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À La Une - Rencontre

Mikati à « L’OLJ » : Il n’y a pas de réel danger islamiste au Liban

Vendredi soir au Sérail. Les couloirs sont presque vides, mais le Premier ministre est encore plongé dans ses dossiers. Sur son bureau, les papiers s’amoncellent, mais Nagib Mikati reste serein. Pour lui, tout problème a une solution, et dans toute solution, il faut privilégier la manière douce et le dialogue.

Le Premier ministre libanais, Nagib Mikati. Photo AFP

Le gouvernement de Nagib Mikati doit faire face à un nouveau problème, celui de l’accusation bulgare contre le Hezbollah. Avec son calme légendaire, le Premier ministre s’étonne du tapage médiatique autour de cette histoire. Il en a suivi les détails alors qu’il était à New York, en septembre, puis en novembre lorsqu’il s’est rendu en Bulgarie. Il affirme qu’il n’y avait pas encore d’accusation contre le Hezbollah. Mais comme « gouverner, c’est prévoir », il avait étudié toutes les éventualités, bien que le Premier ministre bulgare en visite à Paris récemment ait répété que l’enquête était encore en cours.

 

Aujourd’hui, le Liban a reçu en guise de document officiel une déclaration du ministre de l’Intérieur bulgare, qui tient en une seule page et qui fait état de deux personnes suspectées d’appartenir « à l’aile militaire du Hezbollah ». Il n’y a donc pas encore d’accusation précise. S’il devait y en avoir un jour, le Premier ministre affirme que le Liban étudierait bien le dossier et chercherait à savoir si les accusés sont sur son territoire. Pour l’instant, deux noms à consonance étrangère ont été avancés. Ils lui semblent totalement inconnus. M. Mikati répète les trois constantes qui dictent sa politique européenne : préserver les bonnes relations avec l’Union européenne et notamment la Bulgarie, condamner toutes les formes de violence contre un pays et si le Liban peut faire quelque chose pour aider à découvrir la vérité, il le fera.

 

(Lire aussi : Pour l'UE, la liste terroriste est un instrument parmi tant d’autres)


À ceux qui l’accusent de laxisme avec le Hezbollah, M. Mikati répond de façon lapidaire : « Qu’ils fassent mieux lorsqu’ils seront à la tête du gouvernement. Cette fonction n’est pas éternelle, ni pour moi ni pour les autres. » Lorsqu’on lui fait remarquer que M. Saad Hariri l’a récemment critiqué à cause du fait que les quatre suspects réclamés par le TSL sont encore en liberté, M. Mikati lance : « Ce n’était pas sa position pendant les négociations dites “S-S” (Arabie saoudite et Syrie). En tout cas, j’ai la conscience tranquille et je fais de mon mieux, dans l’intérêt de mon pays. »


M. Mikati répète ce qu’il avait déclaré récemment : « S’il y a une entente sur une nouvelle loi électorale, je démissionnerai. » Il ajoute aujourd’hui : « Qu’il y ait une entente et on verra quelle sera ma position. Pour l’instant, je reste en fonction tant que j’estime ma présence nécessaire pour le pays. »


M. Mikati annonce qu’il signera le décret qui lui sera présenté le 7 mars pour la convocation du corps électoral selon la loi actuelle si une nouvelle loi n’est pas adoptée. Il rappelle que les élections sont fixées au 9 juin et que la convocation doit être faite 90 jours avant la date du scrutin. Sur la possibilité de reporter les élections, il précise que ce n’est pas lui qui prend la décision, mais le Parlement. Selon lui, les élections auront lieu à la date prévue, car même si beaucoup de parties n’en veulent pas, aucune d’elles ne peut le dire ouvertement.

Deux visites à Yarzé
Le Premier ministre rejette les critiques portées sur une éventuelle lenteur de sa part à appuyer l’armée après les incidents de Ersal. « Vendredi et samedi, je n’étais pas au Liban, déclare-t-il. Samedi, j’ai aussitôt appelé le commandant en chef de l’armée qui rentrait de Paris. Dimanche, je suis monté à Yarzé et j’ai adressé un message clair et net réclamant l’arrestation des coupables. J’ai même demandé à l’armée de traiter le dossier avec force et sagesse. Mercredi, au Conseil des ministres, j’ai donné un appui total à l’armée. Je suis le seul Premier ministre à avoir effectué deux visites au ministère de la Défense et j’ai prononcé un discours devant 500 officiers. Il n’y a aucun malentendu entre moi et le commandant en chef de l’armée. Malgré cela, on cherche à présenter les choses comme si le Premier ministre sunnite est contre l’armée. »

