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Culture - Accrochage

Artistes libanais modernes et contemporains au BEC

C’est à partir de l’ouvrage « L’Art au Liban, artistes modernes et contemporains de 1880 à 1975 » qu’est né le projet de cette exposition qui se déroule au Beirut Exhibition Center (BIEL) jusqu’au 9 décembre. Plus qu’un accrochage habituel, il s’agit d’un véritable dialogue de murs et d’époques.

Un nu de César Gemayel (1940) illustrant la modernité de la peinture libanaise.

Si l’ouvrage très bien élaboré de Nour Salamé Abillama et Marie Tomb lève le rideau et met en scène d’une manière chronologique l’art libanais si singulier et si riche de 1885 à 1975, l’exposition du Beirut Exhibition Center, qui en a extrait un certain nombre d’œuvres tant picturales que sculpturales, apporte un plus à cette trajectoire effectuée par les artistes du Liban. Elle offre un parcours muséal, une visite guidée dans le temps où le spectateur s’imprègne de cet art souvent méconnu. En entrant dans le grand espace du Beirut Exhibition Center, c’est un souffle d’intemporalité qui vous happe, vous prend à bras-le-corps et ne vous lâche pas jusqu’à la sortie.

Dialogue des murs
Si le thème, en effet, ne pouvait se prêter qu’à une succession chronologique, le scénographe Karim Begdache a relevé le défi d’en faire une lecture originale, mettant l’accent sur la spécificité des grands artistes libanais. «La profusion des styles, des inspirations, des expressions, des partis pris techniques ou esthétiques font la vitalité d’une société humaine et sa raison d’être», écrit Amin Maalouf dans la préface de l’ouvrage. Pour mettre en évidence cette richesse qui franchit les barrières du temps, l’architecte a reproduit à sa manière une visualisation et une projection de ses œuvres. Celles-ci ont été sélectionnées auparavant par Nadine Begdache (galerie Janine Rubeiz) et Saleh Barakat (Agial) avec la collaboration de l’architecte qui dit avoir une affection pour l’art libanais pour y avoir longtemps baigné.
Si le BEC ne pouvait contenir toutes ces années de travail et ces démarches artistiques, le scénographe ne pouvait pas non plus négliger le moindre peintre qui a laissé sa trace sur la toile. Sélection des œuvres les plus majeures (à comprendre celles qui ont eu un impact social ou autre), tri et accrochage, autant d’étapes qui ont nécessité des recherches et du temps.
«Plus de 80 collections privées et publiques avaient été photographiées, avoue Nour Salamé Abillama, constituant ainsi une base de données de plus de 5000 œuvres d’artistes libanais.» Pourquoi cet artiste et pas un autre, ou pourquoi cette œuvre et pas une autre? est-on en droit de se demander. C’est dans les couloirs du temps, dans les marges de l’histoire que cette opération non exhaustive a eu lieu, formant aujourd’hui un corps homogène et lisible de cet art à la portée de chacun.

Une démarche particulière
«Il me fallait respecter trois priorités, dit Karim Begdache: mettre en évidence les artistes méconnus, mais ô combien importants, assurer par le jeu des associations une lecture continue et sans interruption d’un travail en marche et, enfin, mettre l’accent sur la modernité et l’éclectisme de ces peintres qu’on dit anciens. Si j’ai proposé un parcours non linéaire et susceptible de faire dialoguer les murs, chacun est pourtant libre d’effectuer la visite qu’il désire.»
Laissons-nous guider par ces pionniers, ces précurseurs qui ont ouvert la voie royale jusqu’aux contemporains et modernes. Habib Srour, Khalil Saleeby, Saliba Doueihy, qui réalisaient surtout des commandes (portrait de notables) car c’était le courant international de la peinture, mais qui avaient parallèlement leur propre jardin secret. Ainsi cette dame de Saleeby qui se tient debout, majestueuse, à l’entrée laisse deviner un travail abstrait dans le rideau qui lui sert de cadre. Si Saliba Doueihy – considéré comme un des plus grands peintres libanais – est résumé en 3 œuvres, celles-ci suffisent néanmoins à exprimer l’attrait de l’abstrait chez cet artiste unique et avant-gardiste dont les paysages (libanais) s’achevaient par une totale épure, voire abstraction. Modernité également pour les Bédouines de Srour, Onsi ou Saleeby qui côtoient sans dysharmonie les nus de César Gemayel et Philippe Mourani, traduisant une société en parfaite mouvance.

Une fenêtre jamais refermée
Ainsi c’est à travers la structure mise en place par Nadine Begdache et les intersections de part et d’autre sur des murs en couleurs (tels des post-it sur les pages d’un bouquin) que l’exposition parvient à déjouer le temps et expliquer les influences respectives des uns sur les autres en mettant en avant certaines œuvres-clefs. Ces fenêtres ouvertes sont des clins d’œil au rôle de chaque peintre dans et hors de son époque.
L’art libanais est multiple, diversifié, ouvert et convivial. Il accueille, s’imprègne, filtre et distille. Académisme pour Gibran Khalil Gibran et exploration permanente pour Aref Rayess dont les couleurs africaines rappellent les fleurs-personnages de Bibi Zogbé, ainsi que l’univers de Jean Khalifé. Naïveté pour le douanier Rousseau libanais Khalil Zgaib, et chaos ordonné pour Nabil Nahas; interrogations en expressions libres pour Samir Khaddage ou visions intérieures de Fadi Barrage (un artiste parti trop tôt). Sans oublier les sculptures des Basbous qui pointillent l’espace. Pour enfin atteindre la dernière allée qui ramène en boucle à la genèse de cet art où des étrangers établis au Liban, comme Cyr ou Scamanga, ont mis leur touche personnelle, tout autant que ces peintres contemporains comme Molaeb, Jurdak, Wakim et el-Rawass qui continuent à présenter des œuvres en marche avec leur temps.
Et que dire de ce carré des grandes dames, ou plutôt de ce parallélépipède dont les côtés ne font que s’élargir pour englober Yvette Achkar, Helen Khal, Ethel Adnan, Yvette Caland, Salwa Raouda Choucair ou encore Laure Ghorayeb dont le trait rappelle en quelque sorte le travail de Juliana Seraphim. Mais également Nadia Saïkali. Un travail audacieux et puissant qui bouscule encore une fois les règles.
Des règles sans cesse réinventées par ces artistes qui instaurent à chaque époque un dialogue continuellement renouvelé, mais toujours en liaison avec un passé bien
présent.
Si l’ouvrage très bien élaboré de Nour Salamé Abillama et Marie Tomb lève le rideau et met en scène d’une manière chronologique l’art libanais si singulier et si riche de 1885 à 1975, l’exposition du Beirut Exhibition Center, qui en a extrait un certain nombre d’œuvres tant picturales que sculpturales, apporte un plus à cette trajectoire effectuée par les artistes...
commentaires (1)

On peut continuer a rever d'un musee d'art moderne au Liban... Nos artistes le meritent bien, non ?

Gerard Avedissian

12 h 51, le 12 novembre 2012

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Commentaires (1)

  • On peut continuer a rever d'un musee d'art moderne au Liban... Nos artistes le meritent bien, non ?

    Gerard Avedissian

    12 h 51, le 12 novembre 2012

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