Depuis quelques semaines, le dossier des déplacés syriens est en tête des préoccupations politiques, officielles et médiatiques. Le gouvernement multiplie les réunions pour tenter de traiter ce dossier, la classe politique se lance allègrement des accusations sur le sujet, et les médias enchaînent reportages et analyses sur l’impact de la présence de ces déplacés sur la scène locale. Mais tout ce tapage cache en réalité la véritable crainte au sujet de l’afflux de réfugiés palestiniens venus du camp de Yarmouk. Selon les chiffres officiels, ils seraient 13 000, dont la plupart seraient des femmes et des enfants. Mais cela signifie aussi qu’il y a parmi eux des combattants qui seraient enrôlés sous la bannière du Hamas. Ces combattants seraient répartis entre les camps du Nord, de Beyrouth et du Sud, et leur présence risque de renverser le fragile équilibre qui règne dans les camps via les comités regroupant des représentants des différentes organisations. Déjà un incident sanglant a eu lieu il y a quelques jours au camp de Bourj Brajneh dans la banlieue de Beyrouth, et s’il a été rapidement circonscrit, le feu n’en continue pas moins à couver sous la cendre.
On se souvient en effet que le mouvement Hamas a tenté par le passé à plusieurs reprises de contrôler les camps, tantôt militairement, tantôt à coup d’aides sociales, éducatives et médicales. Mais il s’est toujours heurté au Fateh, implanté depuis des années dans les camps du Liban qu’il considère d’ailleurs comme une de ses principales cartes dans toute négociation avec l’État libanais. Depuis l’éclatement des événements en Syrie, les camps palestiniens du Liban sont devenus un enjeu majeur, à la fois pour ceux qui appuient l’opposition syrienne et pour ceux qui soutiennent le régime de Bachar el-Assad. Chaque partie est tentée de faire appel à ces camps pour renforcer ses positions sur la scène locale. C’est le cas notamment de cheikh Ahmad al-Assir, qui considère que le gros des troupes qu’il est en train de constituer doit venir du camp de Aïn el-Héloué et en particulier des membres de Jund el-Cham, via le frère de l’ex-chanteur Fadl Chaker, Abdel Rahmane Chmandour. Mais jusqu’à présent, les différentes organisations palestiniennes ont fait preuve d’une grande sagesse en plaçant la stabilité des camps en tête de leurs priorités et en évitant de se laisser entraîner dans la polémique intérieure libanaise au sujet du dossier syrien. Les comités de sécurité palestiniens ont donc réussi à rejeter toutes les offres qui leur ont été faites à Saïda, au Nord et à Beyrouth pour provoquer des troubles et participer à des manifestations, voire à des affrontements.
(Pour mémoire : Une situation effroyable pour les réfugiés syriens à Saïda)
Mais la situation est désormais plus complexe avec l’afflux des Palestiniens venus de Syrie qui constituent une force non négligeable et qui grossissent les rangs des partisans du Hamas. Fort de ce qu’il considère comme sa victoire sur Israël, le Hamas pourrait ainsi être tenté de faire une nouvelle tentative pour contrôler les camps du Liban. Des sources sécuritaires libanaises craignent surtout des troubles au camp de Beddaoui au Liban-Nord. Ce camp, qui est resté l’un des plus calmes du Liban à travers toutes les crises traversées par ce pays, pourrait désormais devenir une nouvelle scène d’affrontements, étant très proche du quartier alaouite de Jabal Mohsen. Même à la période sanglante des combats de Nahr el-Bared, le camp de Beddaoui avait réussi à rester à l’abri, devenant essentiellement un lieu d’asile pour les réfugiés. Aujourd’hui, des rapports sécuritaires font état de préparatifs pour entraîner ce camp dans une bataille avec Jabal Mohsen, et l’afflux de réfugiés palestiniens venus du camp de Yarmouk n’est pas pour arranger la situation, ces réfugiés étant motivés pour combattre le régime syrien et ceux qui le soutiennent. Les Tripolitains qui vivent dans l’angoisse de nouveaux affrontements, même concentrés dans certaines régions, évoquent désormais cette possibilité. Ils considèrent l’afflux de réfugiés palestiniens vers le camp de Beddaoui comme une bombe à retardement qui pourrait à tout moment embraser une partie de leur ville. Comme quoi, au Liban, un problème en cache toujours un autre.
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commentaires (4)
Ça y est, à nouveau l'Utilisation de ce Triste Bouc-Émissaire Palestinien !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
07 h 48, le 15 janvier 2013