Des Iraniens combattent avec le Hezbollah à Qousseir, accuse Washington

Le Hezbollah a dépêché de nouvelles troupes d'élite pour s'emparer de la ville stratégique syrienne de Qousseir, l'intervention militaire directe du mouvement chiite en Syrie suscitant l'inquiétude des Etats-Unis et de l'Union européenne.

L'UE envisage ainsi de mettre la branche armée du parti chiite libanais sur la liste des organisations terroristes, a-t-on appris mardi auprès de plusieurs diplomates européens. Le Royaume-Uni a présenté une requête en ce sens à ses partenaires européens et les discussions sur cette question débuteront "début juin", ont confié à l'AFP des diplomates s'exprimant sous couvert de l'anonymat.

L'inscription du Hezbollah sur la liste des mouvements terroristes nécessite l'unanimité des 27. Les Etats-Unis et Israël demandent depuis longtemps aux Européens de prendre cette mesure.

Lors d'une visite officielle à Bruxelles en mars, le président israélien Shimon Peres avait demandé à l'UE de prendre des mesures contre le Hezbollah pour empêcher ce mouvement "terroriste" de penser "que tout lui est permis". "Le Hezbollah intervient dans la guerre en Syrie sans permission du gouvernement libanais. Il y a eu 20 tentatives d'attentats en Europe" de la part du Hezbollah, avait souligné le chef de l'Etat israélien en rappelant notamment l'attentat commis le 18 juillet dernier à l'aéroport de Bourgas, en Bulgarie, qui avait fait six morts - cinq touristes israéliens et un chauffeur de bus.

Lundi, le président américain Barack Obama a exprimé auprès de son homologue libanais Michel Sleiman ses inquiétudes sur la présence du Hezbollah en Syrie lors d’un appel téléphonique entre les deux dirigeants, a fait savoir la Maison-Blanche. "Le président Obama a souligné ses craintes quant au rôle croissant du Hezbollah en Syrie, qui combat en soutien au régime Assad, ce qui va à l’encontre des politiques du gouvernement libanais", a indiqué la Maison-Blanche dans un communiqué.

"Les Etats-Unis ne font pas de distinguo entre les ailes politique, militaire et terroriste du Hezbollah (...). Les nombreuses branches et filiales du Hezbollah partagent une direction, des membres et un financement communs qui soutiennent tous des actions violentes du groupe", a expliqué à l'AFP le porte-parole adjoint de la diplomatie américaine, Patrick Ventrell.

Mardi, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a également dénoncé l'"intervention étrangère" du Hezbollah à Qousseir. "En Syrie il n'y pas seulement le Hezbollah mais aussi d'autres forces", a-t-il déclaré en faisant implicitement référence à l'Iran, l'un des rares soutiens du régime du président Bachar el-Assad.

De nouvelles troupes acheminées

Le Hezbollah est notamment en première ligne des combats au côté de l'armée syrienne à Qousseir, une ville frontalière du Liban. Le parti chiite a dépêché de nouvelles troupes d'élite à la ville soumise mardi à un très violent bombardement de l'artillerie gouvernementale et de raids de l'aviation, a affirmé une source du Hezbollah.

"Le Hezbollah a acheminé de nouvelles troupes d'élite. Il a fait de nombreux prisonniers parmi les rebelles, dont des non-Syriens", a ajouté cette source qui a requis l'anonymat.

"Au moins 31 combattants du Hezbollah ainsi que 68 rebelles ont été tués depuis l'assaut de dimanche contre la ville rebelle", a affirmé, de son côté, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). "Dans ces combats, neuf soldats ont trouvé la mort ainsi que trois miliciens pro-régime, ce qui prouve clairement que c'est le Hezbollah qui mène l'assaut", a affirmé directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. Quatre civils, dont trois femmes, ont également péri, a-t-il précisé.

