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Liban - Parution

« Qatar, les secrets du coffre-fort », de Christian Chesnot et Georges Malbrunot

Le Qatar est décidément un émirat qui a actuellement le vent en poupe. En tout cas, il constitue une source d’inspiration pour de nombreux chercheurs et journalistes, en France notamment. C’est ainsi que le tandem Christian Chesnot-Georges Malbrunot vient de lui consacrer un ouvrage au nom particulièrement évocateur : Qatar, les secrets du coffre-fort (éditions Michel Lafon). Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit nullement d’un brûlot et encore moins d’un ouvrage complaisant. Non, le livre des deux journalistes est un travail minutieux d’investigation auprès de plusieurs sources bien placées, en France et au Qatar. Il constitue donc un puits d’informations sur un émirat que, au départ, nul ne prenait au sérieux et qui joue désormais dans la cour des grands. C’est sans doute sur l’impulsion de l’émir actuel Hamad ben Khalifa al-Thani que ce qu’on appelait « l’État confetti » a pris une telle ampleur; d’abord parce que les gisements de gaz y ont été découverts et exploités (il en a, dit-on, pour 200 ans), ensuite parce que l’émir – qui a fait un coup d’État pour renverser son propre père l’émir Khalifa ben Hamad al-Thani – a une grande vision pour son pays et une aussi grande ambition pour son propre rôle. Le déroulement du coup d’État, mais aussi le réseau d’alliances et les pôles d’influence au sein du « système Hamad ben Khalifa al-Thani » sont soigneusement expliqués. On apprend ainsi le rôle-clé joué par l’actuel Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Hamad ben Jassem (HBJ pour les spécialistes) dans la prise du pouvoir par le fils de l’émir et dans tous ses plans pour permettre à l’émirat de jouer un rôle sur la scène internationale. Mais on apprend aussi que l’épouse préférée de l’émir, cheikha Moza, ne porte pas dans son cœur HBJ et que la lutte d’influence entre eux est constante, chacun essayant de placer des personnes qui lui sont acquises aux postes-clés. Il faut aussi tenir compte du prince héritier Tamim auquel le père voudrait remettre les rênes d’ici à trois ou quatre ans.
Au-delà des évaluations du rôle de l’émirat, notamment en France, en Syrie et dans les autres pays dits du printemps arabe, cet ouvrage permet de mieux comprendre cet univers opaque, dont on ne connaissait jusqu’à présent que quelques images clinquantes destinées à l’Occident, alors que la société qatarienne reste assez secrète et renfermée sur elle-même. C’est en effet une des grandes gageures de l’émir actuel de réussir à naviguer entre le wahhabisme des Qatariens, la présence des travailleurs étrangers et les exigences de la modernité. Il est vrai qu’avec les fonds dont il dispose, l’émir peut se permettre de choyer ses quelque 200 000 citoyens. Mais il essuie des critiques sur sa volonté de moderniser à tout prix une société qui reste attachée à ses racines bédouines et ses pratiques salafistes. Le Qatar doit son rôle d’aujourd’hui à ce que les deux auteurs de l’ouvrage appellent « le trio magique »: un émir wahhabite mais éclairé, une cheikha qui a des allures de nouvelle Joséphine (la première épouse de Napoléon) et le fameux HBJ qui est en quelque sorte « le Talleyrand de l’émir ». À eux trois, ils tiennent tous les rouages de l’État, et en dépit de leurs divergences et parfois de leurs dissensions, ils ont permis à l’émirat de rayonner dans le monde à travers ce qu’on appelle « la diplomatie du carnet de chèques ». Les relations avec la France, avec le régime de Damas puis l’opposition syrienne, avec l’Autorité palestinienne, avec l’Arabie saoudite qui a souvent regardé l’émirat avec une sorte de mépris hautain... tous ces dossiers sont évoqués avec des détails passionnants racontés comme s’il s’agissait d’un roman. En même temps, la passion de l’émir et de son fils pour le sport – qui les a poussés d’ailleurs à tout faire pour obtenir la tenue de la Coupe du monde de football sur leur territoire en 2022 – et celle de cheikha Moza pour l’éducation, la frénésie immobilière et la volonté de détrôner Dubaï de sa place financière dans le Golfe, les relations ambivalentes avec l’Iran tout proche sont aussi des thèmes abordés, sans la prétention d’un ouvrage d’analyse, avec de petites histoires qui dessinent la grande. Ce livre est donc à lire pour en savoir plus et sortir des clichés concernant un émirat avec qui, qu’on le veuille ou non, il faut désormais compter... Et pas seulement les billets de banque.

S. H.
Le Qatar est décidément un émirat qui a actuellement le vent en poupe. En tout cas, il constitue une source d’inspiration pour de nombreux chercheurs et journalistes, en France notamment. C’est ainsi que le tandem Christian Chesnot-Georges Malbrunot vient de lui consacrer un ouvrage au nom particulièrement évocateur : Qatar, les secrets du coffre-fort (éditions Michel Lafon)....
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