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II- La peine de mort : des familles de victimes et un condamné témoignent

Les religions et la peine de mort

Les divisions ne se limitent pas aux laïques, puisque les avis divergent même au sein des communautés religieuses, notamment au niveau des deux religions chrétienne et musulmane.

Selon cheikh Mohammad Nokkari, « la peine de mort, inspirée par la Torah et le Talion, est inscrite dans le Coran : “C’est dans le Talion que vous aurez la préservation de la vie”. »

Le père Edgar Heybi, directeur de l’Institut supérieur de sciences religieuses à l’USJ, rappelle « l’enseignement de l’Église catholique sur le caractère sacré de toute vie humaine ». Il souligne cependant que « l’Église n’a jamais condamné la peine de mort en tant que telle ». « Par contre, ajoute-t-il, pour que cette peine soit considérée comme moralement légitime, les conditions sont très strictes et contraignantes ; au point que rares sont les situations où elle peut continuer à être justifiée. »
« Le droit à la vie est un droit inaliénable à toute personne humaine, poursuit père Heybi. Dieu est le maître de la vie et de la mort. Il créa l’homme à son image. Sa dignité n’est ni donnée ni ôtée pour ce qu’il fait ou ne fait pas. Dieu est sauveur : le salut dépasse tous les péchés du monde et la conversion est possible à n’importe quel moment de la vie. Par ailleurs, l’État et la société ne sont pas » propriétaires « de leurs membres, mais plutôt leurs serviteurs. Ainsi, la vie de chaque personne humaine doit être respectée en toute circonstance et en tout lieu », ajoute-t-il, avant de rappeler que « le catéchisme de l’Église catholique, rédigé sous la responsabilité du pape Benoît XVI, considère que la peine de mort ne pourrait être infligée qu’à de très rares occasions, notamment contre un » agresseur « qui continuerait d’être une menace pour la société ». Et de poursuivre : « Si les moyens non sanglants suffisent à défendre les vies humaines contre l’agresseur, à protéger l’ordre public et la sécurité des personnes, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, plus conformes à la dignité humaine. »
Le pape Benoît XVI a d’ailleurs attiré l’attention de la société sur la nécessité de faire tout ce qui est possible pour arriver à l’abolition de la peine capitale, en encourageant les initiatives politiques et législatives promues dans un nombre croissant de pays, en vue de cette abolition.

 « L’objectif du Talion est de préserver la vie »
« L’abolition de la peine de mort représente une atteinte aux fondements et aux piliers de l’islam », explique de son côté cheikh Mohammad Nokkari, juge chérié. « Si l’islam prescrit avec force le droit à la vie, il y pose néanmoins des limites, dans des situations particulières : homicide volontaire, banditisme, adultère. La peine de mort s’impose alors comme la sanction la plus à même de protéger la société. La peine de mort, inspirée par la Torah et le Talion, est inscrite dans ce verset coranique : “C’est dans le Talion que vous aurez la préservation de la vie”. (Lakom fi l kasas hayat). Ainsi, l’objectif du Talion n’est pas d’inciter à la mort, mais de préserver la vie. En éliminant leurs tueurs, d’éventuelles victimes pourraient être sauvées. »
« Toutefois, souligne-t-il, l’islam a trouvé le moyen d’alléger la punition en remettant le litige entre les mains de la famille de la victime, laquelle peut pardonner ou demander une compensation. Si la famille ne pardonne pas à l’agresseur, l’État est tenu alors d’appliquer la peine de mort. Si les parents de la victime acceptent le prix du sang (fdiya), la sanction sera alors commuée en prison. Cependant, la peine de mort doit être écartée au moindre doute. Une simple présomption n’est pas suffisante pour établir la culpabilité. Celle-ci ne peut être établie que sur la base d’une preuve irréfutable : ADN, témoignage, aveu », explique cheikh Nokkari.
Le juge chérié, qui se prononce en faveur de la peine capitale, estime que « cette peine ainsi appliquée n’est pas hors de proportion avec le crime, notamment celui perpétré contre les enfants ou qui se rapporte à la pédophilie ou l’agression sexuelle ». « Elle est semblable, affirme-t-il. Elle est conforme à ce sentiment intérieur de justice, ou d’injustice, qui nous porte à souhaiter que le “tueur” soit pris dans son propre piège et meurtri dans ses propres armes. Enfermée dans ces limites, l’application de la peine de mort est légitime. Elle n’a rien de contraire à la justice, ni de blessant pour la conscience humaine », affirme cheikh Nokkari.
En l’état actuel des choses, si la plupart des États arabes ont abandonné le système coranique pour un système plus proche des normes occidentales, la peine de mort, bien que peu appliquée, reste largement admise dans les législations nationales. Le moment n’est-il pas venu dans ces pays arabes d’abolir purement et simplement la peine de mort ?
Le père Edgar Heybi, directeur de l’Institut supérieur de sciences religieuses à l’USJ, rappelle « l’enseignement de l’Église catholique sur le caractère sacré de toute vie humaine ». Il souligne cependant que « l’Église n’a jamais condamné la peine de mort en tant que telle ». « Par contre, ajoute-t-il, pour que cette peine soit considérée comme...