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À La Une - Le point

Pire qu’un crime, un mensonge

Entre le faux et le vrai, il y a un espace
qui est celui de l’apparence du vrai (...).
L’apparence du vrai, c’est le cauchemar
de la vérité – « Un homme effacé », Alexandre Postel

Atterrés, consternés, offusqués, effondrés : depuis mardi soir, il pleut des qualificatifs sur le glauque landernau politique, en pleine tourmente depuis que, d’affaire politico-financière, la bombe Cahuzac n’a pas tardé à virer au scandale d’État. Le président de la République, lui, est stupéfait et, ce sont ses mots, « en colère » parce que l’ex-ministre du Budget « a trompé les plus hautes autorités du pays et, à travers le Parlement, les Français ». Ayant dit, François Hollande a pris l’avion pour le Maroc où il effectue une visite officielle de quarante-huit heures.


La rapidité de la contre-attaque, la sévérité du propos, la diligence dont va faire montre la justice pour accomplir « son travail jusqu’au bout » ne sauraient étonner, le présent quinquennat s’étant voulu, dès le départ, au-dessus de tout reproche. Mais ce n’est pas porter atteinte à l’honneur d’hommes et de femmes qui ont fait vœu de servir la République que de se poser la question : sans Mediapart, sans l’acharnement du fondateur du site, y aurait-il eu enquête, démission de ministre et cette chape de doute qui, désormais, va peser sur toute action publique en France ? Et, question subsidiaire, comment ne pas s’interroger sur les qualités de cette équipe qui ignorait, répétait hier encore Najat Vallaud-Belkacem, l’existence d’un compte secret détenu par l’un des siens alors que les salles de rédaction depuis belle lurette bruissaient de rumeurs sur l’affaire ? De plus, la fameuse bande dans laquelle l’intéressé reconnaissait détenir un compte dans un établissement de la Confédération helvétique remonte à 2000 et, par la suite, plusieurs expertises avaient été effectuées, débouchant sur les révélations, le 4 décembre dernier, figurant sur le site d’Edwy Plenel.


Les échos de l’explosion résonnaient encore dans le ciel parisien que Cahuzac se répandait en dénégations, d’abord véhémentes puis de plus en plus vagues, jusqu’à l’aveu du mardi 2 avril quand, à 15h 52, sur son blog, il reconnaissait détenir un compte bancaire depuis une vingtaine d’années. Avant cela, et pour ne citer qu’un seul cas, il avait répondu négativement, « les yeux dans les yeux », au chef de l’État qui l’interrogeait sur le dossier.


Il est vrai qu’en France, la vie publique n’a cessé, au fil des ans, d’être ponctuée par une succession de dossiers peu ou prou nauséabonds pour le pouvoir en place. À cet égard, les nations sont toutes logées à la même enseigne, aucune ne pouvant, ainsi que le voulait César pour son épouse, être au-dessus de tout soupçon. Et que celui qui n’a jamais péché... Il est rare toutefois de voir le gendarme surpris la main dans le sac, lui qui, disait-il mardi, a « mené une lutte interne taraudante pour tenter de résoudre le conflit entre le devoir de vérité auquel j’ai manqué et le souci de remplir les missions qui m’ont été confiées, et notamment la dernière que je n’ai pu mener à bien ». On nous excusera de ne pas nous apitoyer sur le sort d’un être « pris dans une spirale du mensonge et dévasté par le remords ». Ce qui ne l’avait pas empêché, des années durant, de piloter sa précieuse cassette d’un établissement à un autre jusqu’à cet atterrissage final, en 2010, dans une chambre forte de Singapour.


Dans les jours qui viennent, on saura si tout cela n’est pas le fruit d’une machination diabolique ; s’il existe ou non un lien entre la présence de Jérôme Cahuzac dans le cabinet du ministre de la Santé de l’époque (1988-1991), Claude Évin, et la création d’une firme de conseil à l’intention des laboratoires pharmaceutiques qui enregistrait alors des bénéfices annuels de l’ordre d’un million de francs (on connaît maintenant la destination finale de ce pactole) ; si le chef de l’UMP, Jean-François Copé, omet délibérément d’évoquer une troisième possibilité lorsqu’il juge que François Hollande a soit fait preuve de candeur, soit carrément menti – ce qui est, plus qu’énorme, inutilement insultant ; si, enfin, Laurent Fabius n’a pas raison d’inviter l’opposition à ne pas en rajouter, à « ne pas gratter la plaie ». Il reste que le désolant discrédit jeté sur l’action politique – un peuple est toujours en droit d’obtenir de ses représentants qu’ils soient le moins « reprochables » possible, sinon des parangons de toutes les vertus républicaines – ne manquera pas de rejaillir sur l’ensemble de la caste gouvernante.


Il reste surtout, une fois apaisé le courroux qui monte aujourd’hui, cette superbe leçon d’un journalisme d’intérêt public assénée par un média autonome, c’est-à-dire libre.

 

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