"C'est la participation directe la plus visible du Hezbollah aux combat en Syrie, et nous avons compris qu'il y a aussi des Iraniens dans ce secteur", a affirmé a indiqué mardi soir un haut responsable du département d'Etat américain, qui a requis l'anonymat. "Le rôle de l'Iran et du Hezbollah a augmenté de façon substantielle au cours des deux derniers mois", a encore dit ce responsable, au cours d'une conférence téléphonique avec l'AFP.

La télévision du Hezbollah, al-Manar, a diffusé des images montrant des centaines de personnes participant lundi aux funérailles de cinq membres du parti chiite "qui accomplissaient le devoir de jihad". La télévision n'a pas précisé où ils avaient été tués. Selon Rami Abdel Rahmane, la majorité des combattants sont morts dans les bombardements tandis qu'une source proche du Hezbollah a révélé à l'AFP que la majorité de ses morts l'avaient été par des engins piégés posés par les insurgés pour freiner l'avance du parti.

(Reportage : Ces Libanais prêts à mourir pour le Hezbollah en Syrie...)

Selon l'OSDH, les rebelles offrent "une résistance acharnée pour ne pas abandonner les 25.000 civils, bloqués dans la ville, mais le Hezbollah et l'armée poursuivent un assaut de grande ampleur".

Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a lancé un cri d'alarme appelant à la protection des milliers de civils, beaucoup d'entre eux étant des enfants, pris au piège par les combats. "La situation est désespérée" à Qousseir, a déclaré une porte-parole de l'Unicef, Marixie Mercado, lors d'un point presse à Genève.

Du côté de la presse syrienne proche du pouvoir, al-Watan affichait à la Une : "Le drapeau syrien hissé sur les bâtiments gouvernementaux à Qousseir, la Turquie enflamme le front nord d'Alep avant la Conférence internationale. L'armée invite les habitants à rentrer à Helfaya (dans la région de Hama) et encercle les terroristes à Barzé" (dans le nord de Damas). Citant une source militaire à Qousseir, le journal affirme que "la progression de l'armée fait suite à des combats violents avec les groupes terroristes, au cours desquels des dizaines de terroristes ont été tués et blessés, dont certains étrangers et arabes". Le mot "terroriste" dans le vocabulaire du régime désigne les rebelles.

Qousseir est stratégique tant pour le régime que pour les rebelles syriens car cette ville contrôle la voie de passage des armes et des rebelles entre le Liban et la Syrie.

Un implication qui se répercute au Liban

La bataille de Qousseir se répercute depuis dimanche surle front de Tripoli, surtout au niveau de la rue de Syrie et de ses environs, séparant les deux quartiers historiquement rivaux de Bab el-Tebbaneh (à majorité sunnite et anti-régime syrien) et Jabal Mohsen (à majorité alaouite et pro-Assad), la ville du Nord étant sans doute le point le plus propice à l’embrasement de ce conflit communautaire.

Pour Waddah Charara, professeur de sociologie à l'Université libanaise, le Hezbollah est impliqué dans "la bataille de Qousseir car cette ville est la porte par laquelle passent les hommes et l'armement vers le nord du Liban et du nord du Liban vers la Syrie". Or, explique l'auteur de "l'Etat Hezbollah", "Tripoli est un bastion de l'opposition sunnite au Liban et en fermant cette porte il affaiblit ses principaux adversaires libanais, d'où l'importance de la prise de la ville".

Le bilan de deux jours de violents affrontements s'élève à cinq morts, dont deux soldats, et 35 blessés.

Mardi, le calme précaire qui régnait dans la matinée dans la capitale du Liban-Nord suite au déploiement massif de la troupe a été interrompu par une reprise des combats entre les quartiers rivaux, faisant un nouveau tué et au moins quatre blessés, dont deux soldats libanais selon certains médias locaux.

Parallèlement, au Liban-Nord, neuf personnes, dont une femme et deux enfants, ont été blessées mardi matin par de nouveaux obus tirés de Syrie sur des villages frontaliers du Akkar, dont Munayssa dans la région à majorité sunnite de Wadi Khaled, a indiqué un responsable local.

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