Michel Eddé et Laurent Aoun durant la présentation du programme d’été de l’Académie maronite. Photo Michel Sayegh
En majorité, ces jeunes sont nés dans leur pays d’adoption et certains sont déjà de la troisième génération. Seuls deux ou trois d’entre eux ont quitté le Liban en très bas âge et n’en gardent aucun souvenir. Ils sont nés Béchara, Hage, Trad, Chkeïban, Zeïdan, Yazbeck, Moussallem, Aoun, Azar, Massaad, Bou Moussa, Hélou, Bechaalani ou Khouriyé. Leurs ancêtres sont venus de Jbeil, Zghorta, Zahlé, Bickfaya, Aïtanite, Antélias, Kour ou Bécharré, mais pour la plupart d’entre eux, c’est le premier contact avec le pays de légende de leurs aïeux. Ils possèdent des rudiments de libanais, pour l’avoir appris au foyer, mais leur parler est limité à des mots usuels, des noms de plats et, pour tous, le nom du village d’origine. Ils ont entre 18 et 30 ans, c’est dire que certains d’entre eux sont toujours étudiants, d’autres ont déjà entamé une carrière professionnelle.
La journée du mardi, qui sera suivie de deux autres, a été consacrée à des présentations orales dans ce qui représente la partie « théorique » du programme d’immersion. La partie pratique est, elle, surtout faite de visites officielles, touristiques et patrimoniales. Hier, les apprenants, entourant Michel Eddé, ont été chaleureusement reçus au palais présidentiel de Baabda, avant de passer deux passionnantes heures au musée national. Tous sont enchantés de leur présence au Liban et apprécient cette chance unique – et coûteuse – que leur offre la Fondation maronite dans le monde.
Mardi donc, à l’issue d’une présentation de Nada Abi Samra, directrice exécutive de l’académie, ces maronites de l’émigration ont suivi attentivement les présentations successives de Michel Eddé, Laurent Aoun, président de l’Académie maronite et membre du conseil exécutif de la Fondation maronite, Antoine Saad et Antoine Wakim, ainsi que celle du Dr Élie Ayoub, l’influent président du « National Apostolate of Maronites » (NAM), un regroupement apolitique de maronites des États-Unis, dont le congrès annuel rassemble, une semaine durant, des centaines de maronites dispersés à travers les USA, et dont l’un des objectifs est de resserrer les liens entre les laïcs maronites et leur clergé.
Ils ont aussi profité d’une visite guidée de la bibliothèque de l’USEK, avec ses impressionnantes installations sécurisées de conservation des vieux manuscrits et ses pavillons spéciaux, dont l’un est consacré à la bibliothèque de cet homme du futur qu’était Maurice Gemayel.
Le Liban, pays artificiel ?
Le président de la Fondation maronite dans le monde s’est efforcé de souligner les particularités du Liban et notamment son pluralisme communautaire, qui a fait dire à sa naissance : « Ce pays est artificiel, il ne tiendra pas. » Les Libanais ont relevé le défi des mauvaises fées et ont réussi à édifier une culture de la convivialité que des personnes comme Jean-Paul II ont présentée comme modèle au monde, a ajouté M. Eddé. Malheureusement, l’égalitarisme communautaire érigé en système de gouvernement et qualifié de confessionnalisme politique est resté incompris dans son esprit et mal appliqué, a-t-il dit, tout en défendant ce système contre ceux qui lui attribuent faussement tous les malheurs du Liban. « Nous avons une pratique malsaine de la confession », a expliqué ce condisciple d’Élias Sarkis et de René Moawad, qui assume lucidement, par ailleurs, le désordre et le chaos qui se sont installés dans le paysage médiatique.
Mais c’est pourquoi, a-t-il repris, il n’y a jamais eu de dictature ou de régime militaire au Liban, évoquant ses propres démêlés de ministre de l’Information avec le deuxième bureau, sous le mandat du président Charles Hélou.
Michel Eddé a également souligné, aux yeux de ses jeunes interlocuteurs, l’attachement des maronites libanais à la langue arabe, que leur patriotisme a substituée à la langue turque parlée par les Ottomans.
Souplesse et lucidité
À la présentation de M. Eddé et aux autres exposés faits mardi, les jeunes maronites réagissent avec souplesse, certes, mais avec un véritable sens de la critique. « Comment s’acclimater dans un pays désordonné et au marché de l’emploi si étriqué, quand on vient du Canada ? » s’est interrogé en particulier Serge Haddad.
« Il n’est pas demandé à chaque émigré de revenir, loin de là, mais seulement de maintenir ce lien vital avec la patrie d’origine qu’est la nationalité, chaque fois que cela est possible », a expliqué avec réalisme le président de la Fondation maronite dans le monde.
Campagne de motivation
Les chiffres, d’ailleurs, corroborent cette appréciation. On vient d’établir en effet que plus de 70 % des Libanais qui quittent provisoirement ou définitivement leur pays le font faute d’emploi. 60 % des 5 000 ingénieurs du Liban-Nord travaillent hors du Liban, révèlent d’autres statistiques.
Une campagne de motivation est donc indispensable, à écouter les questions intelligemment posées, si ces jeunes doivent passer des paroles aux actes. À ce titre, le mot de la fin mérite d’aller à l’un d’eux, Nicolas Abraham, un jeune maronite argentin qui, après avoir écouté les réponses des présentateurs à ses interrogations, a fini par leur donner sa propre et admirable réponse : « En nous donnant une histoire, vous nous avez donné une responsabilité. »
Dans le cadre d’un programme d’immersion dans la réalité libanaise, une trentaine de jeunes maronites, venus d’Amérique du Nord (États-Unis et Canada), d’Amérique latine (Brésil, Mexique et Argentine), d’Europe (Suisse), d’Australie et d’Orient (Égypte), ont pu écouter mardi, à l’Université Saint-Esprit de Kaslik, Michel Eddé, le président de la Fondation maronite...
commentaires (3)
TRÊVE de Naïveté Svp...... !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
08 h 34, le 19 juillet 2013