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Présidentielle US 2012 - En dents de scie

Le prince de sang-mêlé

Quarante-quatrième semaine de 2012.


Ses larmes officielles, il ne les a pas balancées devant Chicago, devant les États-Unis, devant le monde. Ses larmes, il les a gardées pour une semi-intimité, deux jours plus tard, sans public et sans photographes ; il n’y avait que son équipe de campagne. Ce que vous avez fait veut dire que la mission que je suis en train de mener est importante, et je suis vraiment fier de cela... C’est là qu’elles ont coulé, silencieuses, assourdissantes, imposantes, humaines, (enfin) trop humaines, extrêmement intimidantes donc. Filmées, elles ont été mises en ligne. La vidéo a été vue plus d’un million et demi de fois : voilà Barack l’arrogant, qui traitait volontiers ses compatriotes d’ingrats ; voilà Barack l’ex-Messie, le Zorro décapé et un peu candide de 2008 ;voilà Barack le superlatif, tout en mots et sans gestes, désormais et dorénavant dissous dans quatre années de pragmatisme et d’überpolitique. Un Barack englouti dans une campagne au vitriol puis littéralement sauvé des eaux par une october surprise mortelle mais gentiment prénommée Sandy qui a fini de convaincre une centaine de millions d’électeurs, instinctivement, qu’ils pourraient passer, en votant Mitt Romney, à côté d’un autre Roosevelt. D’un autre Lincoln. Alors, ce mercredi 7 novembre, sous une supertempête de confettis, Barack a enfin laissé la place à Obama.


Il faudra du temps pour savoir si cette espèce de parthénogenèse, si cette transfiguration laborieuse mais impressionnante et qui doit laisser pantois, entre autres, des Sarkozy, des Zapatero ou des Brown, réussira. Ou pas. Si cet Obama sera celui qui sortira les Américains de la crise économique et de leurs crises de foie absolument atterrantes parfois, entre misogynie et homophobie moyenâgeuses. Si cet Obama sera celui qui, sans probablement pouvoir le guérir, pansera les plaies du monde, l’aidera à lécher ses blessures, à s’accepter, entre fils de Ben Laden et sunnites modérés, entre sunnites et chiites, entre sionistes et juifs assoiffés de paix, entre chrétiens fondamentalistes et chrétiens progressistes, entre chrétiens et musulmans, entre musulmans et juifs, entre Israéliens et Palestiniens, entre Syriens et Syriens, entre Chinois et Japonais, entre Chinois et Américains, entre Américains et Américains...
Est-ce réellement ce qui est demandable ou demandé au (premier) président (noir) des États-Unis d’Amérique ? Bien sûr que non. Mais à tort ou à raison, inconsciemment ou pas, volontairement ou pas, c’est à lui, dans l’imaginaire mondial, de donner le la. De s’imposer en Karajan, en Léonard Bernstein de la synergie planétaire. Le défi est herculéen, mais il est des signes qui font doucement sourire ; ne serait-ce que cette victoire plutôt tranquille (il n’a même pas eu besoin de la Floride...) qui a été la sienne alors que tout le monde le posait en pathétique victime expiatoire de l’obsession économique du peuple bizarre des États-Unis ; ne serait-ce surtout que par le vote juif, majoritairement tombé dans l’escarcelle démocrate, bien au-delà du simple réflexe minoritaire qui a été celui des latinos, des hispanos, des afro-américains ou des gays.


Les juifs d’Amérique ont voté Barack Obama. À un peu plus de deux mois des législatives anticipées en Israël, ce geste a quelque chose comme une supplique/injonction lancée par eux à leurs frères israéliens. Quelque chose de troublant, à l’heure où tout l’État hébreu bruisse de rumeurs assez drama queen sur une probable vengeance d’Obama contre cet homme que les sondages donnent pour l’instant vainqueur en janvier 2013, un homme qui a dynamité tout ce que ses prédécesseurs ont pu réaliser, bon gré mal gré, pour que s’effritent un peu plus les murs entre Israéliens et Palestiniens, l’anti-Yitzhak Rabin absolu : Benyamin Netanyahu.


À l’exception des binationaux (et encore...) horrifiés à l’idée de payer éventuellement encore plus de taxes, les Libanais, dans leur très grande majorité, soutenaient, peut-être pas pour les bonnes raisons, Barack Obama. Et les voilà qui espèrent que l’élection US se fera en deux temps ; qu’après la victoire du démocrate, il y ait la défaite, dans ce qui peut être considéré, grosso modo, comme le 51e ou le 52e État des States, de ce faucon israélien qui n’a même pas pour lui la testostérone et la capacité de surprendre du boucher, d’Ariel Sharon. Les voilà, ces Libanais, qui attendent de Barack Obama de contribuer à régler la crise syrienne aux tout débuts de 2013. Les voilà qui rêvent de le voir signer un quelconque accord avec l’Iran qui obligerait les ayatollahs de Téhéran d’en finir avec leur soutien à la milice-vampire et vaudoue du Hezbollah. Les voilà même qui fantasment : et si Obama réussissait à fermer le clapet du CPL, à greffer des neurones au 14 Mars...


Sauf que tout ce qui lui est demandé est de traduire en actes d’abord son indélébile Yes we can, et ensuite, idéalement, son discours du Caire. Ce n’est pas grand-chose, mais ce serait déjà énorme.

Quarante-quatrième semaine de 2012.
Ses larmes officielles, il ne les a pas balancées devant Chicago, devant les États-Unis, devant le monde. Ses larmes, il les a gardées pour une semi-intimité, deux jours plus tard, sans public et sans photographes ; il n’y avait que son équipe de campagne. Ce que vous avez fait veut dire que la mission que je suis en train de mener est importante, et...