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Liban - Santé

Sanad : accompagner la vie, pas la mort

L’association Sanad est la seule au Liban à aider les personnes qui désirent terminer leur vie chez eux. Une mission difficile, dans un pays habitué à l’acharnement thérapeutique.

Il y a huit mois, Fouad Charaf a décidé de faire appel à Sanad pour sa tante Latifé, atteinte d’un cancer généralisé.

Elles sont trois. Seulement trois femmes pour répondre jour et nuit aux angoisses et aux besoins de personnes gravement malades aux quatre coins de Beyrouth. Le jour, le Dr Salam Jalloul est médecin à l’hôpital Dar al-Ajaza al-Islamia et enseigne à la faculté de santé publique. La nuit, elle répond au téléphone pour Sanad, et le reste du temps elle se charge des visites. Marie-Claire Mouhawej et Zainab Zibara, elles, sont infirmières à temps plein pour l’association. Pour un salaire de misère.


Pourtant, chaque jour, elles se rendent chez les malades, et peuvent y passer des heures. Pour soigner, rassurer ou simplement pour discuter. « C’est un accompagnement global : une aide médicale, mais surtout morale. Les soins palliatifs, c’est non seulement soulager la douleur physique, mais aussi prendre en compte la souffrance psychologique », précise le Dr Jalloul.

 

Expliquer la maladie, en décrire les symptômes, les anticiper... À mi-chemin entre l’écoute et le soin, le travail de Sanad relève surtout de l’aide. Le but ? Privilégier le bien-être à l’acharnement thérapeutique. « C’est tout nouveau au Liban, mais les mentalités commencent à changer, explique Marie-Claire Mouhawej. Souvent, on s’obstine à continuer le traitement jusqu’au bout, sans penser à la qualité de vie. »

« Les soins palliatifs, ce n’est pas la mort »
La notion d’accompagnement en fin de vie fait encore peur au Liban. Et pour cause : souvent, les soins palliatifs, on ignore ce que c’est. « Palliatif, ça veut dire pallier les symptômes. Le but est d’aider le patient et sa famille avec des soins actifs », explique Salam Jalloul. L’idéal serait donc de commencer les soins non pas à la fin de la vie, mais au début de la maladie. « Les soins palliatifs, ce n’est pas la mort, rappelle Marie-Claire. Au contraire, c’est la continuité de la vie. »


De manière plus concrète, les filles de Sanad préfèrent offrir la meilleure qualité de vie possible à leurs patients, plutôt qu’un acharnement thérapeutique. Elles prennent en compte leurs besoins psychologiques, sociaux et spirituels, tout en respectant leur volonté, leur culture et leur religion. « Tout notre travail tourne autour de la douleur, qu’elle soit physique ou morale. Si un patient souffre, c’est toute sa famille qui souffre avec lui. » Les soins englobent donc le traitement de symptômes médicaux comme la prise en charge de troubles psychologiques, d’angoisses, ou de doutes. Marie-Claire ou Zainab peuvent passer des heures entières, simplement à discuter, et rassurer. « Parfois, le malade ne sait pas grand-chose de sa maladie. On est là pour lui en parler, lui en décrire les symptômes, et anticiper la situation », explique Marie-Claire.

Pionnières en la matière
Au Liban, œuvrer pour l’accompagnement en fin de vie reste un vrai parcours du combattant. Marie-Claire, Zainab et le docteur Jalloul sont d’ailleurs les seules du pays à aider les patients qui souhaitent terminer leur vie chez eux. Elles ont maintenant leur propre site Internet et se sont fait un nom, mais au début, l’association fonctionnait seulement au bouche-à-oreille. « C’était nouveau, et nous n’avions pas le soutien des médecins. Aujourd’hui, ce sont eux qui nous conseillent », explique le Dr Jalloul. En trois ans, Sanad a acquis une vraie reconnaissance. Preuve en est, les demandes de la part des familles explosent. « Nous en avons dix en moyenne. Faute de personnel, mais surtout faute de temps, on ne peut pas s’occuper de beaucoup plus de patients. »


