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Liban - La situation

Les prochains jours décisifs pour Tripoli, mais les milieux politiques excluent une conflagration généralisée


Au cinquième jour des combats à Tripoli, rien ne semble encore jouer en faveur de l’accalmie. Pas encore. Au risque d’un enlisement total qui entraînerait dans son sillage d’autres régions, d’autres acteurs encore.
Multipliant les déclarations tonitruantes qui n’ont de ferme que le ton de cérémonial utilisé, et enchaînant les réunions sécuritaires qui continuent de prouver leur inefficacité, les responsables politiques et, derrière eux, les institutions de l’État semblent de plus en plus désarmés face à la dissémination de la violence dans la capitale du Nord.
L’un après l’autre, et comme à chaque round d’affrontements qui secouent la ville, les députés reviennent à la charge pour dénoncer, une fois de plus, les combats qui ont lieu et préconiser des ébauches de solutions, mais rien de plus concret.
Une vieille rengaine est réapparue dans les débats sur la capitale du Nord, celle du désarmement des milices... Un souhait que les responsables politiques s’évertuent – depuis près d’une décennie au moins – à exprimer, sans jamais passer à l’acte. À la différence près qu’aujourd’hui la sirène a viré au rouge et les dangers d’une explosion généralisée sont de plus en plus réels.
Côté officiel, on continue également de parler de réconciliation, et nombreux sont ceux qui se bousculent pour parrainer ce processus – à leur tête, le ministre de l’Intérieur, suivi du mufti de Tripoli, cheikh Malek Chaar. On en oublie même que les alaouites, plus précisément leur chef politique, Rifaat Ali Eid, qui n’était même pas invité à la réunion élargie organisée jeudi soir au domicile du Premier ministre. Un détail qui pourtant aurait fait toute la différence, soutiennent certains. Pour d’autres, la présence de ce dernier était d’autant plus indésirable que la décision de déstabiliser le pays est désormais prise par ses alliés de Damas.
Pour la première fois, on peut clairement dire que c’est le camp alaouite qui est responsable du déclenchement des hostilités cette fois-ci, fait valoir une source autorisée, qui reconnaît que cela n’était pas le cas au cours des affrontements précédents, lorsque le camp sunnite avait par moments initié les hostilités.
Selon des sources sécuritaires, c’est le plan B qui est maintenant exécuté par le régime baassiste, puisque le plan A, que devait parrainer et exécuter l’ancien ministre Michel Semaha, a échoué. Le mot d’ordre de passer à la première vitesse pour provoquer des affrontements communautaires, couplés d’une discorde entre les sunnites et l’armée, a été donné.
Ce n’est certes pas la première fois que les combats entre sunnites et alaouites font rage à Tripoli. C’est pourtant la première fois qu’ils suscitent des commentaires aussi alarmants que ceux prononcés par le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires politiques, Jeffrey Fletman, ou encore ceux du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Hier, c’était au tour de l’ambassadeur de Grande-Bretagne de tirer la sonnette d’alarme, accusant la Syrie d’exporter sa crise au Liban.
Après avoir longtemps ménagé son voisin syrien, se gardant de toute déclaration d’hostilité à son égard, le Premier ministre, Nagib Mikati, semble sortir petit à petit de sa réserve. Hier, il s’est aventuré à se dire « inquiet » des tentatives d’entraîner le Liban dans le conflit syrien. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que, depuis peu, M. Mikati a affirmé devant ses visiteurs occidentaux qu’il craint comme la peste non point les pauvres déplacés syriens, mais les éléments des services de renseignements proches du régime baassiste qui auraient récemment investi le pays du Cèdre.
Le danger est en tous les cas réel et la situation extrêmement grave, souligne une source ministérielle qui parle de haine montante et d’exclusion à Tripoli. Pour la première fois, hier, les cheikhs sunnites ont injurié unanimement les alaouites lors du prêche du vendredi, raconte une figure tripolitaine, qui souligne que la tension est à son paroxysme. La peur d’une déflagration plus généralisée est également partagée par une autre source informée qui reconnaît que cette fois-ci la bataille a, du côté sunnite, des relents religieux qu’elle n’avait pas auparavant. C’est ainsi que l’on voit désormais parmi les combattants des cheikhs qui sont passés à l’action, aux côtés de certaines figures fétichistes du salafisme pur et dur qui a repris du poil de la bête dans la ville.
Tout devrait se jouer au cours des deux ou trois prochains jours, affirme une source sécuritaire, qui croit savoir que le camp des alaouites, qui se sent complètement encerclé, devrait finir par céder et se plier au cessez-le-feu. Pour une source proche du gouvernement, les prochains 24 heures seront décisives : soit l’armée parviendra à sévir en assénant un coup à Tebbaneh et un coup à Jabal Mohsen, soit ce sera le chaos.
Il reste que malgré ce sombre tableau, aussi bien le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, que le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, ont écarté hier à l’unisson tout risque de guerre civile au Liban. Abondant dans le même sens, Michel Aoun affirme pour sa part que la tension ne débordera pas le cadre de la zone actuelle des affrontements.
Au cinquième jour des combats à Tripoli, rien ne semble encore jouer en faveur de l’accalmie. Pas encore. Au risque d’un enlisement total qui entraînerait dans son sillage d’autres régions, d’autres acteurs encore. Multipliant les déclarations tonitruantes qui n’ont de ferme que le ton de cérémonial utilisé, et enchaînant les réunions sécuritaires qui continuent de prouver...

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