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Nos Lecteurs ont la Parole - OPINION

Le retour du naïf

« Comment une société d’hommes qui ne sont pas des misérables peut-elle subsister et se maintenir aussi longtemps dans une situation de misère ? »


Tel est le théorème libanais soumis depuis des décennies aux théoriciens, aux politologues et à toute personne de bonne volonté.


Un théorème qui s’avère de moins en moins soluble à mesure que gonfle la démographie, vont à reculons les compétences, et progressent les médiocrités, les calculs hypocrites, les faux-fuyants et la corruption galopante de tous ceux qui s’arrachent les commandes de ce pauvre pays pour s’en délecter.


Croit-on sincèrement, au niveau des responsables, pouvoir profiter tout seul d’un certain art de vivre, fait de faux confort et de culture tronquée, alors que la masse des citoyens de la deuxième tout autant que de la troisième catégorie se débat dans d’inimaginables débrouilles pour assurer au quotidien un semblant de vie décente ? Au milieu d’inextricables problèmes de manque d’électricité, de manque d’eau, d’absence de contrôle, d’éducation civique et d’organisation, de présence endémique du communautarisme sectaire et du favoritisme criminel à tous les échelons ?
Ni esthétique ni éthique ! Rien qu’une circulation automobile sauvage, baignant dans une atmosphère polluée, assortie de menaçants échos de bruits d’émeutes, de fermeture de routes, de comptes rendus d’enlèvements et d’assassinats, aux quatre coins du territoire...


Jetez donc une poignée d’êtres humains dans ce chaudron d’inepties et demandez-leur de gigoter là-dedans, de travailler (ou de faire semblant) de se nourrir, de s’aimer, de s’injurier, de faire des enfants et de hurler comme les loups au travers de centaines de haut-parleurs installés dans leurs temples modernisés ou accrochés à l’air libre pour émettre, à tue-tête par-dessus les terrasses, leur soi-disant désir de prier un Dieu dont ils ne connaissent plus ni l’essence ni le devenir... et vous aurez une image idyllique du Liban d’aujourd’hui.


Un Liban qui ne possède que ses biens d’importation et prétend, à longueur des saisons, voir affluer les touristes imaginaires venus d’autres planètes. Par la bouche de quelque ministre hilare et les proclamations stéréotypées de textes ronflants, on continue de se persuader et d’essayer de convaincre les gens qu’il nous reste un père Noël arabe ou un Pérou africain. Alors que le traîneau sorti des déserts a découvert d’autres voies lactées et que les Africains eux-mêmes en sont à chasser, à coups de gourdin, les ultimes exploitants de leurs prétendues richesses.


Si tout cela ne relève pas de ce qu’on appelle « l’enfer », dites-moi, s’il vous plaît, de quoi il relève.


Dans un monde devenu carrément fou à force de consommation et de sciences économiques, un monde qui grignote et renie tous les jours les valeurs sacrées accumulées au cours des siècles, pas étonnant qu’un pays lilliputien, auquel rien ne l’a préparé à se constituer en nation, se retrouve ballotté de la sorte, piétiné par ses propres ressortissants, agonisant sous un soleil poussiéreux, lui-même détraqué à son tour et livré aux caprices de conditions climatiques mondiales, dorénavant hors de tout contrôle.


Le Liban, victime donc de lui-même et du monde entier !


Voilà l’horrible, l’insoutenable déduction à laquelle nous conduit un XXIe siècle si mal commencé.


La solution ? N’espérer en rien ni en personne, d’abord. Décider de se réveiller et de réveiller ce qui reste de conscience chez les dirigeants comme chez le dernier des citoyens. Nous devrons chercher, découvrir, provoquer l’éclosion d’un meneur passionné qui ne soit ni bête ni rusé, ni chrétien ni musulman, ni sectaire ni milicien, ni économiste ni savant, ni féodal ni bourré de sous... Un être aimant la vie dans ce qu’elle a de plus naturel. Qui sache s’imposer en douceur et en fermeté. Qui puisse librement montrer à chacun la voie de l’efficacité en toutes choses. Car les solutions sont plus simples qu’elles n’y paraissent. Il n’y manque que de la bonne volonté.


L’exemple ? Un seul exemple d’honnêteté, de désintéressement. Un illuminé de génie. Un sauveur, un nouveau messie... et le reste suivra ! Parce que le Liban recèle toujours le meilleur comme le pire. Le pire, nous le connaissons. Mais le meilleur aussi, telle cette jeunesse de nos nouvelles générations encore pleine d’énergie, ces artistes déboussolés et qui se cherchent, ces « Amin-Maalouf » en herbe, et tous ceux, encore nombreux, qui, comme moi, souffrent et espèrent. Qui croient en la beauté, en l’amour, en l’esprit et qui attendent, dans le silence, que le noir se dissipe un jour. Et que la lumière rose qui pointe sur le mont Sannine tous les soirs vers dix-huit heures vienne remplir les cœurs et purifier les intentions.


Oh ! Je sais ! C’est une illusion ! Mais je ne perds rien à la proclamer...

« Comment une société d’hommes qui ne sont pas des misérables peut-elle subsister et se maintenir aussi longtemps dans une situation de misère ? »
Tel est le théorème libanais soumis depuis des décennies aux théoriciens, aux politologues et à toute personne de bonne volonté.
Un théorème qui s’avère de moins en moins soluble à mesure que gonfle la démographie,...

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