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À La Une - La situation

Après Qousseir, l’addition…

Le Hezbollah fait mine de chercher à digérer les sanctions européennes avec le moins de casse possible.

Il paraissait évident hier, au lendemain de la décision des ministres européens des Affaires étrangères, d’inclure la branche militaire du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l’UE, que l’implication grandissante du Hezb dans la guerre en Syrie, ces derniers mois, aura été décisive dans la genèse de cette mesure.


Officiellement – techniquement si l’on veut – la décision européenne est certes fondée sur l’accumulation d’indices accusant le parti de Dieu dans l’attentat perpétré contre des touristes israéliens il y a un an à Bourgas, en Bulgarie, et sur l’affaire de la planification d’actes terroristes contre des intérêts israéliens à Chypre.


Nombre d’observateurs pensent toutefois que ces deux dossiers ne suffisaient pas, en l’état, à persuader les moins enthousiastes à sanctionner le Hezbollah parmi les États européens – et non des moindres – de franchir le pas. Il aura fallu que la formation chiite aille « trop loin » dans sa participation à la guerre en Syrie, en remportant la victoire de Qousseir, en mai dernier, pour que les dernières réticences de certaines puissances européennes à cet égard s’effacent.
En ce sens, le Hezbollah et ses alliés locaux et régionaux ont tort de dénoncer dans la décision européenne un recul face à des pressions israéliennes et américaines. Cette dénonciation fait bien sûr partie de la littérature ordinaire de ce camp, qui ne se distingue pas généralement par une grande originalité, mais on peut douter cette fois-ci qu’il y croit lui-même.

 

(Repère : Liste de l'UE des organisations terroristes : mode d'emploi)


Voilà des lustres, en effet, qu’Israël et les États-Unis pressent l’Europe d’inclure le Hezb sur la liste des organisations terroristes. En vain jusqu’ici. Or ce qui a changé, ces dernières semaines, ce n’est rien en provenance de Tel-Aviv ou de Washington; ce sont d’importants développements sur les champs de bataille de Syrie montrant un Hezbollah ayant fini par opter, par soumission à Téhéran, pour un choix stratégique allant bien au-delà de sa dimension et de son rôle libanais.


Tant que l’aire de ses jeux – du moins ceux qui sont visibles et déclarés – se limitait au Liban, le parti de Dieu pouvait à loisir s’employer à entretenir le flou artistique sur la question de savoir où finit sa dimension libanaise et où commence l’iranienne. En terre syrienne, il est pour ainsi dire bien plus à découvert en tant qu’instrument de la stratégie de Téhéran.


Le résultat, c’est qu’en quelque sorte, la demande de sanction à l’encontre du Hezbollah était devenue une doléance arabe, relayée essentiellement par l’Arabie saoudite. Cette dernière a d’ailleurs le vent en poupe aujourd’hui, comme on a pu le constater ces dernières semaines du Caire à Doha, en passant par Istanbul, Alep et... Abra et, à présent, Bruxelles.

 

(Pour mémoire : Ces Libanais prêts à mourir pour le Hezbollah en Syrie...)


Est-ce un hasard si l’Europe a décidé de frapper le Hezbollah au moment même où l’opposition syrienne, nouvellement coiffée d’une direction proche de Riyad, se retourne elle-même contre ses éléments les plus radicaux – et les moins saoudiens – sur le plan islamique ?


Voilà donc, en vérité, qui ferait de Bandar ben Sultan et non de Benjamin Netanyahu le véritable inspirateur du verdict européen contre le Hezbollah. Reste à savoir quel effet escompter de la décision des « 28 », du moins sur le Liban.
Pas grand-chose, semble-t-il, à court terme. D’un côté, les Européens, par la voix de la chef de la délégation de l’UE à Beyrouth, Angelina Eichhorst, multiplient les assurances sur le fait qu’entre le Liban et l’Union européenne, rien ne va changer, concrètement, en grande partie grâce à l’artifice diplomatique consistant à distinguer le volet politique du Hezbollah de sa branche militaire.

D’ailleurs, à en croire Mme Eichhorst, même la branche militaire n’est visée par la décision européenne que comme une entité vague, et non point comme un ensemble d’individus passibles de poursuites. Sur ce point, en tout cas, la publication des détails de la décision, demain jeudi, sera éclairante.

 

De son côté, le Hezbollah fait mine de chercher à digérer l’incident avec le moins de casse possible. Certes, les imprécations d’usage sont là. Mais il semble, d’après des informations de source digne de foi, que les responsables du Hezb, mis au courant depuis quelques jours de l’imminence de la décision européenne, aient décidé de garder un profil bas. C’est la raison pour laquelle le discours du secrétaire général du Hezbollah, vendredi dernier, était délivré sur un ton délibérément pacifique et serein, souligne-t-on. On pense que Hassan Nasrallah, qui récidive aujourd’hui dans le cadre d’un iftar, va maintenir cette tonalité. En outre, sur le terrain, on ne s’attend pas à ce que le parti se mette en avant au Liban-Sud face aux contingents européens de la Finul.


En revanche, il n’est pas exclu que l’on ait chargé les alliés du Hezb de mener l’escalade verbale, ce qui a un peu commencé hier avec Nabih Berry et Michel Aoun. Et pour ce qui est de la Finul, il reste toujours la ressource consistant à endosser à « l’habitant » la responsabilité des incidents qui pourraient se produire...


Rien de bien neuf, en somme, pour les semaines et les mois à venir, sauf à assister à un désengagement du Hezb en Syrie. Dans ce cas, les Européens pourraient être amenés à réviser leur position dans six mois.
Autrement, il y a tout de même un étau qui se resserre, lentement, mais sûrement.

 

 

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