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À La Une - Exposure 2012

Neuf talents émergents s’affichent au Beirut Art Center

Le Beirut Art Center n’en finit pas de défricher les nouvelles scènes artistiques contemporaines. Sa cuvée 2012 d’Exposure présente neuf artistes dont le potentiel mérite d’être mis en lumière.

Mohammad Hafeda analyse la figure du mokhtar dans la société beyrouthine.

Comme intitulé à sa manifestation dédiée aux nouveaux talents émergents, le Beirut Art Center a choisi le mot « Exposure ». Ce qui donne, en français, exposition. Mais aussi révélation, divulgation. Une façon, donc, d’attirer l’attention du grand public, des connaisseurs et des médias à de nouvelles signatures.
Il s’agit là de la quatrième édition d’« Exposure », organisée pour la première fois en 2009. Elle présente neuf artistes sélectionnés par un jury rotatif pour chaque édition. Celui de cette année était formé par la curatrice Amanda Abi Khalil et les artistes Gilbert Hage, Jannane al-Ani et Khalil Rabah. Dont les votes sont venus s’ajouter à celui du comité de direction du BAC.


Il est important de souligner que les organisateurs ne visent pas à dresser un état des lieux de l’art au Liban. C’est une manière de mettre en avant des artistes encore peu connus ou pas assez reconnus, dont le potentiel mérite d’être mis en lumière. Un beau mélange représentatif des arts de la photographie, de la vidéo, de la peinture, de la fresque, de l’installation, du dessin et de la performance. Parmi les thèmes abordés : les relations entre la mémoire et la matière, l’instabilité politique et l’insécurité sociale, les travailleurs migrants et les droits de l’homme.


George Awde a fait ses beaux-arts au Massachusetts College of Art et a obtenu un master en photographie de la Yale University School of Arts. Il a reçu de nombreux prix dont le Aaron Siskind Foundation’s Individual Fellowship (2012) et le Philadelphia Museum of Arts Photography portfolio competition (2012). Ses œuvres ont été exposées récemment à la biennale d’Istanbul et à l’Institut du monde arabe de Paris. Il expose ici des photographies de la série « Shifting Grounds ». « C’est un extrait nuancé d’un plus grand projet visant à capturer des espaces homosociaux tenant lieu d’échappatoire, conférant une certaine sécurité, une appartenance, de l’espoir et de l’instabilité autant à travers les frontières géographiques que sociales », indique l’artiste.


Les photographies illustrent ainsi les relations et les amitiés viriles entre les travailleurs migrants au Liban, notamment ceux de nationalité syrienne. « Ce travail considère à la fois le désir personnel et le conflit politique. Le corps du mâle arabe n’a pas seulement été politisé. Il est également devenu symbole de la terre, de la nation et de différentes idéologies. »
Caline Aoun est une ancienne de la Central Saint Martins (2005) et de la Royal Academy Schools (2009) de Londres. Elle présente là une œuvre conceptuelle et minimaliste, une œuvre caméléon intitulée « Beirut Art Center Square Meter ». Caméléon car elle s’inspire directement du lieu où elle est exposée. Elle en reproduit les textures, le feeling, le visuel. « Cette œuvre est empirique et circonstancielle, dit-elle. C’est le résultat d’une expérience cumulative concernant la nature et l’architecture du BAC étant une ancienne usine de meubles. »


Concrètement, elle a pris comme matière première de la pulpe de papier recyclé versé dans des moules à silicone réalisés sur le modèle du sol rêche et inégal du BAC. Le papier, ayant l’aspect brut du sol, est alors découpé en losanges ou carrés, puis appliqué sur les cimaises.
Le tout présente une réflexion sur les paradoxes, la transition matérielle du sol vers le mur, et le passage du temps...

Un mur noirci à la chaux
La peinture à fresque (« a fresco » selon le terme italien) est la spécialité de Chafa Ghaddar. Cette ancienne de l’ALBA (2007) a perfectionné sa technique à Florence, en Italie. « Project Spectrum » évoque le souvenir de la maison natale, cette maison qui abrite ses mémoires d’enfance. En 1985, elle a été en proie à un feu dévastateur. Depuis, entre humidité et érosion naturelle, elle périclite doucement. Le mur « travaillé » par Ghaddar au BAC, noirci, perforé, taillé et brûlé, à l’image de l’autre, est le témoin vivant de cette dégradation constante et massive.


« La fresque est une technique de peinture murale exécutée sur un enduit frais, constitué de chaux et de sable. Les couleurs appliquées sont des pigments délayés dans de l’eau. Personnellement j’utilise des pigments d’origine minérale (argile, silicates). » Quoi qu’il en soit, le rendu final est épatant d’authenticité. À croire que ce gigantesque mur a été carrément transporté d’une demeure vétuste et croulante et amené à être exposé au milieu des murs éclatants de blancheur du BAC.


Le projet vidéo-installation de Mohammad Hafeda intitulé « The Chosen Two » met en parallèle deux mokhtars. Le premier, le mythique, celui de l’inoxydable série al-Dounia Heik (rôle joué par Mohammad Chamel au temps d’or de Télé Liban), et un moukhtar de la région d’al-Mazraa.


Hafeda, artiste, designer et architecte vivant et travaillant à Londres où il complète ses études de PhD en design architectural au Bartlett School of Architecture, University College London, précise que ses recherches actuelles évoluent autour de la négociation des espaces de conflits politico-sectaires et la réciprocité entre les frontières du matériel et de l’immatériel dans la ville de Beyrouth. « Le mokhtar occupe une double position très intéressante dans la société libanaise, précise l’artiste. Il est à la fois représentant de l’État au niveau du voisinage et représentant du voisinage au niveau de l’État. » Le mokhtar de la télévision est un personnage empreint de sagesse qui s’engage à résoudre les problèmes des gens avec une impartialité légendaire. Cette série télévisée a cependant masqué les divisions communautaires qui enflammaient la rue durant les années 70 et 80. Chaque épisode se terminait par une question posée au mokhtar lequel y répondait par des formules de sagesse conclues par l’inévitable « el-dounia heik » (Ainsi va la vie). Un projet qui évoque les conflits récurrents dans la ville de Beyrouth, le passé et le présent, la fiction et le réel, la division de Beyrouth, les haines fratricides...


Parmi les exposants également Kinda Hassan (une boîte à merveilles qui laisse perplexe), Joumana Anjali Itani et ses œuvres faites à partir de la cendre de pneus, Ilaria Lupo (et sa performance sur un site de construction panoramique à Mar Mikhaël), Hayat Najm (dessins d’objets familiers représentant son enfance) et Graziella Rizkallah Toufic qui donne à voir une vidéo d’animation de deux minutes.

* « Exposure 2012 », jusqu’au 23 janvier, au Beirut Art Center, Jisr el-Wati.

Comme intitulé à sa manifestation dédiée aux nouveaux talents émergents, le Beirut Art Center a choisi le mot « Exposure ». Ce qui donne, en français, exposition. Mais aussi révélation, divulgation. Une façon, donc, d’attirer l’attention du grand public, des connaisseurs et des médias à de nouvelles signatures. Il s’agit là de la quatrième édition d’« Exposure »,...

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