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« Un morcellement de la RDC toucherait la moitié des pays d’Afrique noire »

Soulagée, Goma voudrait enfin « la paix »

Des policiers congolais ont repris possession de leur caserne à Goma. Leur mission est de sécuriser la ville avant le retour programmé de l’armée. Goran Tomasevic/Reuters

Sur un marché de Goma, Angéline se dit « contente » du départ des rebelles du M23. Mais elle est aussi pleine d’appréhension : elle connaît l’armée régulière, prête à revenir, et ses pratiques d’extorsion. Avec le départ des rebelles de Goma, Angéline, vendeuse de chaussures de 25 ans, espère que les affaires « vont reprendre ». Ces derniers jours, elle fermait son stand deux heures plus tôt que d’habitude, par manque de clients. Avec le M23 en ville, accusé de pillages, l’activité économique s’était tarie, l’argent manquait, certains commerçants avaient même préféré fermer. Samedi, alors que les rebelles quittaient leurs positions à Goma – poste-frontière, Banque centrale... – et se mettaient en route vers leurs positions initiales au nord de la ville, d’autres habitants affichaient leur satisfaction, accusant les rebelles de se retirer avec des véhicules volés.
Allongée sur son étal vide, sur le marché de Kadeco, Angéline ne se fait cependant pas trop d’illusions : elle se souvient qu’avant son départ de la capitale de la riche province du Nord-Kivu, tombée aux mains des rebelles le 20 novembre, l’armée de RDC, les FARDC, menait aussi la vie dure aux habitants. « Si vous les rencontriez en chemin, ils avaient l’habitude de vous intimider et de vous demander de l’argent », raconte-t-elle. « Bien sûr qu’on est un peu inquiet, mais on attend », poursuit-elle. « Ce qu’on veut, c’est la paix. » Depuis de nombreuses années, le Nord-Kivu vit au rythme de rébellions et milices qui, comme l’armée régulière, sont accusées de multiples exactions contre les civils. En 2008, une précédente rébellion du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP), menée par Laurent Nkunda et dont les M23 sont les héritiers, avait déjà fait trembler Goma. Elle s’était arrêtée aux portes de la ville. « On a passé une semaine avec le M23 », dit à son tour un pasteur de Goma. « Quand les FARDC vont arriver ici, ils vont dire qu’on les a accueillis et ils risquent de se venger sur les citoyens », lâche-t-il dans un soupir. « Il faudrait une force neutre, ni M23 ni FARDC, qui soit en ville le temps qu’ils trouvent un accord. »
Un représentant de la communauté hutue de Goma affirme par téléphone que les rebelles, pour la grande majorité des Congolais d’ethnie tutsie rwandophones, se sont rendus coupables d’exactions, « en particulier » contre sa communauté. Depuis la prise de Goma par le M23, il osait à peine sortir de chez lui. Sa nouvelle crainte est d’assister à un retour violent de l’armée : « S’ils arrivent à Goma en colère, ils vont nous piller sur leur passage, se retourner contre la population. » Son seul espoir est que le nouveau chef de l’armée de terre, le général François Olenga, qui a promis à la mission de l’ONU en RDC (Monusco) de poursuivre les coupables de violations des droits de l’homme, mette « un peu d’ordre » dans une armée largement décrite comme « indisciplinée ». « S’ils reviennent, on veut qu’ils changent », renchérit Désiré, un Congolais rwandophone de 48 ans.
La Monusco n’a pas prévu de renforcer ses dispositifs de protection des civils. « On a suffisamment de personnels à Goma », explique Madnodje Mounoubai, son porte-parole. La force compte près de 1 600 soldats à Goma. Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) dit tout de même avoir organisé des sessions de sensibilisation auprès des différentes parties au conflit pour éviter que les populations ne soient victimes d’exactions. « Quand il y a des mouvements de troupes, il y a toujours des craintes » de déplacement de population, confie une source onusienne, ajoutant que les FARDC, quand ils reprennent le contrôle de zones, ont tendance à penser « que ceux qui sont restés (sur place) ont collaboré avec l’ennemi ».
Le retour de l’armée régulière à Goma était programmé hier. Quelques centaines de policiers congolais sont déjà arrivés sur place. Leur mission est de « sécuriser » la ville après le repli des rebelles. Debout devant un poste frontalier, l’un d’eux, Julien Mwami, explique que les forces de police ne tourneront pas à leurs pleines capacités avant plusieurs jours, mais affirme qu’elles essaient de rassurer la population. « Pour le moment, nous essayons juste de montrer à la population que nous sommes de retour, pour qu’elle se sente en sécurité », dit-il en tripotant une balle de kalachnikov.

©AFP
Sur un marché de Goma, Angéline se dit « contente » du départ des rebelles du M23. Mais elle est aussi pleine d’appréhension : elle connaît l’armée régulière, prête à revenir, et ses pratiques d’extorsion. Avec le départ des rebelles de Goma, Angéline, vendeuse de chaussures de 25 ans, espère que les affaires « vont reprendre ». Ces derniers jours, elle...