Le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé vendredi au gouvernement syrien un "accès immédiat, sûr et sans entrave" pour les organisations humanitaires à la population civile de Qousseir (centre-ouest), ancien bastion rebelle reconquis mercredi et bouclée depuis par l'armée.
Parallèlement, l'ONU a lancé un appel de fonds d'un montant record de 5,2 milliards de dollars pour aider jusqu'en décembre plus de 10 millions de Syriens affectés par le conflit, soit près de la moitié de la population du pays dévasté par plus de deux ans de violences.
Après avoir reconquis mercredi, avec l'aide cruciale du Hezbollah libanais, la ville de Qousseir, dévastée (voir diaporama ici) par deux semaines de combats féroces, puis le village voisin de Dabaa, l'armée avançait vendredi vers Boueida al-Charqiya, soumis à un violent pilonnage, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Des centaines de blessés et de civils se sont réfugiés dans cette localité après la chute de Qousseir, un carrefour des routes d'approvisionnement pour l'armée et pour les rebelles situé dans la province centrale de Homs près de la frontière libanaise. La ville se trouve entre Damas et le littoral, fief de la minorité alaouite dont est membre le président Bachar el-Assad.
"L'armée cherche à contrôler totalement Qousseir et sa région", a prévenu le chef de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. "Elle ne laisse aucune porte de sortie aux rebelles, aux civils, ou aux blessés. Elle veut soit anéantir les rebelles, soit les faire prisonniers".
Selon des experts, l'armée cherche maintenant à déloger les rebelles de la ville de Homs, non loin de Qousseir.
(Analyse : Avec la capture de Qousseir, le régime syrien prend le dessus)
Plus au nord-est, l'armée massait des "milliers de soldats" dans la région d'Alep pour tenter de reprendre les positions rebelles notamment près de la frontière avec la Turquie. "Ils veulent couper les approvisionnements en armes des rebelles à partir de la Turquie", selon l'OSDH. Le Hezbollah a "envoyé également des dizaines de ses cadres pour former des centaines de Syriens chiites au combat", selon lui. Les alaouites sont une branche du chiisme alors que les rebelles sont dans leur grande majorité sunnites.
Cheikh Abdel Aziz al-Cheikh, le grand mufti d'Arabie saoudite, royaume sunnite qui soutient la rébellion, a appelé gouvernements et responsables religieux à prendre des "mesures" contre le Hezbollah, "un groupe sectaire répugnant", pour son intervention dans le conflit.
Dans le même temps, l'OSDH a diffusé vendredi une vidéo montrant l'exécution pour vol et meurtre d'un chef d'une brigade rebelle sur décision d'un "tribunal islamique" à Alep, dans le nord de la Syrie. De nombreux groupes rebelles islamistes ont créé des "tribunaux islamiques" dans des zones qu'ils contrôlent en Syrie, qui infligent des peines inspirées de la charia (loi islamique).
Une télévision belge a diffusé une autre vidéo qui aurait été tournée en Syrie et sur laquelle apparaissent des hommes s'exprimant en néerlandais et en français, avec un accent belge, montrant la décapitation d'un homme. Le Parquet fédéral belge, chargé des questions de terrorisme, a indiqué que la vidéo allait être examinée dans le cadre d'une enquête ouverte sur le départ de volontaires belges pour la Syrie.
Kuneitra
Par ailleurs, au lendemain de la reprise du point de passage de Kuneitra, le seul sur la zone de séparation entre la Syrie et Israël sur le Golan, des combats avaient lieu dans la ville parallèlement à un bombardement des forces régulières, selon l'OSDH qui s'appuie sur un vaste réseau de militants et de médecins.
Israël, officiellement en état de guerre avec la Syrie, a renforcé son dispositif militaire sur la partie du Golan qu'il occupe depuis 1967, avec le déploiement de chars non loin du passage.
Parallèlement, l'ONU a indiqué vendredi que l'offre de Moscou de remplacer le contingent autrichien de Casques bleus qui va se retirer du Golan, conformément à la décision de Vienne, n'est pas recevable.
"Nous sommes sensibles au fait que la Russie envisage de fournir des troupes pour le Golan, mais l'accord de désengagement et son protocole, conclu entre la Syrie et Israël, n'autorisent pas les membres permanents du Conseil de sécurité à participer à la Fnuod (Force des Nations unies pour l'observation du désengagement sur le Golan), a expliqué le porte-parole de l'ONU Martin Nesirky.
La conférence de Genève
Avec ses succès militaires, le pouvoir apparaît en position de force, surtout dans la perspective d'une conférence de paix internationale que Moscou et Washington cherchent, non sans difficultés, à réunir en juillet. Après celle de mercredi entre Moscou, Washington et l'ONU, une nouvelle réunion préparatoire se tiendra le 25 juin.
Selon la Russie, l'un des derniers pays à soutenir le régime Assad, le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem représentera le pouvoir à la conférence internationale dite "Genève-2". L'opposition a conditionné sa participation à cette conférence à un départ de M. Assad et au retrait des combattants du Hezbollah et "des militants d'Iran" de Syrie.
Deux journalistes français disparus
Enfin, au lendemain de l'annonce par le journal italien La Stampa que son journaliste Domenico Quirico, disparu depuis le 9 avril, "est vivant et en Syrie", la radio Europe 1 a affirmé être sans nouvelles depuis 24 heures de deux de ses journalistes français qui faisaient route vers Alep.
"Il s'agit de Didier François, grand reporter au sein de la rédaction, habitué des zones sensibles, et d'Edouard Elias, photographe, missionné par la radio", a précisé la station dans un communiqué, ajoutant qu'elle était en contact permanent avec les autorités françaises qui mettent tout en œuvre pour obtenir plus d'informations.
"Je demande que ces journalistes soient immédiatement libérés", a déclaré le président français François Hollande, en visite au Japon.
Parmi les autres journalistes étrangers actuellement portés disparus en Syrie figure l'Américain James Foley, 39 ans, un reporter de guerre expérimenté enlevé fin novembre dans le nord du pays. James Foley avait fourni des reportages vidéo sur la guerre en Syrie à l'AFP.
Vingt-quatre journalistes ont trouvé la mort depuis le début de la révolte contre le régime en Syrie le 15 mars 2011, selon un décompte établi par l'AFP et Reporters sans frontières (RSF). On compte aussi quatre Français, une Américaine, une Japonaise, un Irakien. On dénombre également au moins une cinquantaine de morts parmi les centaines de "citoyens journalistes" qui, face aux restrictions imposées par le régime à la presse professionnelle, se sont armés de caméras pour témoigner de la situation dans leur pays.
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commentaires (8)
Qui donc aurait penser le contraire? On change pas une équipe et/ou une tactique qui gagne, comme on dit. C'est la guerre avec toute son absurdité, mais c'est le gagnant qui écrira l'histoire! il faut espérer le peuple Syrien gagne en s'asseyant autour d'une table de négociations.
Ali Farhat
18 h 37, le 07 juin 2013