Rechercher
Rechercher

À La Une - En dents de scie

Carbone 14

Quarante-sixième semaine de 2012.


Vue de Beyrouth, la soap-farce UMP qui s’étend et se répand depuis six jours aux quatre coins de France et de Navarre a quelque chose de pathétique. De jubilatoire, aussi : il n’y a pas qu’au Liban que le ridicule ne tue (mal)heureusement pas. Gabriel Murr et Myrna Murr Aboucharaf tiennent, dix ans plus tard, leur revanche, glacée, contre tous ceux, des centaines de milliers, qui s’étaient moqués d’eux le soir même de l’élection partielle du Metn en 2002 : l’oncle et la nièce et leurs partisans respectifs s’étaient alors entre-déchirés sur la place publique avant que le frère du premier et père de la seconde ne vienne, Don Corleone de petit théâtre, jouer de ses muscles et museler ces petites brises pré-14 Mars que le patriarche Sfeir avait déjà commencé à faire souffler sur tout un peuple. Jubilatoire, mais tellement pathétique : à l’heure où François Hollande, génial et visionnaire ou bien Mitterrand de troisième zone, et le PS tiennent pratiquement tout l’Hexagone (exécutif, législatif, régions, municipalités, etc.), le besoin en France d’une opposition solide, forte et efficace n’a jamais été aussi impérieux – d’une opposition républicaine, naturellement.
Il y avait pourtant quelque chose, encore, de jubilatoire et de pathétique dans le duel franchement chorégraphié entre Jean-François Copé et François Fillon. Ces deux clichés partis en guerre le soir même de la défaite de Nicolas Sarkozy pour s’accaparer la tête d’un UMP prétendument orphelin et arriver en tête des starting-blocks pour les primaires de 2017 ; deux clichés, deux ego tellement monumentaux (ce Sarkozy a enfanté des monstres qui l’ont relégué loin derrière...) qu’ils en deviennent bigger than life. Le relais de chasse en Sologne vs le loft pseudobobo place Saint-Sulpice ; le taiseux quasi-sphinx vs le tribun un peu histrionique ; les chaussettes rouge cardinal vs le blazer Zadig & Voltaire; la très Downton Abbey Penelope Clarke Fillon vs la très je-suis-Kabyle-et-comtesse Nadia Hamama de l’Orne d’Alincourt Copé, etc. : les électeurs UMP ont voulu le rouge et le noir. Sachant pertinemment que ces deux-là ne s’épouseraient jamais. Sachant pertinemment que même sous la torture, ni Jean-François Copé ni François Fillon ne céderaient la moindre once du steak. Sachant pertinemment que le spectacle qu’ils offriraient à la France et au monde vaudra tous les psychodrames mi-égyptiens, mi-mexicains du monde.


Ils n’ont pas été déçus. Même dans la plus obsolète des républiques bananières, les choses n’étaient pas tombées si bas, le degré zéro de la politique approché d’aussi près. Littéralement (en)glués, qui à ses 98 voix d’écart, qui aux électeurs de Nouvelle-Calédonie, Jean-François Copé et François Fillon sont depuis une semaine dans une obscénité pure. François Hollande s’en réjouit – il en profitera probablement (très) longtemps : quand ce n’est plus un individu mais un collectif qui s’écroule, les plaies ne sont jamais vraiment cicatrisées. Nicolas Sarkozy s’en réjouit aussi, bien sûr, même s’il sait que ce 17 novembre 2012 a réussi à ressusciter, hiératiques, une immense partie des vertus de ce chiraquisme qu’il croyait avoir définitivement enterré.


Et hop : Alain Juppé est parachuté sous les spots ; Alain Juppé frappe du poing sur les tables ; Alain Juppé s’improvise pion, juge pour enfants, arbitre de Tour de France sous emprise Armstrong. Alain Juppé en architecte d’une UMP-champ de ruines; Alain Juppé-le meilleur d’entre nous, répétait Jacques Chirac. Mais qu’est-ce qu’il peut faire, Alain Juppé, l’un des deux plus brillants esprits de France avec Laurent Fabius ? Accoucher à lui tout seul d’un Taëf, d’un Doha pour une UMP atteinte de cannibalisme aigu et désormais divisée par une ligne de démarcation plus infranchissable encore que celle qui séparait Beyrouth en deux pendant la guerre civile libanaise ? Imposer un miracle? Mieux que tout autre, Alain Juppé sait que l’homme-providence n’existe pas ; que Copé n’abandonnera son minitrône pour rien au monde ; que Fillon ne s’en ira pas se battre pour succéder à Bertrand Delanoë à la tête de la mairie de Paris ; que Nicolas Sarkozy ne reviendra pas avant 2017 ; que Jacques Chirac s’en fout, et que personne ne lui proposera cette place censée pourtant lui revenir de facto : la présidence de l’UMP.


Pauvre UMP. La voilà aujourd’hui catapultée à la deuxième place du classement des oppositions les plus sottes du monde. Juste derrière l’Alliance du 14 Mars. Qui réussit pour l’instant à garder la palme malgré le fait qu’à son crédit, l’opposition libanaise se bat, elle, contre les milices en tee-shirt noir et en cravate orange du Hezbollah et du CPL.
La course est pourtant hyperouverte. Les paris aussi. Pathétique, mais jubilatoire pour peu que l’on soit un peu joueurs : en 2013 et en 2014, des échéances électorales capitales attendent les oppositions française et libanaise.

 

Lire aussi

Juppé, Casque bleu de l'UMP

Quarante-sixième semaine de 2012.
Vue de Beyrouth, la soap-farce UMP qui s’étend et se répand depuis six jours aux quatre coins de France et de Navarre a quelque chose de pathétique. De jubilatoire, aussi : il n’y a pas qu’au Liban que le ridicule ne tue (mal)heureusement pas. Gabriel Murr et Myrna Murr Aboucharaf tiennent, dix ans plus tard, leur revanche, glacée, contre...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut