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À La Une - La situation

Loi électorale : le 8 Mars sous les traits de la vierge effarouchée

Les Forces de sécurité intérieure bloquant les manifestants pour la grille des salaires à Sayyad à hauteur de la bifurcation qui mène au palais présidentiel à Baabda où se tenait le Conseil des ministres hier. Photo Nasser Traboulsi

Le tandem Michel Sleiman-Nagib Mikati a-t-il outrepassé ses prérogatives et compétences en décrétant la convocation du collège électoral sur la base de la loi de 1960 amendée en 2008 ? Pour le 8 Mars, la réponse ne fait aucun doute : c’est oui. Pour des juristes de renom, tels que Hassan Rifaï et Ziyad Baroud, c’est non.


Sur le terrain politique, on est en effet tenté de comprendre la colère suscitée chez les formations du 8 Mars par la décision quelque peu cassante prise par les deux têtes de l’exécutif, laquelle est survenue à un moment où la communauté internationale, en particulier les États-Unis et l’Europe, multiplient les remarques explicites sur la nécessité du déroulement des élections législatives à la date prévue. Le commissaire européen à la Politique de voisinage, Stefan Füle, en visite hier à Beyrouth, allait même plus loin en parlant de l’importance d’une réforme électorale « consensuelle », ce qui signifie en pratique que le proposition du Rassemblement orthodoxe n’est guère considérée comme la bienvenue.


On conçoit d’autant plus l’indisposition des composantes du 8 Mars que M. Mikati lui-même n’avait pas hésité lundi soir, quelques heures après la signature du décret, d’enfoncer un peu plus le clou en déclarant que le projet dit orthodoxe « ne passera pas ».

 

(Lire aussi : Aoun : Il n’y aura pas d’élections sur la base de la loi de 1960)


Mais il convient bien sûr de relativiser cette réaction de la part d’un camp dont la réputation en matière de respect du jeu parlementaire et démocratique suscite pour le moins de légitimes interrogations jusqu’à cet instant.
Et d’ailleurs, lorsqu’on se place sur le terrain juridique, les choses se présentent tout à fait différemment. Comme l’explique M. Baroud, ancien ministre de l’Intérieur, les deux dirigeants du pouvoir exécutif ne disposent pas, en la matière, d’un pouvoir discrétionnaire. Dans certains domaines, il leur revient souvent de pouvoir apprécier l’opportunité d’un acte à prendre ou à ne pas prendre. Mais en ce qui concerne le respect d’une échéance comme la convocation du collège électoral, ils n’ont que ce qu’on appelle une « compétence liée » qu’ils sont tenus de mettre en œuvre sous peine d’exposer leur responsabilité.


Le 8 Mars affirme, il est vrai, que la loi de Doha est « défunte », qu’elle n’était applicable qu’« une seule fois ». Il y a là matière à creuser pour les juristes, mais il est douteux qu’une quelconque étude sérieuse débouche sur quelque chose qui veut dire qu’un État de droit doit céder la place à un Etat de non-droit lorsqu’on ne parvient pas à remplacer une loi par une autre.

 

(Lire aussi : Le Futur est prêt à discuter, mais à l’ombre d’un cabinet neutre...)


Et si aucune loi n’a encore remplacé celle de 1960, c’est bien entendu pour des raisons éminemment politiques. Le 8 Mars n’a d’ailleurs à se prendre qu’à lui-même pour cet état de fait. Ayant réussi à entraîner une majorité derrière le projet « orthodoxe » en « débauchant » les Forces libanaises et les Kataëb, il semble hésiter à aller de l’avant : le président de la Chambre, Nabih Berry, n’a-t-il pas lui-même laissé entendre à plusieurs reprises qu’en matière de loi électorale, seul le consensus doit prévaloir ? N’est-ce pas pour cette raison qu’il retarde la convocation de la Chambre à une séance plénière ?


Mais alors, à quoi joue-t-on de part et d’autre? À ajourner les élections, tout simplement, en vue de deux objectifs : attendre, d’abord, une évolution de la situation en Syrie dans un sens comme dans l’autre ; trouver ensuite une « bonne » loi électorale, mais dans le cadre d’un package deal plus global qui la rendrait acceptable pour celui qui risque de perdre les élections.


Dans le contexte actuel fait d’incertitude, il y a très peu de possibilités d’entente sur une loi électorale, simplement parce que les résultats du scrutin peuvent être devinés à l’avance quelle que soit la formule adoptée. Et personne n’accepte à ce stade d’être celui qui perdra les élections.


Mais les choses peuvent changer. On observe ces jours derniers une accélération dans le processus syrien plutôt en défaveur du régime. Si cette évolution devait se confirmer, la donne au Liban en serait changée.


En attendant, les diverses composantes du 14 Mars et le PSP paraissent sur le point de parvenir à un accord entre elles sur une formule de loi électorale mixte. Les milieux concernés font état de progrès réels enregistrés à ce niveau au cours des dernières trente-six heures. Il reste uniquement quelques « retouches » à effectuer, indique-t-on.


Si un accord est conclu, la loi de 1960 sera toujours déclarée « défunte », mais le projet « orthodoxe » sera, lui, bel et bien enterré.

 

 

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