Le président libanais Michel Sleiman a annoncé samedi, dans une allocution diffusée par les chaînes de télévision libanaises, qu'en vertu de ses prérogatives de chef de l’État veillant au respect de la Constitution, il a décidé de présenter un recours en invalidation de la loi en vertu de laquelle le mandat du Parlement a été prorogé. Il a ajouté qu'il s'attend à ce que le Conseil constitutionnel statue "en toute neutralité et de la manière la plus rapide".
M. Sleiman a expliqué la procédure qu'il a choisi de suivre, après avoir noté la colère des Libanais qui se sont soulevés, notamment sur les réseaux sociaux, contre la décision du Parlement.
Le chef de l’État qui a, tout comme le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati, contresigné vendredi la loi, a justifié son acte par le fait que "l'article de 19 de la Constitution ne permet pas un recours en invalidation d'une loi qui n'est pas entrée en vigueur". La loi sur la prorogation a d'ailleurs été publiée samedi dans le Journal Officiel. Quant au recours présenté par Michel Sleiman, il a d'ores et déjà été reçu par le Conseil constitutionnel.
Michel Sleiman a également expliqué qu'il n'a pas voulu renvoyer la loi devant le Parlement car ce dernier ne sera plus en mesure de se réunir en session ordinaire à partir du 1er juin. "Je n'ai pas demandé non plus le report de la séance de vendredi, étant donné que les députés ont attendu le dernier jour de la session parlementaire pour se réunir. Je ne pouvais donc pas pousser vers le vide constitutionnel", a poursuivi le chef de l’État. Et de conclure : "Entre une prorogation de longue durée, le vide constitutionnel et des élections organisées à la hâte, j'ai choisi de signer la loi puis de présenter aussitôt le recours en invalidation".
Dans les milieux du Courant patriotique libre (CPL), dont les députés également opposés à la prorogation ont boycotté la séance parlementaire, Ibrahim Kanaan a été chargé de préparer le texte d'un autre recours en invalidation. Pour ces milieux, l’exception de "force majeure" soulevée pour justifier la prorogation devait se faire "dans l’urgence ou si le pays est en guerre" et non pas à titre hypothétique, avec amplification à volonté dans les médias audiovisuels, comme cela se produit en ce moment.
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Vendredi, lors de l’une des séances les plus courtes de l’histoire du Parlement, qui couronne pourtant des mois de débats stériles sur la future loi électorale, 97 députés sur 128 ont, en dix minutes, voté en faveur d’un projet de loi comprenant un article unique et prévoyant la prorogation du mandat du Parlement jusqu’au 20 novembre 2014.
"La durée du mandat de la législature sera modifiée exceptionnellement pour prendre fin le 20 novembre 2014", indique le texte, en soulignant que la prolongation est motivée par "la situation sécuritaire dans plusieurs régions libanaises, qui s'accompagne d'une escalade politique et d'une tension souvent à caractère confessionnel".
Cette décision avait provoqué une manifestation de colère à l'extérieur du Parlement. Des protestataires habillés de noir brandissaient des pancartes portant le deuil du processus démocratique au Liban. Des jets de tomates ont également visé des convois de voitures transportant des ministres et des députés.
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Pour la doyenne de la faculté de Sciences politique de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, Fadia Kiwan, "il faut rechercher la vrai raison de la prorogation du mandat du Parlement dans le fait que tous les partis veulent gagner du temps pour savoir qui, du régime ou des rebelles, l'emportera en Syrie". "Les parties libanaises, qui soutiennent l'un ou l'autre camp, pensent que cela facilitera grandement leur victoire", assure-t-elle.
Si les troupes syriennes ont quitté le Liban en 2005 après 30 ans d'hégémonie sur le pays, le régime du président Bachar el-Assad y garde une influence importante grâce à l'appui du Hezbollah. Ce dernier a envoyé de nombreux combattants en Syrie pour aider l'armée face aux rebelles.
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commentaires (7)
PRIÈRE LIRE : LES INTERVENANTS ! MERCI.
SAKR LOUBNAN
16 h 56, le 02 juin 2013