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À La Une - Crise

En Tunisie, le chaos...

L’assassinat de Chokri Belaïd, dirigeant de l’opposition laïque, provoque de vives tensions ; le PM annonce un gouvernement de technocrates apolitiques ; appels à une grève générale.

La foule a accompagné l’ambulance transportant la dépouille mortelle d’un des chefs de l’opposition tunisienne et avocat de métier, Chokri Belaïd (en haut à droite, dans une photo prise le 29 décembre 2010) ; un assassinat qui a provoqué des troubles aux quatre coins du pays, pendant que le président Marzouki s’exprimait devant un Parlement européen ému aux larmes... Photos Fethi Belaïd/Patrick Hertzog/AFP

Un chef de l’opposition tunisienne, Chokri Belaïd, a été tué par balles hier devant son domicile à Tunis, un assassinat qui a provoqué des manifestations de colère contre le pouvoir islamiste et de violents heurts avec la police.
Chokri Belaïd, 48 ans, critique acerbe du gouvernement, a été tué en sortant de chez lui le matin de trois balles tirées à bout portant, selon le Premier ministre Hamadi Jebali. Citant le chauffeur de la victime, le ministre de l’Intérieur Ali Larayedh a indiqué qu’un complice attendait l’assaillant pour prendre la fuite à moto. « Mon mari a été menacé plusieurs fois et avait lancé des avertissements à maintes reprises, sans résultat. On lui répondait qu’il devait assumer le fait d’être un opposant », a déclaré Besma Khalfaoui, à l’hôpital, le pantalon taché de sang. Elle et le frère de la victime, Abdelmajid Belaïd, ont accusé le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi. « Ghannouchi sale chien », a crié en larmes le père de l’opposant.
Mais M. Ghannouchi a nié toute implication, estimant que ses auteurs « veulent un bain de sang » en Tunisie. « C’est un acte de terrorisme pas seulement contre Belaïd mais contre toute la Tunisie », a lancé M. Jebali.
Ces accusations laissent craindre un nouveau cycle de violences dans un pays déjà miné par une crise politique, sociale et économique et qui peine à se relever de la révolution qui a fait chuter Zine el-Abidine Ben Ali en janvier 2011. Dénonçant un « odieux assassinat », le président Moncef Marzouki, un laïc qui entretient des relations tendues avec Ennahda, a annulé un déplacement au Caire et est rentré d’urgence de France à Tunis.

Affrontements
Après de premiers heurts le matin entre policiers et manifestants, une foule a accompagné l’ambulance transportant le corps de l’opposant qui s’est arrêtée avenue Bourguiba à Tunis devant le ministère de l’Intérieur, symbole de répression pour les opposants. « Le peuple veut la chute du régime ! » « Le peuple veut une révolution de nouveau », « Ennahda tortionnaire du peuple », ont scandé les manifestants, entonnant plusieurs fois l’hymne national. Après le passage de l’ambulance, une foule de jeunes a de nouveau attaqué la police avec des pierres. Un blindé de la garde nationale a tiré des gaz lacrymogènes alors que les manifestants ont érigé des barricades. Après plusieurs heures d’affrontements, le calme semblait être revenu en début de soirée dans le centre de Tunis, les autorités annonçant la mort d’un policier.
Ailleurs dans le pays, la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui tentaient de prendre d’assaut son siège à Sidi Bouzid, berceau de la révolte de 2011. À Mezzouna, Gafsa, Monastir et Sfax des protestataires ont incendié et saccagé les locaux d’Ennahda. À Kasserine, Béja et Bizerte, des foules criaient « Vengeance, vengeance ».
Suite au meurtre, premier assassinat politique depuis la révolution de 2011, le Premier ministre Hamadi Jebali s’est adressé à la nation dans la soirée pour annoncer qu’il formera un gouvernement de compétences nationales sans appartenance politique, déclarant : « J’ai décidé de former un gouvernement de compétences nationales sans appartenance politique qui aura un mandat limité à la gestion des affaires du pays jusqu’à la tenue d’élections dans les plus brefs délais. »

L’acte « odieux »
En signe de protestation après l’assassinat de Belaïd, quatre formations de l’opposition, le Front populaire (gauche), le Parti républicain, al-Massar et Nidaa Tounes (centre), ont appelé à une grève générale et suspendu leur participation à l’Assemblée nationale constituante. Le débrayage doit avoir lieu vendredi, jour des funérailles. Néanmoins, les syndicats des avocats, magistrats et du parquet ont annoncé qu’ils se mettaient en grève dès aujourd’hui, tout comme les enseignants de la plus grande université du pays, à la Manouba, en banlieue de Tunis.
À l’étranger, le président français François Hollande a condamné ce meurtre qui « prive la Tunisie d’une de ses voix les plus courageuses ». Les États-Unis, via leur ambassade à Tunis, ont dénoncé un « acte odieux et lâche ». L’Algérie a pour sa part « fermement condamné l’assassinat odieux ».
L’ONG Human Rights Watch a réclamé quant à elle que « les responsables de l’assassinat (...) soient traduits en justice, dénonçant un climat de violences croissantes ». Amnesty International a en outre appelé « d’urgence à une enquête indépendante et impartiale ».
Secrétaire général du parti des Patriotes démocrates, l’opposant avait rejoint avec sa formation une coalition de gauche, le Front populaire, créée en octobre 2011, qui se pose en alternative au pouvoir. Mais le poids politique de Chokri Belaïd et de ses alliés demeure une inconnue.
La Tunisie est plongée depuis des mois dans une crise politique, faute d’un compromis sur la future Constitution qui bloque l’organisation de nouvelles élections, alors que les membres laïques de la coalition gouvernementale réclament un remaniement pour retirer aux islamistes des ministères régaliens.
(Source : agences)

 

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