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Diaspora - Portrait

« Du Koura au Brésil, aller et... retour », de Salim Miguel

Un grand écrivain qui a marqué l’histoire de la littérature au Brésil.

Salim Miguel, un journaliste et écrivain libano-brésilien prolifique.

Six personnes, trois adultes et trois enfants. Le père, la mère et l’oncle ont entre vingt et trente ans, et les fillettes et le petit garçon entre 6 mois et trois ans. C’était le 18 mai 1927, sur le quai du port de la Praça Mauá, dans l’État de Rio de Janeiro. Ils venaient juste de débarquer au Brésil, perdus dans le brouhaha, en pleine nuit. Ils se tournèrent vers un chauffeur de taxi qui, grâce à la lumière d’une allumette, arriva à lire l’adresse qu’ils lui tendaient sur un bout de papier, et leur apprit leur premier mot en portugais : « Luz », ou lumière, qui leur ouvrit les portes du « Nouveau monde ». Cet épisode marqua la mémoire de Salim, dont le livre Nur na escuridão (Lumière dans l’obscurité) vient d’être traduit en arabe, renforçant sa volonté de retour.
Salim Miguel est connu au Brésil comme étant un grand auteur de fictions et de contes, un chroniqueur et un essayiste. Il est né à Kfarsaroun, au Koura dans le Liban-Nord en 1924. Son père est Youssef Yacoub Mikhail (Miguel), né aussi à Kfarsaroun en 1897, et sa mère Tamina Athye Mikhail, née à Amioun en 1903. À leur arrivée au Brésil, ses parents travaillèrent dans le commerce, comme colporteurs, avant d’ouvrir un magasin, mais Salim prit le chemin des lettres et devint journaliste et écrivain, puis libraire et éditeur. Sa mère était une femme cultivée qui parlait, en plus de l’arabe, le russe, l’anglais et le portugais. Son père souhaitait être professeur et donna des cours d’arabe avant de s’engager dans le commerce. La « persévérance » était le mot d’ordre de la famille.
En 1943, la famille partit vers le sud du Brésil dans l’État de Santa Catarina, à Florianópolis, où Salim commença sa vie littéraire. En 1947, il créa avec d’autres jeunes, aussi enthousiastes que lui, le petit journal Cicuta dans lequel il publia ses premiers articles. La même année, il participa au cercle de l’Art moderne, du Groupe-Sud, et connut la Brésilienne Eglê Malheiros, écrivaine, qui devint son épouse, avec laquelle il produisit pour le théâtre la première œuvre dramatique de Jean-Paul Sartre présentée au Brésil. Avec l’argent gagné dans les représentations, il édita la Revista Sul (Revue Sud) durant dix ans (1948-1958) pour l’action directe du Group-Sud et réalisa l’exposition de l’Art moderne, qui donnera plus tard naissance au musée de l’Art de l’État de Santa Catarina.

Emprisonné pour
son militantisme
En 1950, Salim Miguel publia ainsi des interviews à Rio de Janeiro de grands écrivains comme Carlos Drummond de Andrade, Jorge Amado et Graciliano Ramos. Il commença alors à se dédier davantage à l’écriture et publia en 1951 son premier livre de contes, intitulé Velhice e outros contos (Vieillesse et autres contes), qui fut suivi de trente autres ouvrages, contes, poésies et romans, dont Nur na escuridão en 1999 et Reinvenção da Infância (réinvention de l’enfance) en 2011. Il travailla également dans des revues et des journaux importants, produisant de nombreux articles et éditoriaux sur la vie sociale, politique et économique au Brésil.
Salim Miguel fut aussi responsable de la Revista Ficção, revue qui avait en 1975 un tirage de 15 000 exemplaires et était distribuée dans tout le Brésil. Il était aussi libraire et avait sa propre « Livraria Salim ». Considéré comme militant, il fut emprisonné en 1964, durant la dictature militaire au Brésil, mais pour peu de temps, grâce aux interventions de ses nombreux amis intellectuels. Un de ses livre raconte ce moment : « Brésil, avril 1964 : la dictature s’installe. » En 1983, Salim Miguel assuma la direction de la maison d’édition de l’Université fédérale de Santa Catarina (UFSC), pour huit ans.
Il se distingua aussi dans le septième art et écrivit des scénarios pour le cinéma, avec son épouse Eglê, comme O Preço da ilusão (Le prix de l’illusion), premier long-métrage réalisé à Santa Catarina en 1957. Il organisa en 1962 le premier festival du cinéma nouveau brésilien et adapta pour le cinéma des œuvres de grands écrivains brésiliens. Salim Miguel participa aux jurys de plusieurs festivals de cinéma et fut nommé en 1994 par le ministre de la Culture membre de la commission de sauvetage du cinéma brésilien.
La présence de sa femme à ses côtés l’a aidé dans sa production. Eglê Malheiros Miguel, née à Tubarão-Santa Catarina en 1928, avait fait des études en droit et en communication et était aussi écrivaine, scénariste de films et traductrice d’œuvres littéraires et techniques de l’anglais, le français, l’allemand, l’espagnol et l’italien vers le portugais. Elle était aussi traductrice et collaboratrice pour les encyclopédies Delta-Larousse et Mirador, et obtint plusieurs distinctions au Brésil.

Meilleur livre de l’année en 1999
Pour sa part, Salim Miguel a aussi été récompensé pour tout son travail de 50 ans d’écriture : son roman Nur na escuridão reçut en 1999 le prix du meilleur livre de l’année, puis en 2001 le prix Zaffari & Bourbon du meilleur roman brésilien publié entre 1999 et 2001. En 2002, il obtint le prix Juca Pato ainsi que le titre de docteur honoris causa de l’Université fédérale de Santa Catarina.
Le livre Nur na escuridão, traduit en arabe sous le titre Du Koura au Brésil, aller et... retour par Youssef Mousmar, vient d’être édité au Liban par Dar Saër al-Mashrek – www.entire-east.com – avec l’appui du programme de traduction des œuvres brésiliennes de la Bibliothèque nationale de Rio de Janeiro et du ministère de la Culture du Brésil, en coordination avec le Centre des études et cultures de l’Amérique latine de l’Université Saint-Esprit de Kaslik (Cecal-USEK), qui compte une « Collection Amérique latine » dans sa bibliothèque centrale.

*L’association des « Amis du Portugal », présidée par Mia Azar, a organisé récemment une rencontre à Beyrouth avec Roberto Khatlab autour de son livre, paru il y a six mois et reprenant tous ses articles publiés dans notre page « Les Libanais dans le monde » depuis novembre 2007.
Six personnes, trois adultes et trois enfants. Le père, la mère et l’oncle ont entre vingt et trente ans, et les fillettes et le petit garçon entre 6 mois et trois ans. C’était le 18 mai 1927, sur le quai du port de la Praça Mauá, dans l’État de Rio de Janeiro. Ils venaient juste de débarquer au Brésil, perdus dans le brouhaha, en pleine nuit. Ils se tournèrent vers un chauffeur...