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Le « conseil » de Assir au gouvernement...

Le cheikh invite le gouvernement à envoyer l’armée aux frontières, « là où nos frères sont en train de mourir aux mains de l’armée syrienne (entendre les forces du régime), au lieu de vous immiscer dans des questions intérieures »

Le cheikh salafiste libanais, Ahmad el-Assir.

On pensait que l’étincelle qui mettrait le feu aux poudres viendrait de Tripoli. Or, à la lumière de la montée en puissance du prédicateur de la mosquée Bilal ben Rabah, cheikh Ahmad el-Assir, et de l’escalade annoncée il y a quelques jours, c’est de Saïda que l’on redoute désormais voir naître la zizanie préludant à une explosion généralisée aux lourdes conséquences.


Le danger qui guette cette ville – et qui pourrait s’étendre à l’ensemble du pays comme une traînée de poudre – est d’autant plus à craindre que Saïda est non seulement située à la porte du Sud chiite et mène en direction des contingents de la Finul, mais comprend surtout l’un des camps les plus problématiques, celui de Aïn el-Héloué, lourdement armé et abritant des mouvances jihadistes qui échappent totalement au contrôle de l’État. La ville détient en outre son symbolisme, et par là même son caractère névralgique du fait de son tissu multicommunautaire et son pluralisme politique, un atout qui risque de se transformer, aujourd’hui, en agent de discorde.


Autant de facteurs de troubles potentiels qui expliquent la fermeté avec laquelle les forces de l’ordre et l’armée ont réagi au cours du week-end dernier, empêchant tout rassemblement dans la ville.
Ayant annoncé dès samedi un rassemblement au rond-point Maksar el-Abed, là où deux de ces partisans avaient été tués il y a quelques mois des suites d’un accrochage avec le Hezbollah, cheikh Assir et ses partisans n’ont toutefois pas réussi à sortir leurs voitures du périmètre de la mosquée à Abra. Venus pour le rejoindre de plusieurs endroits de la ville, ses supporters n’ont pu parvenir au point de ralliement, l’armée et les forces de l’ordre ayant bloqué tous les axes menant au lieu du rendez-vous. Déployée en force dans la ville, l’armée a fermé à l’aide de chars tous les axes menant à Abra en prévision de la manifestation, qui était prévue à 16h. La troupe a d’ailleurs encerclé le rond-point en question afin d’empêcher l’arrivée de manifestants.


« Le cheikh et ses partisans n’ont pas pu atteindre leurs objectifs », a indiqué une source militaire qui précise que le déploiement en force de l’armée et des FSI survient au lendemain d’une décision prise par la section Liban-Sud du Conseil central de sécurité.

 

(Lire aussi : La sécurité de Saïda à l’ordre du jour des rencontres palestino-libanaises)


Face à l’importance du cordon sécuritaire imposé en plusieurs endroits de la ville, le prédicateur a fini par faire dévier son parcours, se dirigeant dans un premier temps à la place de l’Étoile où cheikh Assir a continué de réaffirmer sa détermination à poursuivre son mouvement, jurant de ne point renoncer à ses revendications.
« Saïda est notre ville, qu’ils le veuillent ou non. Nous avons une liste de demandes qui doivent être exaucées. Sinon, ce sera l’escalade jusqu’à la mort », a menacé le prédicateur islamiste dans un message clairement adressé au Hezbollah.


Mettant en avant l’honneur de la communauté sunnite, il a affirmé qu’il ne permettra « à personne de bafouer notre dignité. Vous voulez véritablement édifier un État, commencez donc par vous rendre dans la banlieue sud pour mettre le grappin sur les criminels qui ont tué Rafic Hariri », a-t-il lancé à l’adresse des autorités, au milieu de encouragements de la foule qui scandait : « La mort est préférable à l’humiliation. »
Dans sa tirade, cheikh Assir a invité le gouvernement à envoyer l’armée aux frontières, « là où nos frères sont en train de mourir aux mains de l’armée syrienne (entendre les forces du régime), au lieu de vous immiscer dans des questions intérieures », a-t-il dit. Le cheikh s’est ensuite dirigé vers la mosquée al-Bizri, où il s’est recueilli avec ses partisans, avant de reprendre le chemin vers sa propre mosquée, Bilal ben Rabah.
Quelques mètres plus loin, une autre manifestation, organisée par le camp opposé sur une initiative du chef l’Organisation populaire nassérienne, Oussama Saad, devait avoir lieu à l’occasion de la commémoration de la mort de son père, Maarouf Saad.
Prié de commenter les mesures draconiennes prises ces deux derniers jours dans la ville de Saïda, une source militaire explique que le mot d’ordre est désormais de prévenir tout clash communautaire dans cette localité névralgique, d’autant que « cheikh Assir a une mission précise : celle d’exacerber la tension sunnito-chiite pour provoquer une zizanie ».
« Ce qui est à craindre avec ce genre de mouvement n’est pas tant le port des armes en lui-même, le dignitaire sunnite n’ayant que quelques armes personnelles, mais plutôt une montée continue de la tension communautaire et le réchauffement conséquent du front du Sud qui risque de s’enflammer d’un coup », affirme-t-on de même source.
Même son de cloche chez un autre officier informé, qui précise que « le phénomène Assir » fait craindre un effet de contagion dans le pays, la tension « pouvant rapidement se déplacer d’un endroit à l’autre et finir par gagner d’autres régions ». « Devant la recrudescence de son mouvement, les autres mouvances salafistes vont se trouver inéluctablement en concurrence avec lui et feront monter les enchères à leur tour », dit-il.
La troupe craint notamment le réveil de certaines cellules salafistes encore dormantes, dont certaines se trouvent bien implantée à Aïn el-Héloué, d’autres dans la Békaa, « voire à Beyrouth ».


Samedi, Ahmad el-Assir avait organisé une manifestation dans la cour de la mosquée Bilal ben Rabah à Saïda, au lendemain d’un mouvement de protestation vendredi dans la ville même. Vendredi soir, il avait affirmé que la manifestation de ses partisans « s’effectuera désormais au quotidien, selon une méthode d’escalade pacifique ».
C’est ce que confirme une source proche des services de sécurité qui assure que le prédicateur islamiste tient à préserver l’aspect pacifique de son mouvement auquel il n’envisage pas de mettre fin de sitôt. Dans une tentative visant à dédramatiser le mouvement parrainé par le prédicateur islamiste, on explique de même source que ce phénomène « n’est rien d’autre qu’une réaction à une situation de fait (entendre les armes du Hezbollah). Il est, de par sa nature, passager ». On ajoute, écartant la thèse d’une grave détérioration de la situation, que ni le Hezbollah ni Assir « ne veulent véritablement la confrontation ».


En attendant, la sécurité est tous les jours mise à rude épreuve dans cette ville, la patience de l’armée aussi.

 

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