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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Cervelets à surveiller

L’ataxie n’est pas, comme pourrait bien le croire tout profane, le privilège des bienheureux qui échappent à la taxation. C’est là, nous expliquent les spécialistes, une pathologie neuromusculaire affectant généralement le cervelet et qui se traduit par un manque de coordination dans les mouvements volontaires. Pour rare que soit cette maladie, elle devrait pourtant nous être tristement familière : à l’évidence, c’est d’un gouvernement furieusement, irrémédiablement ataxique que sont affligés les Libanais.

 

À tout seigneur tout honneur, le premier à le reconnaître est désormais le Premier ministre lui-même : non homogène, incohérente, qualifiait-il ainsi son équipe, lundi soir à la télévision, s’empressant d’ajouter néanmoins que c’est lui le seul maître à bord de ce pitoyable radeau de la Méduse. En fait de patron, et sans ironie aucune, Nagib Mikati en est un de belle taille, au sens propre comme au figuré. Comment ce brasseur d’affaires d’envergure internationale, à qui la fortune a souri de toutes ses dents, rompu aux montages financiers les plus savants, a-t-il pu se fourvoyer – et avec lui le pays tout entier – dans des promesses d’augmentations des salaires que jamais un État déjà en ruines ne pourra tenir ? Et par quel tour de magie espère-t-il juguler le chapelet de grèves qui paralysent actuellement le Liban ? Incohérent vous-même, Monsieur Mikati, et ne serait-ce que pour cette raison, votre gouvernement doit partir !


Incohérent et un tantinet présomptueux de surcroît. Car si maître il y a au sein de ce cabinet, c’est le Hezbollah qui l’est en réalité, qui fait la pluie et le beau temps. Qui combat ouvertement aux côtés du tyran de Syrie en se moquant bien de la prétendue neutralité officielle. Qui, au gré de ses intérêts, protège les hors-la-loi ou leur retire au contraire toute protection. Pour cause de duplicité cette fois (ou bien alors de schizophrénie ?), le gouvernement doit partir.


Ce sidérant bulletin de mauvaise santé serait incomplet sans l’incroyable foire d’empoigne que suscite au sein de l’exécutif, comme d’ailleurs de l’Assemblée, l’impérieuse nécessité d’une loi électorale qui rendrait justice aux diverses pièces du puzzle libanais. Le gouvernement a adopté un projet qui vaut ce qu’il vaut, mais qui engage en principe tous ses membres. Or, il n’en est rien, et la profusion d’alternatives proposées çà et là, et que l’on s’évertue à accommoder à toutes les sauces, en devient risible. En convoquant lundi le corps électoral, Michel Sleiman et Nagib Mikati ont provoqué la fureur des ministres de la majorité, qui y ont vu en effet les prémices d’un retour à la loi actuelle, décriée de toutes parts. Il est vrai que le président et le Premier ministre semblaient se plier aux souhaits américains quant à la tenue, coûte que coûte, des législatives à la date prévue, même si, au fond, les deux hommes n’y croient pas outre mesure. Il faut croire que le ministre de l’Intérieur, lui, n’y croit pas du tout. S’il y avait à choisir, a-t-il dit, entre sécurité publique et respect de l’échéance électorale, c’est pour la première qu’il opterait sans hésiter.


Rassurant, n’est-ce pas ? Ataxie, qu’on vous disait...

 

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

L’ataxie n’est pas, comme pourrait bien le croire tout profane, le privilège des bienheureux qui échappent à la taxation. C’est là, nous expliquent les spécialistes, une pathologie neuromusculaire affectant généralement le cervelet et qui se traduit par un manque de coordination dans les mouvements volontaires. Pour rare que soit cette maladie, elle devrait pourtant nous...

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