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À La Une - Éclairage

Le double piège de Saïda

En dépit de la décision du Conseil des ministres et de celle du Conseil supérieur de la défense d’envoyer l’armée sur place, la ville de Saïda reste sur le qui-vive. Entre les projets de cheikh Ahmad al-Assir et la tension dans les camps palestiniens à cause notamment de la guerre à Gaza, Saïda retient donc son souffle. L’armée libanaise s’est pourtant déployée dans la ville et ses environs. Une unité (environ 500 hommes) a même été envoyée en renfort alors que près de 140 membres des FSI ont été placés à la disposition de l’armée. Une source militaire révèle à L’Orient-Le jour que les instructions de l’armée sont très strictes : il n’est pas question de laisser fermer des routes dans la ville ou dans ses environs, ni d’autoriser les apparences armées. L’armée s’est ainsi engagée à maintenir ouverte la route du Sud, vitale aussi bien pour les habitants de cette région que pour les contingents de la Finul. Toutefois, si, selon ses proches, cheikh al-Assir aurait renoncé à annoncer, hier, la formation de « son mouvement armé de résistance », le projet est toujours à l’ordre du jour et les derniers développements à Gaza sont de nature à le rendre encore plus d’actualité. La source militaire craint ainsi que dans la foulée des protestations contre l’agression israélienne à Gaza, cheikh al-Assir, ou une organisation palestinienne, décide de lancer une roquette contre le nord d’Israël à partir du Liban, compliquant encore plus la situation dans ce pays, et au Sud en particulier. L’armée compte donc multiplier les barrages et les patrouilles dans la ville et ses environs pour éviter tout débordement inopportun. Elle a toutefois le sentiment que « l’affaire el-Assir » est bien plus qu’un simple phénomène de protestation contre une situation donnée. Elle pourrait en réalité cacher un véritable plan de déstabilisation du Liban.


Une source palestinienne révèle ainsi que depuis quelque temps déjà, cheikh Ahmad al-Assir se propose de former un groupe armé officiellement destiné à être « le mouvement de résistance des sunnites » en opposition à ce qu’il appelle « le parti de la résistance chiite ». Ce projet est né après l’échec des autres tentatives du même genre qui se sont essentiellement déroulées au Nord. Cheikh al-Assir aurait déjà recruté à cet effet 300 hommes armés et entraînés. Certains sont originaires du Nord et de la Békaa, mais le gros de ses troupes est palestinien. Il s’agit en général de membres de l’organisation islamiste « Jund ech-Cham », dont le frère de l’ex-chanteur et ami de cheikh al-Assir, Fadl Chaker, le dénommé Abed Chmandour, est le responsable.


Selon la source palestinienne, le jour de l’incident qui a coûté la vie aux deux partisans de cheikh al-Assir, ce dernier a distribué des armes (des fusils de francs-tireurs et des mitraillettes) à ses hommes, et Fadl Chaker a demandé des renforts aux Palestiniens du camp de Aïn el-Héloué. Mais ces derniers n’ont pas véritablement répondu à cet appel, restant encore prudents sur la volonté de s’impliquer dans un nouveau conflit à Saïda. Ils seraient d’ailleurs actuellement soumis à de fortes pressions pour changer leur position et les événements de Gaza pourraient les pousser à franchir un pas dans cette direction.

 

La source palestinienne précise aussi que l’objectif de cheikh al-Assir, en voulant empêcher les partisans d’Amal et du Hezbollah d’accrocher des banderoles à l’occasion de la « Journée du martyr du Hezbollah » et de Achoura, comme ils le font chaque année, était peut-être de provoquer une discorde confessionnelle entre sunnites et chiites, surtout entre Saïda et Haret Saïda (dont fait partie le quartier al-Taamir qui regroupe, selon les listes électorales, 6 000 électeurs chiites qui votent en général en faveur de Oussama Saad).

 

Le conflit aurait abouti à la création de lignes de démarcation entre les deux parties de la ville. Ce plan, qui constituait en fait un piège pour la ville de Saïda et pour ses habitants dont la grande majorité aspire au calme, a été avorté par la réaction des autorités qui se sont rendues sur place pour tenter de rétablir le calme. D’autant que l’enquête a rapidement montré que l’habitant d’al-Taamir qui a tiré sur les partisans de cheikh al-Assir n’appartient ni à Amal ni au Hezbollah, tout comme la victime de la famille Ezzé n’est pas non plus le garde du corps de cheikh al-Assir, mais un de ses partisans. De plus, les notables de Saïda ont exprimé leur refus de voir leur ville basculer dans le chaos et tomber sous le règne des milices. Ce qui a poussé les députés et autres responsables à multiplier les démarches pour calmer les ardeurs de cheikh al-Assir et de ses partisans.


Le second piège évité consistait à décréter Saïda « zone militaire ». Ce qui aurait placé l’armée en confrontation directe avec les différentes formations. D’un côté, une telle décision donne du crédit à la troupe, mais de l’autre, elle la place en première ligne. Autrement dit, l’armée devrait prendre toutes les décisions, et les personnes qui pourraient être arrêtées seraient immédiatement déférées devant le tribunal militaire.

 

Dans un contexte aussi sensible et après la campagne de dénigrement dont a été victime l’armée au Nord après la mort de cheikh Abdel Wahed, une telle décision peut avoir des conséquences graves, sur fond de dissensions confessionnelles. Le Conseil des ministres a finalement rejeté cette option, préférant une décision plus modérée qui charge l’armée de rétablir l’ordre tout en maintenant le pouvoir entre les mains de l’autorité politique.


Les événements de Gaza, qui coïncident avec la commémoration de Achoura, risquent de remettre le feu aux poudres. L’armée libanaise est en tout cas consciente de la gravité de la situation et elle préfère prendre toutes les précautions plutôt que de se laisser surprendre par ceux qui continuent à vouloir entraîner le Liban dans le chaos régional.

 

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