom », raconte Élie. « Ce sont mon oncle Béchara et mon père Gaby qui ont pris la relève d’Élia », dit-il.
La guerre éclate, le centre-ville devient un no man’s land. Falafel Freiha déménage en 1977 à Mazraa, quartier dont est originaire la famille Freiha.


Élie, portant au cou une imposante croix en or, poursuit : « Mais nous avons été obligés de quitter Mazraa à cause des événements. Mon oncle et mon père décident donc d’ouvrir une sandwicherie ici, à Achrafieh, en 1979. »
C’est avec un grand sourire et beaucoup d’humour, propre aux Libanais qui veulent démontrer que plus rien ne les impressionne, qu’Élie parle de ses souvenirs durant la guerre, lorsqu’il était adolescent. « Durant plusieurs mois, l’eau était coupée, j’allais avec les employés remplir des seaux d’eau à quelques mètres de là, juste où se trouve actuellement Malak el-Tawouk », souligne-t-il. « Nous faisions plusieurs allers-retours et nous vidions les seaux d’eau dans un réservoir. Je me souviens aussi de l’horrible bruit de deux petits générateurs d’électricité, que l’on plaçait sur le trottoir. L’un servait à faire fonctionner les machines et l’autre à éclairer le magasin », dit-il.
« Comme le magasin a une vitrine sur la rue, lors des bombardements nous nous réfugiions sous le grand évier en marbre (remplacé il y a cinq ans par du stainless steel) où l’on prépare les sandwichs de falafel », ajoute-t-il, soulignant que son père et son oncle « avaient été bloqués à plusieurs reprises dans le magasin et se sont vus obligés de dormir dans la cuisine ».


Élie a suivi des études universitaires, mais c’est dans le magasin d’Achrafieh qu’il aime travailler. D’ailleurs, on sent sa passion pour le métier quand il parle de la préparation de la pâte à falafel. Pour lui, toutes les fèves, ingrédient principal et seul féculent qui entre dans la préparation de cette boulette magique, ne se ressemblent pas. Il y a leur provenance, leur dureté... et donc chacune a sa manière d’être moulue et préparée.
Les matins, à 5 heures 30, Élie arrive au magasin et prépare la pâte. « Tous les jours, je mange un bout d’une boulette », dit-il. Falafel Freiha ouvre ses portes aux clients de 10 heures à 22 heures.
Qu’est-ce qui fait un bon falafel ? « Une fois la boulette frite, cassez-la quand elle est encore chaude, il faut qu’elle ne dégage aucune goutte d’huile », indique Élie.

 


Et jusqu’à Laval
Qu’est-ce qui a changé depuis l’ouverture du magasin en 1979 à Achrafieh ?
« Tout. Avant les clients étaient plus gentils, plus sociables. Achrafieh était un village. À deux pas de là, il y avait l’ENB (le club sportif Les Enfants de Neptune). Tous les jeunes s’y retrouvaient pour faire du sport. Tout le monde se connaissait. Aujourd’hui, les véritables habitants d’Achrafieh ont quitté leur quartier natal. Ceux qui ont grandi ici ne peuvent plus acheter des appartements dans le secteur, ils partent vivre en banlieue. Ce sont des étrangers à Achrafieh qui s’installent dans les immeubles luxueux qui ont poussé au cours des dix dernières années. Les énormes centres commerciaux ont détruit la vie de quartier », se plaint Élie.


Élie et sa famille vivent hors d’Achrafieh. Lui, son oncle Michel et son cousin Roy tiennent le snack de Furn el-Hayek.
Son père, Gaby, gère la sandwicherie de Broummana, ouverte en 1982.
Et Béchara, son oncle qui avait ouvert initialement le restaurant d’Achrafieh, a émigré il y a une dizaine d’années à Montréal. Il y a six ans, il a inauguré Falafel Freiha à Laval. Le restaurant a eu un succès fou, depuis. « Je lui rends visite deux fois l’an. Comme au Liban, le snack ne désemplit pas. Il a même fait l’objet de plusieurs articles dans les journaux », relève Élie.


D’ailleurs, une recherche sur Google suffit pour lire les (bonnes) critiques parues dans la presse et dans les blogs canadiens, vantant les falafels exquis de Freiha Laval (Québec).
Élie aimerait passer le flambeau à son fils Élia. C’est que les boulettes de fèves chez les Freiha sont avant tout une histoire de famille... Mais il semble que le jeune homme ne s’intéresse pas trop au métier.
L’esprit de famille de Falafel Freiha se traduit également avec les employés qui sont là depuis 23 ans, comme Rafic, voire 25 ans, comme Hussein. Eux aussi, à l’instar de quelques autres employés, constituent une sorte de mémoire vivante de ce snack.


Ces employés ont commencé à travailler chez les Freiha grâce à leurs pères ou leurs frères aînés qui étaient déjà là. Et comme les Freiha, les membres de leurs familles étaient présents dans les snacks du Bourj, au centre-ville, de Mazraa et d’Achrafieh. Aux pires moments de la guerre du Liban, ces employés passaient les barricades pour venir travailler, sous les bombes, au cœur du quartier chrétien de Beyrouth.
Et Élie de souligner en conclusion : « Ce n’est plus une affaire de patrons et d’employés, ou d’un chèque versé à la fin du mois. Avec le temps, nous sommes devenus une seule famille et c’est l’une des raisons pour lesquelles Falafel Freiha a du succès. »

 

 

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