Mais le vrai problème au Liban, c’est que l’accompagnement en fin de vie n’est pas considéré comme faisant partie intégrante du traitement. Il n’est donc absolument pas pris en charge par le gouvernement. « Nous fonctionnons sur la base du don. On récupère même des lits, du matériel auprès d’amis ou de familles que nous avons aidés », souligne Marie-Claire. Elles fournissent tout, toutes seules, et surtout gratuitement. « Toutes les prestations sont gratuites ; on ne demande rien aux patients ni à leur entourage. » Et en cas de difficulté financière de la part des patients, elles n’hésitent pas à mettre la main à la poche. « Cela nous arrive de participer aux enterrements, si la famille n’a pas de quoi payer des funérailles au défunt. On ne laissera jamais un patient dans le besoin. »

Au cas par cas
Partout où elles passent, les filles de Sanad laissent des traces chez les membres des familles dont elles s’occupent. Fouad Charaf est l’un d’eux. Il y a huit mois, il a décidé de faire appel à l’association pour sa tante Latifé, atteinte d’un cancer généralisé. « Un ami qui travaillait à la Croix-Rouge m’a parlé de Sanad. Ayant déjà perdu trois de mes tantes des suites d’un cancer, je n’ai pas hésité longtemps. » Quand Latifé a voulu quitter l’hôpital pour finir ses jours, elle s’est retrouvée dans la rue. Lorsqu’il a appris la maladie, son mari l’a quittée en gardant la maison. « Ma tante a dû emménager chez ses sœurs, et c’est Marie-Claire qui s’est chargée de lui trouver un lit, une machine à oxygène, une chaise roulante et des médicaments », explique Fouad.


L’aide matérielle est précieuse, mais psychologiquement, le travail de Sanad prend toute son ampleur. « Ma tante fumait énormément. Tout le monde lui avait demandé d’arrêter, mais elle n’écoutait rien. Un jour, Marie-Claire lui a simplement dit : “Tu devrais arrêter”. Elle n’a jamais plus touché à une cigarette », raconte Fouad. Une relation de confiance, qui les fait se sentir comme des membres de la famille. « Une fois, j’ai eu une angoisse. J’ai appelé Marie-Claire à quatre heures du matin. À cinq heures, elle était là. » Sanad a fini par prendre une place importante dans la vie de la famille Charaf. Une présence au quotidien, qui ne s’interrompt pas une fois le travail accompli. « Quand Latifé est décédée il y a cinq mois, Marie-Claire est venue à l’enterrement. Aujourd’hui, elle m’appelle souvent. Mais c’est toujours elle qui prend de mes nouvelles en premier ! » raconte Fouad.


Aujourd’hui, il en est sûr ; Sanad les a beaucoup aidés, Latifa et lui. « Ma tante avait surtout besoin de savoir qu’elle était entourée, qu’elle avait quelqu’un à qui parler. » Alors, à sa façon, Fouad continue d’aider Sanad. « Pour que d’autres aient la même chance que nous », explique-t-il, il n’hésite pas à conseiller l’association. Grâce à lui et à Sanad, un enfant de douze ans a déjà bénéficié d’un don du sang. Pour lui, il leur doit bien ça. « C’est normal. Elles donnent de leur temps, et bien plus. »

Contactez Sanad au 78-838421, ou par mail à info@sanadhospice.org



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Elles sont trois. Seulement trois femmes pour répondre jour et nuit aux angoisses et aux besoins de personnes gravement malades aux quatre coins de Beyrouth. Le jour, le Dr Salam Jalloul est médecin à l’hôpital Dar al-Ajaza al-Islamia et enseigne à la faculté de santé publique. La nuit, elle répond au téléphone pour Sanad, et le reste du temps elle se charge des visites....

commentaires (2)

y'a également Balsam qui, comme Sanad, a les memes valeurs, les memes principes...

maha el hajj

10 h 12, le 02 juillet 2013

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Commentaires (2)

  • y'a également Balsam qui, comme Sanad, a les memes valeurs, les memes principes...

    maha el hajj

    10 h 12, le 02 juillet 2013

  • Bravo Sanad! Dès que l'on s'éloigne de la politique, on peut encore - heureusement - trouver au Liban des motifs de joie et d'optimisme.

    Yves Prevost

    07 h 00, le 02 juillet 2013

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