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À La Une - Le billet

Le cri du François

Si un François en venait à se confier à un autre François...

François Hollande. Archives AFP

À l’attention de François, Résidence Sainte-Marthe, Vatican

 


Cher François,

Je prends la plume aujourd’hui, car j’ai besoin de vos lumières. Vous allez probablement être surpris par ma démarche, je le suis aussi, surtout au niveau de mon socialo-laïcisme. Mais l’heure est grave, pour moi en tout cas. Pour ne rien vous cacher, si je m’adresse à vous aujourd’hui, c’est qu’il me semble que vous, plus que quiconque, êtes astreint à un devoir de confidentialité et que dès lors, je ne risque pas de voir le contenu de cette lettre reproduit dans Le Canard enchaîné. Cafter est pécher, disait maman.

Aujourd’hui, au premier et douloureux anniversaire de mon mandat, ce n’est pas tant à l’homme de religion qu’au « président » de l’Église que je m’adresse, un homologue en quelque sorte.

Vous et moi, cher François, dirigeons aux destinées de beaucoup de monde. Vous à plus de monde que moi certes, et vous pourriez argumenter que le nombre accroît la pression. Ce à quoi je répliquerai que vos administrés, contrairement aux miens, sont des fidèles.

Vous et moi, cher François, portons le poids d’un homonyme. Assise pour vous, Mitterrand pour moi, un monde les sépare, mais si le mien n’était pas italien, il avait tout de même un petit air de Mazarin.

Vous et moi travaillons dans un contexte de crise, pour vous elle touche la curie et deux, trois autres dossiers, pour moi ça craque de partout : social, économie, politique... Vous conviendrez que la crise que je me tape est singulièrement plus violente que la vôtre. Devez-vous composer avec un apôtre de l’austérité, un gardien de l’orthodoxie, aussi tenace que Madame Merkel ?

Vous et moi, face à ces crises, avons initié des réformes. Moi pour relancer l’emploi et la croissance, vous pour remettre la curie au pas. Mais que vos réformes échouent ou pas, quel impact sur votre popularité, vous dont les fidèles ne sont jamais sondés et dont le mandat est à vie ?
Moi, je lance un chantier pour gérer les conséquences d’une crise mondiale. Je réfléchis, je consulte, j’écoute, je rassure, je réfléchis de nouveau, je reconsulte, je change d’avis, je réfléchis encore un peu, je dors dessus pour être sûr, et finalement je sors la boîte à outils et je m’y mets.
Et vlan, tout le monde me tombe sur le paletot car il ne se passe rien. Ils veulent le changement maintenant. Mais le changement maintenant, c’était un slogan, une vue de l’esprit, un truc de fils de pub, dans la vraie vie, moi, comme tout être normal, j’ai besoin de temps pour que mes réformes fonctionnent !

Vous et moi, au-delà des points précités, partageons surtout, me semble-t-il, un goût pour la normalité. Ce goût n’est toutefois pas apprécié de la même manière par vos ouailles et mes administrés.
Moi, je voulais être un président normal, en rupture avec l’agitation, les falbalas, la politique tout en éclats de mon prédécesseur. Rien que de l’honorable en somme. Las, tout le monde se fout de moi.
Vous avez opté pour la papauté normale. Quand vous laissez tomber la croix en or, les chaussettes blanches, les mocassins rouges et négligez la limousine pour le minibus, le monde salue votre humilité. Moi quand j’ai voulu faire Paris-Lille en train plutôt qu’en avion, on m’a fait un flan colossal.

Vous et moi sommes entourés de partisans et d’opposants. Mais les vôtres, quel que soit leur bord, hors des murs du Vatican, on ne les entend pas moufter.
En ce qui me concerne, c’est à qui mieux mieux, et les opposants ne sont pas nécessairement les plus méchants.
Fraise des bois, Fraise Tagada, Monsieur petite blague... du Fabius tout ça. Guimauve le conquérant, un copain du même Fabius. Flamby, ça c’est signé Montebourg. Mais je ne suis pas rancunier, les deux Judas sont ministres chez moi.
Toutefois, quand j’apprends que dans les couloirs de l’Élysée, ma propre maison, on m’appelle Pépère, ça me fiche un coup au moral. À côté de ça, le pingouin de Carla est presque sympa.

Vous l’aurez compris, cher François, ça ne va pas fort. Je sais que vous avez d’autres chats à fouetter – le mariage gay (oups), les avancées de la science... –, mais je ne sais plus vers qui me tourner pour me conseiller. À l’intérieur, pas confiance, Valérie, pas une option, j’ai bien Vladimir, qui fête lui aussi le premier anniversaire de son énième mandat, mais je sais déjà ce qu’il va me conseiller.
« Fanfan, reprends-toi, il va me dire, ce qu’il te faut, c’est du silence. Tes ministres, le petit doigt sur la couture ou l’exil. Pour le reste, tu réinstaures la peur dans la société, tu casses du journaliste, tu lamines deux ou trois opposants pour l’exemple, tu te lâches sur le délit de trahison et pour fédérer, tu introduis un truc fort, genre le héros du travail. » Mais tout ça, je ne peux pas, c’est pas moi.

Je suis perdu, voilà c’est dit, et pouvant de moins en moins compter sur le soutien des Français, j’en appelle à la solidarité des François.

François Hollande

À l’attention de François, Résidence Sainte-Marthe, Vatican
 
Cher François,Je prends la plume aujourd’hui, car j’ai besoin de vos lumières. Vous allez probablement être surpris par ma démarche, je le suis aussi, surtout au niveau de mon socialo-laïcisme. Mais l’heure est grave, pour moi en tout cas. Pour ne rien vous cacher, si je m’adresse à vous aujourd’hui,...

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