La défaite de Mitt Romney contre Barack Obama à la présidentielle a révélé la déconnexion croissante des républicains avec les minorités américaines, contraignant le parti à une réflexion urgente sur son avenir s’il entend reprendre la Maison-Blanche.
Le virage à droite du parti depuis 2010, quand la vague du « tea party » avait porté au Congrès des dizaines d’élus ultraconservateurs, semble aussi avoir trouvé ses limites dans les urnes, avec notamment la perte d’un précieux siège au Sénat, dans l’Indiana, par un candidat issu de la mouvance. De nombreux hérauts de la cause ont été réélus à la Chambre des représentants, mais d’autres comme Michele Bachmann étaient en difficulté, le dépouillement se poursuivant toujours.
Alors que les minorités ont en masse voté pour M. Obama, les réservoirs de voix de Mitt Romney se trouvent chez les hommes, les Blancs et les plus de 65 ans, des groupes démographiques qui prennent de plus en plus les allures d’un bastion en déclin. Des personnalités conservatrices ont lancé la charge de la rénovation mardi soir. « Les républicains ont fait un travail pathétique pour attirer les gens de couleur, c’est une chose sur laquelle il faut qu’on travaille », a lancé Mike Huckabee, candidat à la primaire républicaine de 2008. « C’est un groupe qui, franchement, devrait être avec nous, du côté conservateur. Mais les républicains se conduisent comme s’ils ne pouvaient pas avoir leurs voix, donc ils n’essaient même pas », a-t-il déploré.
Les démocrates revendiquent une « coalition Obama », mêlant les électeurs non blancs, les jeunes, les femmes et, nouveau groupe électoral visible, les homosexuels. Trois sur quatre ont voté Obama. « Peu importe que vous soyez noir, blanc, hispanique, asiatique ou indien d’Amérique, jeune, vieux, riche ou pauvre, ou handicapé, gay ou hétérosexuel, vous pouvez réussir en Amérique si vous le voulez vraiment », a déclaré Barack Obama lors de son discours de victoire. Les électeurs de moins de 30 ans ont aussi voté à 60 % pour Barack Obama. « Les républicains doivent vraiment aborder les questions de société qui motivent les jeunes, et cela veut dire les sujets sur lesquels les chrétiens conservateurs et les évangéliques se battent, comme l’avortement, la contraception, les droits des homosexuels », analyse Christopher Arterton, professeur à l’Université George Washington.
Selon cet observateur des mouvements politiques, le scrutin marque aussi « un coup dur contre le tea party et le grand enthousiasme né en 2010 parmi les conservateurs ». La réélection du président renforce sa légitimité pour négocier un accord budgétaire avec le Congrès, où la majorité républicaine de la Chambre, poussée par le tea party, bloque actuellement toute augmentation des impôts sur les plus riches.
Mais ce sont les hispaniques qui préoccupent le plus la génération montante du parti républicain. Ils représentent aujourd’hui 10 % des électeurs, et davantage en Floride (16 %), dans le Nevada et l’Arizona (19 %), trois États-clés. Hispaniques et asiatiques pourraient peser à eux seuls 40 % de l’électorat en 2050, selon les projections de l’institut Pew. « Si les républicains ne parviennent pas à élargir leur base démographique, ils disparaîtront tout comme le parti Whig dans les années 1850 », prédit Allan Lichtman, professeur d’histoire à l’American University à Washington, en référence à ce parti rongé par les divisions sur la question de l’esclavage. Le populaire sénateur de Floride Marco Rubio, d’origine cubaine, pourrait contribuer à la relance des négociations sur une loi de régularisation de certains des 12 millions d’immigrés sans papiers, au point mort depuis des années. « Le mouvement conservateur devrait être particulièrement attractif pour les minorités et les communautés d’immigrés qui essaient de s’en sortir, et les républicains doivent plus que jamais travailler pour leur communiquer nos convictions », a ainsi déclaré dans un communiqué le jeune sénateur, lieutenant très actif de Mitt Romney pendant la campagne et un temps dans la course pour devenir son colistier.
Lire aussi le billet d'Emilie Sueur : Trop masculin, trop blanc, trop vieux
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