Avec une participation à hauteur de 5 % du PIB, l’agriculture demeure inexorablement le secteur boiteux de l’économie libanaise. Aux difficultés chroniques subies par le secteur depuis des décennies sont venues s’ajouter, depuis 2011, les affres de la crise syrienne.
Malgré ces obstacles, le ministre de l’Agriculture, Hussein Hajj Hassan, a affirmé dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour avoir enregistré une croissance des exportations agricoles de 20 % par rapport à 2011. « Ces dernières ont atteint l’équivalent de 50 000 tonnes de plus que l’année précédente, a-t-il précisé, en raison notamment de la diminution de la production en Syrie. » Car malgré le contexte régional, le ministre considère toujours son plan quinquennal (2010-2014) comme « réaliste ».
Ce dernier vise principalement à augmenter la part de l’agriculture dans le PIB de 5 à 8 % d’ici à 2014. « Notre bilan demeure positif, souligne-t-il. L’augmentation du budget du ministère cette année ainsi que les subventions de l’Autorité de développement des investissements (IDAL) ont élargi nos marges de manœuvre. » Le ministère a ainsi consacré 50 milliards de livres au développement des exportations agricoles tandis qu’un accord a été signé avec les autorités jordaniennes qui s’engagent à assurer des importations régulières de bananes libanaises.
Les produits syriens
Antoine Hoyek, président de l’association des agriculteurs, souligne de son côté que certaines productions seulement ont pu tirer leur épingle du jeu. C’est le cas des exportations de pommes qui ont presque doublé. Selon M. Hoyek, cela s’explique par la baisse des prix d’achat, le kilo chutant à 600 livres en raison d’une offre supérieure à la demande. Sur la seconde moitié de l’année, les exportations de pommes de terre ont elles aussi connu une tendance à la hausse, en raison de la demande des pays du Golfe, la Syrie ne fournissant plus ces marchés. Mais pour le président de l’association, cela ne reflète pas la réalité de l’ensemble du secteur. « Les trois derniers mois de 2012 ont véritablement été catastrophiques pour les professionnels », déplore-t-il. Le président de l’association impute ces difficultés au non-renouvellement du calendrier agricole en 2012, qui taxait les produits entrant sur le marché libanais.
« Nous avons été fortement pénalisés par la concurrence des producteurs syriens », explique-t-il. En effet, la région côtière voisine, encore relativement calme, continue de produire et d’exporter vers le Liban. « Les quantités de fruits et légumes venant de Syrie ont plus que doublé cette année, poursuit le président de l’association. Les produits libanais n’ont pas été protégés face à cette concurrence du fait du non-renouvellement du calendrier agricole. » Les prix ont ainsi tous affiché des chutes drastiques. Les fruits auraient connu une baisse de 40 % en comparaison avec l’an dernier, tandis que le prix des légumes aurait diminué de moitié.
Les exportations agricoles vers la Syrie
Si les produits libanais ont bien pâti en 2012 de l’afflux de produits syriens sur le marché local, cela ne peut être expliqué par le non-renouvellement du calendrier agricole. « Il s’agit de flux qui passent par d’autres canaux que les voies réglementaires, explique Riad Saadé, président du Centre de recherches et d’études agricoles libanais (Creal). Cela est dû au chaos existant dans le pays et aux frontières, ces dernières étant ouvertes dans le sens Syrie-Liban mais fermées dans le sens inverse. Cela n’a rien à voir avec le calendrier agricole », insiste M. Saadé.
Selon le directeur du Creal, la crise syrienne a influé de différentes manières sur le secteur agricole libanais. Le Liban qui était un important fournisseur d’intrants à la Syrie (les produits nécessaires au fonctionnement de l’exploitation agricole : pesticides, engrais...) a vu cette activité fortement réduite du fait de la fermeture quasi hermétique des frontières à toute contrebande. M. Saadé estime la réduction de l’activité de ce commerce à 10 millions de dollars.
Par ailleurs, les exportations libanaises vers la Syrie, telles que les bananes, ont beaucoup souffert mais ont été compensées par l’ouverture du marché jordanien, indique le chercheur. « La crise des exportations agricoles libanaises vers la Syrie attendra que de nouveaux canaux d’écoulement se définissent en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire, d’autant que la production agricole syrienne en 2013 devrait être très déficitaire pour de nombreuses cultures, telles que la pomme de terre et les oignons », souligne-t-il. Enfin, selon le Weekly Market Watch du Crédit libanais, si le secteur agricole libanais a stagné en 2012 dans un climat de tensions frontalières entre le Liban et la Syrie, le gouvernement a lancé plusieurs projets durant l’année écoulée, reflétant la détermination du Liban à passer outre les difficultés. Parmi ces projets, celui lancé en décembre 2012 concerne la reforestation du pays qui devrait passer de 13 à 20 % d’ici à une vingtaine d’années. Le secteur agricole libanais a ainsi accaparé le plus grand nombre de prêts Kafalat, soit près de 40 % du total de ses crédits en novembre 2012.
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