Des sources de l’opposition ont indiqué aujourd’hui à des agences de presse que le président syrien se trouverait à Lattaquié, qu’en pensez-vous *?
"Oui, c’est plausible. Dans cette région, les alaouites ont le dessus. Et ils soutiennent Bachar el-Assad car ils ont peur des représailles. Il faut se rappeler qu’au début de la révolte, des alaouites se sont fait tuer à Homs juste parce qu’ils étaient alaouites. Donc la peur est présente.
Par ailleurs, il y a eu un vrai mouvement de la population alaouite vers la côte.
Une personne qui réside dans la région m’a raconté que dans la région de Kardaha, le fief des Assad, la famille Makhlouf construit depuis six mois des logements pour les alaouites de Homs ou d’ailleurs. Et dans cette région, le dounoum** de terrain constructible a quintuplé, passant de 100.000 livres syriennes (1.550 USD) à 500.000 livres syriennes (7.760 USD).
Ce mouvement de population a commencé l’été dernier. A l’époque, les familles sont parties estiver sur la côte. A la rentrée, les femmes et les enfants sont restés, seul le père de famille est rentré à Damas, Homs ou ailleurs.
L’on a également observé un mouvement des populations chrétiennes vers la région du Krach des Chevaliers".
Quelles leçons tirer du fait que l’opposition ait pu perpétrer un attentat contre le cœur du système sécuritaire syrien ?
"Cet attentat montre que les rebelles bénéficient fort probablement d’un soutien étranger. Je doute fortement que les rebelles de l’Armée Syrienne Libre aient pu réussir seuls une telle opération. Ils ont dû bénéficier d’une aide logistique, d’une aide pour pouvoir, notamment, +retourner+ des proches du régime de Assad.
Quant à la piste du kamikaze avancée par le régime, je n’y crois pas. Le régime avance cette piste car il veut faire porter la responsabilité de l’attentat à el-Qaëda. Il est préférable pour le régime de faire croire à la piste d'un kamikaze d'el-Qaëda contre lequel on ne peut pas faire grand chose, que de reconnaitre une telle faille dans les services de sécurité.
Mais je doute que dans les cercles du régime, qui que ce soit puisse être acquis à la cause de l’islam radical".
Et maintenant, que va faire le régime ?
"La riposte aura lieu à différents niveaux probablement.
Le régime ne laissera pas le crime impuni. Il va frapper et n’est pas dupe. Et je pense qu’il faut s’attendre à ce que des intérêts du Golfe ou occidentaux soient visés, et ce probablement au Liban.
En Syrie, il faut s’attendre à ce que les fidèles d’Assef Chawkat se vengent. Ce qui prendra la forme de massacres de villageois du camp opposé. C’est une pratique connue, et il n’est pas impossible que le massacre perpétré à Houla le 25 mai dernier ait été une réponse à une tentative d’empoisonnement de Chawkat.
Enfin, la réponse officielle sera militaire et pourrait se traduire par le bombardement massif d’un quartier périphérique de Damas par exemple.
Reste que la mort du général Hassan Turkmani (en charge de la cellule de crise mise en place pour mater la révolte, ndlr) et du chef de le Sécurité nationale Hicham Ikhtiar dans l'attentat de Damas, de même que la défection du général Manaf Tlass, sont des coups durs pour le régime car elles vont entraîner la défection d’une partie de la nomenklatura sunnite. Des sunnites qui vont faire défection par peur d’être tués à leur tour ou par ras le bol de la marginalisation.
C’est ce qui s’est passé avec Manaf Tlass.
Il a longtemps rongé son frein, frustré par la perspective de finir comme son père, Moustapha Tlass, ancien ministre de la Défense, caution sunnite du régime, mais sans réelles responsabilités.
Beaucoup d’officiers sunnites sont dans le même cas. Ils ont vu passer des alaouites devant eux, en terme de promotions et sont frustrés. Il y aura des défections. Et ce d’autant plus que ces personnes sont sollicitées par l'étranger.
Ceci va limiter la capacité du régime à reconquérir le terrain perdu.
Aujourd’hui, le régime doit boucler les frontières pour pouvoir travailler en vase clos et tenter de rependre du terrain. Mais ce avec moins d’hommes".
Comment la crise peut-elle dès lors évoluer?
"Le régime peut se contenter du terrain qu’il contrôle aujourd’hui : les grandes villes, les grands axes de communication, le Jbedel druze, certaines enclaves kurdes, la côte. Il peut se contenter de ça tant qu’il bénéficie du soutien des alliés russe et iranien.
Mais ces alliés, s’ils réalisent que la situation est bloquée, que le pouvoir syrien ne pourra pas reconquérir le terrain perdu, pourraient être tentés de lâcher le régime. Moscou, assurément, ne veut pas d’un nouvel Afghanistan comme dans les années 80".
*En fin d'après-midi, la télévision syrienne a diffusé, jeudi en fin d'après midi, des images de Bachar el-Assad. Un de ses conseillers a indiqué qu'il se trouvait à Damas, dans son palais présidentiel.
**un dounoum représente 1.000 m2.
"Oui, c’est plausible. Dans cette région, les alaouites ont le dessus. Et ils soutiennent Bachar el-Assad car ils ont peur des représailles. Il faut se rappeler qu’au début de la révolte, des alaouites se sont fait tuer à Homs...
commentaires (4)
Avec la complicité du Hezbollah, du CPL et de leurs amis.
Robert Malek
10 h 35, le 19 juillet 2012