 

(Pour mémoire : L’affaire de Ersal racontée minute par minute par l’armée)


Il est pourtant accusé de ménager les islamistes pour des objectifs politiques ou électoraux. M. Mikati proteste, affirmant qu’il ne faut pas généraliser. « Des individus ont attaqué l’armée et ils doivent être punis, souligne-t-il. Mais cela ne signifie pas que tous les islamistes ou que tous les sunnites sont contre l’armée. Quant à la réalité islamiste au Liban, elle n’est pas, selon lui, nouvelle. Elle existe depuis des années, on a vu des cellules à Nahr el-Bared et auparavant à Denniyé. Mais mon objectif est d’absorber cette situation et de la contenir pour que la situation n’évolue pas dramatiquement. » M. Mikati précise ensuite qu’il a de bonnes relations avec toutes les communautés, les religieux sunnites, mais aussi l’Église et toutes les composantes du tissu social libanais.


À la question de savoir s’il y a ou non des organisations affiliées à el-Qaëda au Liban, Mikati répond que « el-Qaëda est un titre générique, mais ce n’est pas une organisation structurée. En d’autres termes, les fondamentalistes sont présents au Liban, mais cela ne signifie pas qu’ils sont affiliés à el-Qaëda, et jusqu’à présent, je ne crois pas qu’il existe un réel danger islamiste au Liban ».

 

Comment classe-t-il cheikh Ahmad el-Assir ? Le Premier ministre sourit et lance : « Nous préférons traiter les problèmes avec sagesse et éviter les affrontements inutiles. Qu’avons-nous donné à cheikh el-Assir en contrepartie de la levée de son sit-in ? Rien que de bonnes paroles. Mais on nous critique. Pourquoi ? Aurait-il été préférable que nous le délogions par la force et que nous fassions des victimes ? Personnellement, je préfère tant que c’est possible régler les problèmes avec sagesse et diplomatie. C’est d’ailleurs pourquoi je prône la politique de dissociation à l’égard de la crise syrienne. Cette dissociation doit s’inscrire dans l’inconscient des Libanais et devenir pour eux comme une seconde nature. C’est le meilleur moyen de protéger notre pays. »

 

(Lire aussi : Assir prêt à « recourir à la force pour mettre un terme au siège » de Ersal)

Un devoir humanitaire
Mais il y a le problème des déplacés syriens. M. Mikati est conscient qu’il s’agit d’un dossier très délicat qui exige une véritable entente chez les Libanais. « Nous avons 372 kms de frontières ouvertes avec la Syrie, comment faire pour ne pas laisser les déplacés entrer sur notre territoire ? souligne-t-il. De plus, est-il possible de ne pas accorder un asile à une femme sur le point d’accoucher, à des enfants et des malades ? Que devons-nous faire ? Les jeter à la mer? Il y a un devoir humanitaire à cet égard. »


Mais pourquoi ne pas fixer un plafond, comme la Jordanie ? « La Jordanie a le même problème que nous, répond le Premier ministre. Mais la différence, c’est que les distances entre les villages syriens et libanais sont réduites et les déplacements plus faciles, alors qu’entre la Syrie et la Jordanie, il y a beaucoup d’espace... » On reproche justement au Liban d’avoir donné la priorité à l’obtention des fonds internationaux au lieu de songer à sa capacité d’absorber un tel flot de déplacés... Une fois de plus, le Premier ministre sourit. Il précise qu’en 2012, le Liban a reçu 262 000 dollars pour les déplacés syriens. L’argent va en réalité aux ONG et aux instances internationales. Le Liban demande d’ailleurs officiellement que les donations soient directement versées au UNHCR qui, lui, les redistribue.


M. Mikati n’a aucune inquiétude quant à la possibilité qu’ils restent au Liban. Selon lui, ces déplacés vont forcément rentrer et le UNHCR l’a affirmé aux autorités.

 

(Lire aussi : « Médecins sans frontières » tire la sonnette d’alarme)


Justement, il va falloir en parler avec le président syrien, surtout si, comme on le dit, un compromis serait en vue. Or des personnalités proches du régime ont déclaré récemment que celui-ci serait mécontent de la déclaration de Mikati sur l’absence de tout contact entre lui et Assad depuis près de deux ans. « Effectivement, cela fait longtemps que je ne lui ai pas parlé, répond Mikati. Mais je fais une distinction entre mes relations personnelles et ma fonction officielle. S’il le faut dans l’intérêt du Liban, je n’ai aucun problème à lui parler. En tout cas, aucun écho sur ce prétendu mécontentement ne m’est parvenu. »

 

 

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