Rechercher
Rechercher

À La Une - Présidence

Sleiman : « Aucune voix ne peut s’élever au-dessus de celle du président de la République »

Dans un entretien à bâtons rompus avec les principaux responsables de la rédaction de « L’Orient-Le Jour », le chef de l’État s’est prononcé sur les thèmes d’actualité. Mais il s’est surtout expliqué sur le sens de sa démarche politique dont il tire un certain nombre de constantes et de normes à suivre par ses successeurs.

Le chef de l’État a réitéré samedi soir ses constantes lors de l’ouverture d’un complexe touristique dans la région de Jbeil.Photo Dalati et Nohra

S’il est une tendance caractérisant l’évolution de la plupart des mandats présidentiels au Liban, c’est, hélas, celle de la détérioration de l’image des titulaires en fin de parcours. Force est de constater qu’avec le président en exercice, le cliché est totalement inversé à l’orée de la dernière année du mandat. Et cela est d’autant plus remarquable que la perception des Libanais de leur devenir dans ce pays noircit de jour en jour.
Lorsque le général Michel Sleiman accède, le 25 mai 2008, à la présidence de la République, l’état de cette institution est des plus dégradés. Un vide de plusieurs mois, dû au blocage de l’élection présidentielle par la minorité parlementaire de l’époque, n’avait pas réussi à faire oublier la forte contestation intérieure et extérieure qui avait marqué les dernières années du mandat précédent.
Le nouveau chef de l’État, venu lui aussi de l’institution militaire, est élu par consensus. Cette position le place d’emblée au centre, notion qui colle parfaitement à son personnage. Dès sa prise de fonction, il s’emploiera à lui donner une substance politique.


Les premières années, le président Sleiman se montre certes assez conciliant avec les uns et les autres. Ce n’est que progressivement que vont s’affirmer ses principales options politiques. Et lorsqu’elles s’affirment, il s’y accroche de plus en plus fermement, même si elles heurtent de front celles des autres. Et loin d’être de simples prises de position ponctuelles, ce sont à ses yeux des jalons, des constantes à même de contraindre ses successeurs à la présidence.
« Aucun président de la République qui viendra après moi ne pourra plus sortir de la déclaration de Baabda et de la stratégie défensive » telle qu’elle a été mise au point sous son impulsion, souligne-t-il. La première, que le chef de l’État a fait avaliser par toutes les parties au dialogue national il y a un an, pose le principe de la neutralité du Liban face à la politique des axes régionaux. M. Sleiman est conscient que ce principe reste actuellement une vue de l’esprit, tant il est battu en brèche, mais il sait aussi qu’au final, il constitue l’épine dorsale de toute politique extérieure viable pour ce pays.


Quant à la stratégie défensive, le président Sleiman ne s’est pas contenté d’attendre les points de vue des divers protagonistes à son sujet, il en a clairement défini lui-même les contours, progressivement, en lui attribuant une finalité résolument souverainiste : la résistance privée, c’est très bien, il faut certes faire bénéficier l’État de ses acquis et, au bout du compte, réfléchir à son intégration dans le cadre étatique.

La souveraineté, une priorité
Car pour Michel Sleiman, alors qu’il constatait amèrement, à mi-parcours, que les années de son mandat allaient être gaspillées en nombre de mois passés à (ne pas) former des gouvernements, « la priorité est devenue d’asseoir la souveraineté du Liban sur sa diplomatie et sur sa politique intérieure ». Cela, aujourd’hui encore, ne va pas sans heurts. Interrogé sur la posture qu’adopte le ministre des Affaires étrangères, Adnane Mansour, à chaque fois que Baabda pointe un doigt accusateur sur les violations de la souveraineté libanaise en provenance du territoire syrien, M. Sleiman s’anime : « Aucune voix ne peut s’élever au-dessus de celle du président de la République », lance-t-il, formulant l’espoir que M. Mansour exécutera les directives présidentielles.


En l’occurrence, précise-t-il, il s’agit de déposer une plainte auprès de la Ligue arabe contre les bombardements effectués en territoire libanais tant par l’armée syrienne que par les rebelles. Et pour ce qui est de l’ONU, Baabda a demandé au palais Bustros d’adresser à l’organisation internationale un message répertoriant ces violations, « tout à fait similaire dans sa forme à celui que Damas avait envoyé contre nous à l’ONU, il y a un an ». Derrière cette symétrie, on décèle un souci – souverainiste – de réciprocité, mais aussi d’efficacité.
Au-delà des violations syriennes, le chef de l’État ne va pas par quatre chemins pour exprimer son désaccord avec l’action du Hezbollah en Syrie. « Votre décision (de participer activement au conflit militaire) n’est bénéfique ni pour vous ni pour le Liban et elle n’aidera pas la Syrie », observe-t-il à l’adresse du Hezb. « Il faut protéger la résistance d’elle-même. »


