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À La Une - Droits de l’homme

Liban : Quand la torture des détenus aux postes de police « fait partie du métier »...

« Ils m’ont interrogé après m’avoir déshabillé. Ils ont versé sur moi de l’eau froide, m’ont attaché à un bureau au moyen d’une chaîne et m’ont suspendu par les pieds comme un poulet », raconte Mohammad à Human Rights Watch, qui vient de publier son rapport sur la torture des détenus vulnérables dans les postes de police libanais.

Le Liban épinglé dans un rapport de Human Rights Watch

À l’occasion de la Journée mondiale de la drogue et de la Journée internationale de l’ONU pour soutenir les victimes de la torture, Human Rights Watch s’est cette fois intéressée au traitement par les Forces de sécurité intérieure (FSI) des détenus au sein des postes de police libanais, notamment les individus appartenant à des groupes marginaux, voire vulnérables, tels que les toxicomanes, les personnes qui exercent le sexe comme profession et la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels).


Hier, un rapport de 66 pages a été publié par l’association qui œuvre pour les droits de l’homme. Se basant sur 52 témoignages de personnes arrêtées durant les cinq dernières années, car elles ont été soupçonnées de pratiquer l’homosexualité, le sexe comme profession ou d’usage de drogues, le rapport révèle au grand jour les mauvais traitements, l’abus et la torture subis par ces individus. Sur les 52 délits commis par les FSI, aucun n’a été vraiment puni.

 


Souffrances morales et physiques
« Ils m’ont interrogé après m’avoir déshabillé. Ils ont versé sur moi de l’eau froide, m’ont attaché à un bureau au moyen d’une chaîne et m’ont suspendu par les pieds comme un poulet », raconte Mohammad, arrêté pour détention de drogues, dans son témoignage. « J’ai été suspendu par les pieds, mes mains liées à une barre de fer qu’ils m’ont fixée sous les genoux. Ils ont cassé toutes mes dents et mon nez, et m’ont frappé au moyen d’une arme à feu jusqu’à ce que l’os de mon épaule se disloque », a-t-il affirmé.


Ce genre de traitement n’est pas exclusif à un seul poste de police au Liban. Selon le rapport, les postes de Hobeiche, de Gemmayzé, de Baabda, de Mousseitbé, de Zahlé, d’Ouzaï, de Saïda, ainsi que le bureau de renseignements de Jdeidé et le local de prédétention de la prison de Baabda pour les femmes ont tous témoigné d’incidents similaires. Les formes de torture rapportées les plus communes sont les coups de poing, les coups de bâton ou des coups au moyen d’outils de fortune. Cannes, règles et bottes peuvent faire l’affaire. Sur les 52 personnes ayant témoigné, 17 affirment que les policiers ont refusé de leur donner à manger ou à boire, ou les ont privées de leurs médicaments. Neuf d’entre elles ont rapporté avoir été menottées aux cuves des toilettes. Onze ont été contraintes d’entendre les cris de souffrance d’autres détenus, et 21 des 25 femmes interviewées ont subi une certaine forme de violence sexuelle, allant du viol au harcèlement. Certaines se sont même vu proposer un rapport de police plus allégé si elles consentaient à coucher avec les policiers.

 

 

« Le comité des droits de l’homme des FSI manque de personnel et n’a pas de réel pouvoir, tandis que la justice ignore régulièrement des plaintes concernant les violences policières. »

 


« L’abus au sein des stations de police est chose courante au Liban, mais il est pire quand il s’agit d’individus appartenant aux catégories vulnérables de la société, explique Nadim Houri, directeur adjoint de Human Rights Watch au Moyen-Orient. Et ce genre d’abus se poursuivra jusqu’à ce que le Liban mette un terme à la culture de l’impunité au sein de la police, qui se croit devoir donner une leçon aux détenus. » M. Houri a affirmé en outre que le rapport révèle que le statut socio-économique des détenus peut jouer en leur faveur. Parmi les témoignages, celui d’un professeur de l’AUB, accusé d’homosexualité et qui a été traité différemment par les policiers quand ils ont su sa profession. M. Houri a cité aussi le test anal comme l’une des pratiques violatrices des droits de l’homme et qui continue d’être utilisé dans certains postes malgré les recommandations de l’ordre des médecins. Il a enfin affirmé que les lois libanaises sont souvent violées, comme celle fixant la durée maximale de détention à 48 heures, ou celle permettant au détenu d’être assisté par un avocat.

 

(Lire aussi : Journée internationale contre la torture : le Liban est encore loin du compte)


L’absence de mécanismes de surveillance
Pour sa part, Lama Fakih, chercheuse au sein de l’association, a noté, lors de la conférence organisée hier pour rendre public le rapport, que ce genre de traitement est dû à des législations inadéquates, à l’absence de structures efficaces pour porter plainte et à un système juridique basé sur les aveux. Cela pousse par exemple les policiers à exercer la torture pour obtenir les confessions des détenus. « Un officier de la police de Mousseitbé nous a déclaré que la torture est chose normale et qu’elle fait partie du métier », a affirmé Lama Fakih, qui a souligné que six personnes seulement parmi celles qui ont témoigné à l’association ont porté plainte à cause d’« un manque de confiance ». « C’est là qu’il faut appeler l’ordre des avocats à agir, a indiqué Nadim Houri, car la plupart des avocats ne conseillent pas vraiment aux détenus de porter plainte, d’autant que ces derniers prennent peur pour avoir commis une entrave à la loi, en étant homosexuels par exemple. La vulnérabilité de ces gens-là est donc sociale, mais aussi constitutionnelle. »


Human Rights Watch, déplorant un manque de mécanismes de surveillance et l’inefficacité de ceux déjà en place (comme le comité des droits de l’homme au sein des FSI), a appelé les autorités à créer des mécanismes transparents pour recevoir les plaintes des citoyens et à obliger les policiers à arborer des badges portant leurs noms afin que les détenus sachent avec qui ils traitent. L’association a aussi revendiqué à l’adresse des autorités judiciaires plus de fermeté, des directives claires à ce sujet, et a demandé la création d’un organisme indépendant pour les investigations et la surveillance des crimes de torture. « Les pays donateurs doivent aussi s’assurer que les fonds octroyés sont usés à bon escient et demander des comptes », a souligné Lama Fakih. De son côté, Nadim Houri a enfin estimé que la réponse des institutions concernées au rapport présenté « n’est pas suffisante ». « Elles reconnaissent l’existence du problème, mais il n’y a pas de vraie volonté de réforme, précise-t-il. Il est pourtant plus important aujourd’hui d’améliorer l’attitude des membres des FSI que la qualité de leur équipement. »

 

 

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