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Nos Lecteurs ont la Parole

La douleur et l’angoisse de l’éloignement

Par Stéphanie BAZ-HATEM
Vendredi 19 octobre 2012 : une bombe explose à Beyrouth, place Sassine. Cette fois-ci c’est du sérieux et ça rappelle à tous les horreurs de la guerre civile libanaise, et plus proche de nous, la série des attentats meurtriers des années 2005-2008.
Je n’étais pas place Sassine ce jour-là, j’en étais même très loin. Ma famille non plus, mes amis non plus. Je fais partie de cette génération préservée qui n’a connu la guerre que par procuration. Mais bizarrement, à des milliers de kilomètres de l’attentat, tout mon corps a vibré comme si j’y étais. Des images se sont instantanément entrechoquées dans ma tête, des personnes sont apparues dans mon esprit, une ambiance que j’ai connue autrefois a fait son apparition dans mon cerveau. Des souvenirs joyeux et malheureux, des odeurs, des couleurs et des bruits que seule Beyrouth abrite sont remontés à la surface de ma mémoire. Cette bombe meurtrière a explosé un vendredi après-midi place Sassine, à l’heure de la sortie des classes et à la veille du week-end. Lycéenne, il y a plusieurs années, j’allais presque tous les vendredis place Sassine pour manger un hamburger ou siroter un frapuccino au Starbucks. Il y a quelques années, je me suis rendue avec mon père dans l’immeuble de la poste, place Sassine, à quelques mètres à peine du lieu de l’explosion, pour refaire mon passeport. Ce passeport qui me permet de partir, même de fuir souvent ce pays paradoxal qui est le mien. Un passeport qui ne me sert qu’à rentrer ou sortir du Liban. Un passeport symbolique mais si mélancolique.
Aujourd’hui mon pays est en deuil et je me sens inutile. À l’étranger, on ne ressent les choses qu’à moitié car notre vie s’est construite autrement et continue sa route sans encombrement. Mais l’éloignement n’est en rien un remède à la douleur, il en est parfois même le contraire. L’angoisse liée à l’exil se fige dans nos cœurs et ne s’en va jamais tout à fait. J’ai été surprise aussi de voir que sur les réseaux sociaux, les Libanais à l’étranger, de loin majoritaires, se désolent, s’émeuvent, se révoltent contre ce crime inhumain. Ils se sentent meurtris, attaqués en plein cœur. Ils éprouvent aussi ce sentiment égoïstement triste de se savoir à l’abri. Les Libanais vivant sur place, eux, poussent un coup de gueule à chaque attentat perpétué : ils ont un sentiment contraire, une sorte de dégoût, un épuisement moral, une lassitude totale et une colère enfouie prête à sortir des ténèbres à la moindre occasion.
Aujourd’hui, à Paris, à Beyrouth ou ailleurs, nous sommes tous des habitants d’Achrafieh, nous sommes tous touchés en plein cœur et nous sommes tous en colère. Et malheureusement, nous sommes tous impuissants face à cette terreur généralisée et à la gratuité des ces crimes totalement inutiles.
Vendredi 19 octobre 2012 : une bombe explose à Beyrouth, place Sassine. Cette fois-ci c’est du sérieux et ça rappelle à tous les horreurs de la guerre civile libanaise, et plus proche de nous, la série des attentats meurtriers des années 2005-2008. Je n’étais pas place Sassine ce jour-là, j’en étais même très loin. Ma famille non plus, mes amis non plus. Je fais...

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