Se prononçant pour une solution politique du conflit syrien, il réclame, par ailleurs, une « révision » des accords libano-syriens en vigueur, conclus à l’apogée de la tutelle syrienne sur le pays du Cèdre. « Taëf prévoit des relations privilégiées entre nos deux pays, mais les accords doivent être amendés », souligne-t-il.
Sur le plan gouvernemental, le chef de l’État se refuse à exclure d’emblée le Hezbollah du prochain cabinet. « Je préfère un gouvernement politique et je suis pour la participation du Hezbollah. Je m’oppose à son exclusion. C’est une composante essentielle de la nation », relève-t-il, tout en réaffirmant clairement son rejet du tiers de blocage. « Je n’ai pas d’inconvénient au partenariat national, mais seule l’entente (interlibanaise) est en mesure de préserver la résistance. Le garant, c’est l’entente, pas le tiers (+1) du gouvernement », explique-t-il.
Naturellement, le prochain cabinet devra, pour lui, mettre en œuvre la déclaration de Baabda. Mais à la question de savoir si celle-ci peut s’accommoder d’une déclaration ministérielle qui serait une fois de plus fondée sur la reconnaissance du statut particulier du Hezbollah à travers la formule « armée-peuple-résistance », M. Sleiman réagit avec prudence. Toujours animé d’un souci d’efficacité, il estime que « mettre face à face la déclaration de Baabda et la formule en question conduit à l’échec ».

La défense des institutions
L’autre grande priorité de Michel Sleiman en ce début de l’an VI de son mandat se définit bien évidemment par ce qu’il qualifie de « respect de la loi et de la Constitution ».
« Je resterai aux aguets pour faire vérifier la constitutionnalité des lois », assure-t-il, en se gaussant des reproches qui lui sont adressés au sujet de son recours en invalidation de la loi de prorogation de la législature devant le Conseil constitutionnel. « On m’accuse de faire pression sur les juges pour qu’ils se présentent aux réunions du CC et assurent le quorum. C’est un comble, souligne-t-il. En réalité, je ne suis pas intervenu, mais même si je l’avais fait, ce sont les pressions sur les juges pour qu’ils ne viennent pas aux réunions qu’il faut dénoncer et non le contraire. »
Et de revenir sur les circonstances de la prorogation du mandat de la Chambre : « Pourquoi donc l’a-t-on votée le dernier jour ? Pourquoi discutait-on auparavant de la loi panachée ? » Si les élections législatives ont été ajournées, si aucun accord n’a été conclu sur une nouvelle loi électorale, c’est, à ses yeux, parce que « chaque partie s’emploie à comptabiliser par avance ses gains et ses pertes. Personne, en revanche, ne prend en compte les gains et les pertes du pays ».
Et pour ce qui est d’une éventuelle prorogation de son propre mandat, Michel Sleiman ne l’envisage même pas. Ou du moins pas sous cette forme. Il préconise en effet un amendement constitutionnel qui permettrait au chef de l’État de postuler pour un second mandat (deux au total), mais il s’agirait alors d’une élection ouverte aussi à d’autres candidats.


Enfin, un autre point fort de la politique de réhabilitation institutionnelle prônée par le chef de l’État est incarné par son attitude sur le dossier sensible des nominations administratives. « Même mes proches s’étonnent de voir que j’ai nommé si peu de fonctionnaires » en cinq ans passés à Baabda, dit-il. Mais, pour lui, qui défend la mise en œuvre des mécanismes automatiques dans les nominations, la lutte contre le partage d’influence passe nécessairement par là.
Quand on lui demande pourquoi faudrait-il que des militaires accèdent aussi souvent à la présidence de la République au Liban, le général Sleiman se refuse aux réponses-clichés et ne parle que de sa propre expérience : « Lorsqu’un commandant en chef de l’armée, dans un pays comme le Liban, parvient à la fois à lutter contre Israël aux côtés de la résistance, à combattre le terrorisme (islamiste) et à protéger les grandes manifestations (le 14 mars 2005), il peut aussi réussir à la présidence... »

 

Lire aussi

La Békaa un peu plus fragilisée, après l’assassinat de quatre chiites

 

Militants de la société civile et personnalités politiques pour une « Conférence de salut national »

 

Pour mémoire

Adnane Mansour applique la formule « l’État c’est moi »

S’il est une tendance caractérisant l’évolution de la plupart des mandats présidentiels au Liban, c’est, hélas, celle de la détérioration de l’image des titulaires en fin de parcours. Force est de constater qu’avec le président en exercice, le cliché est totalement inversé à l’orée de la dernière année du mandat. Et cela est d’autant plus remarquable que la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut