Preuves à l’appui, Sakr dément toute implication militaire du courant du Futur dans la crise syrienne

Le député Okab Sakr a démonté hier point par point les allégations des médias du 8 Mars. Il a cité nommément la chaîne OTV et le journal al-Akhbar, après la diffusion d’enregistrements téléphoniques suggérant qu’il ait contribué, au nom du courant du Futur, à vendre des armes en Syrie, ce qui avait conduit la justice à se saisir du dossier en début de semaine. M. Sakr a notamment précisé que son parti n’a à aucun moment proposé de livrer ou livré des armes aux révolutionnaires syriens, et se contente d’une aide humanitaire à un peuple frère sinistré, tout comme il est catégoriquement opposé à l’envoi de combattants en Syrie. Une précision qu’il a jugée importante après l’embuscade de Tell Kalakh, avec laquelle le courant du Futur n’a rien à voir, a-t-il précisé.

Dans une conférence de presse tenue à Istanbul, Okab Sakr a parlé de « fraude » et de « machination montée de toutes pièces » contre le courant du Futur et lui-même, estimant que les enregistrements diffusés n’étaient que des fragments de propos échangés au téléphone, notamment avec Abou Naaman, l’un des porte-parole d’un groupuscule de révolutionnaires syriens, au sujet des Libanais chiites détenus en Syrie, il y a sept mois – soit juste après le rapt des pèlerins. Des fragments de longues conversations qui « ont été volées de son ordinateur », puis qui ont subi un « montage spécial » dans le cadre d’une tentative visant à le faire passer pour un trafiquant d’armes en direction de Damas. Cependant, le député de Zahlé a exposé l’une après l’autre les bandes originales des conversations intégrales, dans leur état originel avant montage, dont il possède « plusieurs copies » qu’il souhaite remettre à la justice.
Il s’est notamment lancé dans une attaque politique virulente contre l’ancien directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed, le responsable de la sécurité du Hezbollah, Wafic Safa, et le député Michel Aoun, conseillant au passage à la OTV et al-Akhbar de « troquer leurs reporters contre des avocats, parce qu’ils vont en avoir besoin ».

Une affaire de vol
Okab Sakr a d’abord évoqué la « campagne politico-médiatique, doublée d’un aspect militaire », qui a été menée contre le courant du Futur et lui-même « de manière à entamer, avec un certain succès, la crédibilité du courant au sein de l’opinion publique ». « On a presque réussi à me faire passer pour un vagabond traqué à travers le monde avec l’Interpol et la planète entière à mes trousses... » a-t-il indiqué. « Le Parlement syrien s’est réuni pour dénoncer l’acte terroriste criminel que j’aurais commis, affirmant qu’il allait me poursuivre devant la justice syrienne et internationale. Je suis content du fait que la Syrie d’Assad ait pour la première fois décidé de s’en remettre à la justice. Elle n’en a pas l’habitude, comme nous le savons bien : au Liban, nous continuons à vivre au milieu des voitures piégées et sommes continuellement témoins des crimes commis contre le peuple syrien au nom de la Syrie d’Assad. Je défie donc le Parlement syrien d’avoir recours à la justice, mais je doute qu’il le fasse. Vous n’allez plus en reparler, de cette affaire ; c’est un défi que je vous lance, a-t-il lancé aux parlementaires syriens. Je défie tous ceux qui ont initié le débat d’en reparler et d’assurer un suivi de l’affaire jusqu’au bout. Vous allez vous en mordre les doigts et ravaler votre bagout ! » a affirmé d’emblée le député.

(Pour mémoire : Affaire Okab Sakr : la justice entre en scène)

« On a dérobé des enregistrements vocaux et vidéo, ainsi que des photos de mon ordinateur. Nous avons su comment cette opération s’est déroulée. Les voleurs possèdent actuellement plus de 500 minutes d’enregistrement, dont 109 environ qui me concernent. Ils possèdent également des enregistrements vidéo et des photos dont la plupart ont été exposés », a expliqué M. Sakr, faisant état d’une « campagne médiatique, politique, sécuritaire et militaire d’une férocité inégalée dans l’histoire du Liban et du monde arabe », qu’il a liée aux derniers affrontements de Tripoli. « Si bien que certains, notamment à la télévision syrienne, ont été jusqu’à suggérer qu’il faille m’assassiner et m’ont qualifié de “ cadavre ambulant ” », a-t-il souligné.

Le premier enregistrement
Okab Sakr a ensuite diffusé un par un les enregistrements, démontant les allégations avancées par les médias du 8 Mars. Dans cet enregistrement, le dénommé Abou Naaman d’Alep, dit « Abou Talal », se présente comme un responsable dans l’affaire des pélerins chiites capturés en Syrie, soulignant que « toute solution passe nécessairement par lui ». « Nous voulons du plomb », poursuit-il, une allusion que Okab Sakr ne comprend pas. « Que voulez-vous dire ? » rétorque le député de Zahlé. Abou Naaman s’explique et demande clairement des armes. Réponse de Okab Sakr : « Je veux juste que cette affaire soit réglée. Je suis de tout cœur avec la révolution, mais je n’ai aucune capacité en matière d’armement. Je ne peux rien vous promettre qui soit au-delà de mes capacités. Je peux collaborer avec vous de manière à résoudre cette affaire d’une manière qui puisse nous rendre service à tous les deux et empêcher une discorde confessionnelle. » Le député réclame également des preuves attestant que les otages sont encore vivants, mais Abou Naaman revient à la charge : « Vous nous donnez du plomb et l’on vous rend vos gens sains et saufs. Il n’y a pas de meilleure solution. » Et d’ajouter : « Nous ne voulons ni des fonds ni des postes. Nous voulons un peu de soutien pour en finir. Vous avez bien vos relations avec cheikh Saad Hariri, l’Arabie saoudite et le Qatar. Ne pouvez-vous pas nous donner quelques fusils pour que nous puissions nous défendre ? » Réponse de Okab Sakr : « Je peux vous offrir de l’argent, des aides humanitaires et médicales, mais pas des armes. Cela ne sert à rien de me sortir toute la symphonie sur l’Arabie, l’Amérique, Saad Hariri, Israël, l’impérialisme et le Qatar. (...) Nous n’entrerons pas dans la question des armes et nous n’en avons pas. Nous pouvons vous mettre en relation avec l’Armée syrienne libre ou l’opposition syrienne. » Une position qu’il répétera ensuite à un autre révolutionnaire, qui s’invite dans la conversation, lui détaillant les armes réclamées par son groupe, et qui lui glisse : « Vous savez où vous devez nous livrer les armes, comme d’habitude. » Ces propos, repris par le 8 Mars, ont été tirés de leur contexte, affirme Okab Sakr, selon qui les faussaires ont cru qu’en volant les bandes originales, le député n’aurait pas les copies des conversations pour rectifier le tir. Il a souligné qu’il possédait, au grand dam des voleurs, plusieurs copies des bandes intégrales et qu’il était prêt « à les remettre aux plus grands laboratoires du monde pour qu’elles soient authentifiées ».

Le deuxième enregistrement
Le deuxième enregistrement aussi a subi un montage dans les médias du 8 Mars, précise Sakr. Le groupuscule révolutionnaire réclame, au téléphone, du « soutien » car « la situation empire ». Or Okab Sakr affirme, dans le cadre de l’échange téléphonique, qu’il est question de « lait pour les enfants, de couvertures et d’aide médicale qui seront assurés au plus vite ». Passage qui a été occulté par les médias du 8 Mars. Et le député de Zahlé de commenter : « Oui, nous assurons du lait pour les enfants. Il s’agit effectivement d’une arme terroriste, dans la mesure où Bachar el-Assad noie les enfants syriens dans le sang. L’axe du mensonge et ses féaux au Liban veulent noyer les enfants syriens dans une mare de sang. J’avoue que j’ai envoyé des couvertures et des tentes (...), j’avoue avoir aidé à reconstruire certains immeubles à Homs pour pouvoir abriter les familles syriennes, sur incitation et financement de Saad Hariri – ce criminel qui a voulu aider les enfants et les femmes de Syrie – et, durant la dernière période, de Bandar ben Sultan et de Abdallah ben Abdel Aziz. Traînez-les donc en justice ! Pendez-moi, puisque j’ai mis en place cette cellule terroriste, ô vous qui êtes devenus la risée des nations, le “front du refus” (moumanaa) dont tous les peuples se moquent aujourd’hui, les “gens honorables” que l’honneur refuse désormais de reconnaître... (...) Vous êtes des faussaires, tout en vous est duperie et mensonge : votre guerre, vos médias, votre moumanaa, votre existence même. Dorénavant, on vous appellera le front de la duperie, les forces et les médias du “8 qui mentent et nous font marcher”, et non plus du 8 Mars. »

Jamil Sayyed
Okab Sakr s’en est ensuite pris à Jamil Sayyed, qui avait prétendu que le député de Zahlé affirmait, dans l’une des bandes audio, que « chaque roquette doit abattre un avion ». « Je défie Sayyed, al-Akhbar et son directeur Ibrahim el-Amine, ceux au sein des services de sécurité qui ont volé ces bandes, l’ensemble du front de la moumanaa, le Parlement des marionnettes syriennes, ainsi que le président-boucher syrien d’exhiber cette bande sonore. Sinon, qu’ils me retrouvent devant les tribunaux », a affirmé Okab Sakr. Et de poursuivre : « Cher Jamil, vous êtes un homme des services de renseignements, et je vous pensais intelligent. Vous avez entendu ces enregistrements stupides (...). J’ai bien dit à mes amis au téléphone qu’“on nous avait pris la main dans le sac”, comme vous dites. Je le leur ai dit pour vous enfoncer encore plus, pour prouver votre stupidité et l’ampleur de votre arnaque. J’ai appelé exprès des amis à la New TV et à la Future pour qu’ils contactent à leur tour al-Akhbar et lui demandent comment Jamil Sayyed et Michel Aoun avaient bien pu m’attraper “la main dans le sac”... Je vous ai mené en bateau. J’ai voulu montrer comment vous vous livrez à des assassinats politiques, qui ouvrent la voie à des assassinats réels. » Le député de Zahlé a ensuite ouvertement accusé M. Sayyed d’avoir « participé, planifié, organisé, fabriqué et couvert ces bandes tronquées », qualifiant au passage la OTV et al-Akhbar de chabbiha des médias libanais et se moquant du général Aoun.

