Nul ne peut se déclarer innocent de tels forfaits. Le sac de Rome par Alaric en 410, la prise de Constantinople en 1204, celle de Bagdad en 1258 demeurent des souvenirs douloureux. Il existe des cas où la culture est elle-même la chose à anéantir. On se souvient de la destruction du temple de Jérusalem par l’empereur Titus ou celle de la bibliothèque d’Alexandrie brûlée par les Arabes selon les uns, par les moines fanatiques selon les autres. Les violences iconoclastes qui agitèrent l’Orient chrétien durant 150 ans nous ont fait perdre une grande partie du patrimoine antique. L’Occident chrétien sera victime du même iconoclasme lors de la Réforme. Il y a quelques années, la démolition des magnifiques bouddhas de Bamyan par les talibans avait indigné le monde. Sous nos yeux, un patrimoine inestimable est en train d’être réduit à néant à Tombouctou par des groupes radicaux ultra-islamistes. Ces fanatiques hallucinés veulent purifier cette région du Mali de ses merveilleuses mosquées, de ses mausolées et de ses bibliothèques qui souillent, selon eux, la pureté iconoclaste de l’islam tel qu’ils l’interprètent. En Syrie, la vieille ville d’Emèse (Homs) n’existe plus. À partir de la citadelle d’Alep, les canons bombardent cette ville merveilleuse. Le Krak des Chevaliers est pris sous le feu croisé des combats.
Mentalité talibane ? Vandalisme ? Barbarie ? Tout se retrouve dans ce mépris et cette haine de la valeur culturelle. On a vu récemment, au Liban, le ministre de la Culture en personne autoriser la démolition des ruines du port phénicien de Beyrouth afin de creuser les fondations d’une de ces tours qui transforment la capitale libanaise, longtemps chantée pour ses puits et ses jardins rafraîchissants, en une forêt de piliers en béton armé.
Le corps de l’homme lui-même ne rentre pas dans la catégorie des valeurs inaliénables dans nos régions qui demeurent fortement marquées par la barbarie. On le voit quotidiennement en Syrie où on aurait aimé que l’opposition ne donne pas le triste spectacle de lynchages comme ceux d’Alep. On aurait préféré que la grandeur de ce que le peuple de Syrie réalise ne soit pas entachée par de tels dérapages criminels. Quand, récemment, une petite Éthiopienne fut sauvagement battue dans les rues de Beyrouth par son « propriétaire », nul n’est intervenu dans la foule en faveur de l’innocente victime. Faut-il s’en étonner quand les forces de l’ordre font vérifier, moyennant un acte de viol policier perpétré par des médecins indignes et pervers, l’élasticité du sphincter anal de quelques jeunes gens soupçonnés du crime de « relations sexuelles contre nature », ce qui se résume, dans la mentalité barbare, au seul cas de sodomie masculine qui dégrade l’image de l’homme viril ? Le sodomisé, à l’anus complaisant, risque les foudres de la justice pénale si le test du viol sauvage et imbécile s’avère positif. Quant au sodomiseur, il sauve l’image du mâle actif et viril puisque son anus ne présente aucune complaisance face à toute velléité d’intromission. Bénéficiera-t-il de circonstances atténuantes ? Ainsi, tenir le rôle actif dans une relation homo-érotique ne stipendierait pas son auteur en faisant de lui un gay, un sodomite, une tantouse, un pédé. L’homosexuel à l’anus non complaisant demeure donc un homme, un vrai.
Violer la ville de Beyrouth en l’occupant durant 18 mois est, par contre, un haut fait héroïque. Violer l’espace public quotidiennement au nom d’intérêts factieux, souvent mafieux, est signe de bravoure de la part des forts en gueule. Violer l’intégrité des policiers en les bastonnant pour avoir osé dresser une contravention est châtiment exemplaire administré à ces malotrus qui osent s’en prendre à la caste des élus. Violer toute une population en la privant sciemment de courant électrique afin de marquer des points contre un rival du pouvoir est un acte d’intelligence politique. Violer les consciences par des flics ignares et incultes qui décident arbitrairement ce que tout un chacun doit lire est le reflet d’une autorité qui sait faire régner l’ordre.
Le bateau prend l’eau de partout. Quand va-t-il enfin sombrer ? Pour le moment, il va à la dérive, au gré des vagues et des vents. Les passagers, tels des charognards, sont trop occupés à dépecer la dépouille de ce qui fut jadis un pays civilisé, foyer de culture et d’urbanité.
commentaires (6)
La bibliothèque d'Alexandrie fut saccagée et brûlée par les hordes arabes, alors comme les Talibans d'aujourd'hui. Et qu'on ne nous chante pas le réveil soudain d'Andalousie et les manuscrits grecs sauvés par les arabes et passés à l'Europe. En fait les arabes ont tout saccagé et tout brûlé. Les éminents philosophes et scientifiques grecs d'Alexandrie qui gardait chacun une bibliothèque personnelle à sa maison ont été obligés de se convertir à l'Islam, et de se choisir des noms arabes, pour garder leurs vies et leurs bibliothèques sauves. Ce furent eux, avec leurs nouveaux noms arabes, affublé souvent de " Al Roumi " chacun, arrivés en Andalousie avec les conquérants arabes, qui ont fait la gloire de l'Andalousie "arabe" et transmis les manuscrits anciens à l'Europe.
SAKR LEBNAN
15 h 15, le 03 août 2012