Wafic Safa
Okab Sakr n’a pas épargné non plus le responsable de la sécurité du Hezbollah, Wafic Safa. « Je sais que Wafic Safa a contacté le général Osman des services de renseignements des FSI et lui a dit : “Nous possédons des enregistrements condamnant Okab Sakr, et nous voulons les diffuser et semer la discorde. Il faut régler le problème avec Saad Hariri”. Nous avons répondu que nous n’avions honte de rien. Nous avons donc reçu ultérieurement le message par le biais des médias. Cher Wafic Safa, n’avez-vous pas écouté ces bandes ? Si vous en avez été dupe, cela signifie que vous devriez être démis de vos fonctions ou que vous devriez démissionner. Vous n’êtes pas digne de tenir la sécurité de la résistance, puisque vous êtes capable de vous faire avoir par ce genre de stupidités. Et si vous n’êtes pas dupe, cela signifie-t-il que vous êtes complice ? Une question que nous adressons au Hezbollah. » « Ils sont stupides, criminels et tellement pressés de tuer moralement et physiquement... » a poursuivi Okab Sakr, affirmant qu’il avait également joué un tour au 8 Mars à l’antenne de la Future lors de l’interview menée il y a quelques jours par Paula Yacoubian, en répondant d’une manière ambiguë à une question relative au trafic d’armes. « Vous avez foncé tête baissée dans le piège que je vous ai tendu. Je savais que vous aviez volé ces données et que vous alliez les utiliser contre moi. Je voulais que vous le fassiez pour que vous vous couvriez de ridicule », a-t-il souligné. « Ceux qui se sont livrés à cette arnaque ne sont pas des “gens honorables”, pour reprendre l’expression de sayyed Hassan Nasrallah, mais des gens stupides, vils, bas, des menteurs. Qu’avez-vous fait ? Aveuglés par votre stupidité et votre haine, vous êtes tombés dans mon piège et vous ne vous en relèverez pas ! Si vous voulez le faire, cessez de creuser votre propre tombe. Mais vous ne le pouvez pas, et vous continuerez à vous enfoncer! » a-t-il noté. Okab Sakr a ensuite indiqué qu’il plaçait toutes ces informations sur Sayyed et Safa entre les mains de Hassan Nasrallah.

Il s’en est ensuite pris avec virulence aux « ulémas dits musulmans » qui l’ont accusé, dans un communiqué, d’avoir lui-même participé à l’enlèvement des pèlerins chiites. « Nous savons que ces ulémas sont au service de leur maître, le Hezbollah », a-t-il souligné.

Tentative de meurtre en Turquie
Okab Sakr a également diffusé l’intégralité d’un troisième puis d’un quatrième enregistrement tronqué, avec le même Abou Naaman, dans lequel le député de Zahlé demande notamment au porte-parole d’ « en finir avec la situation » en Syrie. Encore une expression sortie de son contexte et interprétée sous l’angle militaire par les médias du 8 Mars, selon Sakr, alors qu’il était question, comme le prouve l’enregistrement, de régler la question des pèlerins chiites. D’autant que, dans le même enregistrement, Okab Sakr affirme qu’il est hors de question de donner des armes à ce groupe de rebelles en échange des otages. Par ailleurs, le député de Zahlé s’est interrogé de savoir comment il pourrait demander au porte-parole d’un simple petit groupuscule « d’en finir avec la situation » militaire. « Ce n’est pas l’ALS et Riad el-Assaad qui étaient au bout du fil », a-t-il dit.

Okab Sakr s’en est par ailleurs pris à ceux qui l’attaquent sous l’angle de son appartenance à la communauté chiite et qui voudraient le bannir de la communauté. Il a également accusé ceux qui sont à l’origine de cette fraude d’avoir « entamé la crédibilité » de Hassan Nasrallah et de lui avoir par conséquent « porté atteinte ». Il s’est également prononcé contre l’envoi de combattants libanais en Syrie, soulignant que le courant du Futur n’a rien à voir avec le piège tendu à Tell Kalakh.

Il a enfin révélé que le régime syrien avait envoyé des tueurs pour l’assassiner en Turquie, mais qu’il ne craint pas la mort. « Une bande manipulée ne suffit pas pour abattre Saad Hariri et pour m’abattre. Vous aurez besoin d’une charge encore plus importante que celle que vous avez utilisée pour tuer Wissam el-Hassan », a-t-il dit, rendant hommage à la mémoire du brigadier. « La révolution syrienne va triompher et notre relation avec elle est profonde, nous en sommes honorés. Nous conseillons à Bachar el-Assad de se rendre au Venezuela. Même lui, nous ne souhaitons pas qu’il meure. Nous voulons la paix », a-t-il conclu.

Lire aussi

Sleiman à Athènes : Le Liban doit rester à l’écart des retombées de la crise syrienne

Les violences reprennent de plus belle à Tripoli

Hariri : « Le soutien au peuple syrien se poursuivra »